BDCREE

Complaints Board of the European Schools

Decision Number: 20/20


Decision Date: 03.08.2020


Keywords

  • change of Language 1
  • appraisal of pedagogical skills

Full Text


Abstract

Appréciation de la Chambre de recours
Sur la légalité de la décision attaquée
,
(...)
5. Ensuite, la décision de la Chambre de recours du 28.8.2018 dans l’affaire 18/08 résume, de manière claire, les principes de l’article 47 e) du RGEE et la jurisprudence constante à son sujet, à savoir que :
a) un principe fondamental des Ecoles européennes est l’enseignement dans la langue maternelle / langue dominante en tant que première langue, principe qui implique l’inscription de l’élève dans la section de sa langue maternelle /dominante là où cette section existe ;
b) il appartient aux Ecoles européennes de déterminer, en suivant la procédure prescrite, la section linguistique appropriée à l’enfant dont l’inscription est demandée ;
c) le RGEE ne reconnaît pas le droit des parents à ce que leur enfant soit admis dans la section linguistique de leur choix, car cette décision appartient à l’Ecole qui doit admettre l’enfant dans la section qui lui convient (décisions de la Chambre du 14 juillet 2011 (recours 11/05 et 11/08) et du 3 août 2012, (recours 12/23) ;
d) l’article 47 e) prévoit que la Langue I est déterminée au moment de l’inscription de l’élève et qu’elle est en principe définitive et valable pour tout le cursus scolaire
Dans sa décision du 24 octobre 2019 (recours 19/51), il est rappelé encore que :
« Conformément à la jurisprudence constante de la Chambre de recours, il se déduit clairement de ces dispositions que le choix de la section linguistique n’appartient pas aux seuls parents mais doit résulter d’une appréciation pédagogique de l’école réalisée dans l’intérêt de l’enfant, au vu des informations fournies par ses parents. L’appréciation pédagogique en question appartient aux enseignants, auxquels ni le SGEE ni la Chambre de recours ne peuvent se substituer, sauf erreur manifeste d’appréciation au violation des règles de procédure. Un changement de L1 ne peut être autorisé par le Directeur que pour des motifs pédagogiques impérieux, dûment constatés par le Conseil de classe et à l’initiative d’une de ses membres (voir par exemple, décision 18-08 du 28/08/2018) ».
Quant à la notion de « motifs pédagogiques impérieux », la Chambre de recours a déjà souligné que « Par cette formulation (« motifs pédagogiques impérieux », le RG exige plus que la seule existence de motifs ou d’aspects pédagogiques : les motifs doivent faire apparaître le changement de langue comme indispensable ou fondamentalement nécessaire au développement pédagogique de l’enfant » (décision du 15 décembre 2015, recours 15/47). »
C’est au vu de ce qui précède que les arguments des requérants doivent être examinés.

6. Les requérants font valoir premièrement que le polonais serait devenu aujourd’hui la langue dominante de la famille, ce qui justifierait le changement de L1 demandé.
Cependant, la langue maternelle/dominante de leur fille [...] a été déterminée au moment de son inscription comme étant le slovaque et cette détermination, non contestée à l’époque de l’inscription, est en principe définitive depuis son inscription en section slovaque.
Comme le rappellent à juste titre les Ecoles, si la langue prépondérante dans l’environnement familial peut constituer un élément à prendre en considération, le changement de L1 ne doit s’examiner que sous le seul angle de la capacité de l’élève à poursuivre sa scolarité avec fruit dans la langue considérée comme maternelle/dominante à l’inscription, soit en l’espèce le slovaque – ce que le Conseil de classe extraordinaire du 11 mars 2020 a précisément constaté.
L’installation future de la famille en Pologne, incertaine et hypothétique à ce stade, ne peut être retenue comme un argument pertinent : la Chambre de recours a en effet déjà eu l’occasion de qualifier de tels motifs liés aux perspectives professionnelles ou aux projets d’installation future des requérants, comme insuffisants pour mettre en échec l’application des principes institués par l’article 47 e) du Règlement général (décision 16/20 12 août 2016 et décision précitée 18/08 du 28 août 2018).
Par ailleurs, comme le font observer les Ecoles, les cours de polonais suivis par l’élève le mercredi et les échanges intra-familiaux devraient suffire à maintenir l’élève à un bon niveau en langue polonaise.

8. Les requérants font également valoir l’inscription de leur fille cadette dans la section polonaise de l’Ecole européenne de Bruxelles I - site d’Uccle pour l’année scolaire 2020-2021, de sorte que la maîtrise du slovaque n’aurait plus d’intérêt pour [...] puisque cette langue ne serait plus que peu utilisée par elle en dehors du cadre scolaire.
Or, cette considération ne peut être regardée comme un « motif pédagogique impérieux » au sens de l’article 47 e) du Règlement général, qui pourrait justifier un changement de L1.
(...)
Enfin, il faut rappeler que la détermination de la langue maternelle/dominante d’un élève au moment de son inscription, ainsi que l’existence de « motifs pédagogiques impérieux » justifiant le changement de L1, doivent être le fruit d’une appréciation pédagogique propre à chaque élève.
Ainsi que la Chambre de recours l’a déjà jugé « Le seul fait que le frère ou la sœur d’un élève soit scolarisé dans une autre section linguistique, ne peut être considéré comme une circonstance particulière qui, conformément à l’article 50 du Règlement général, pourrait être prise en considération par le Directeur pour déroger au principe de l’admission de l’élève dans la section linguistique correspondant à sa langue maternelle / dominante » (décision 18/27 du 20 août 2018).
De même, la Chambre de recours a rappelé que « ce qui est le plus important, la détermination de la langue maternelle dominante, comporte une appréciation pédagogique de chaque élève qui peut donc varier même entre les enfants d’une même fratrie ; la décision sur la section linguistique implique un examen au cas par cas, ce qui peut justifier des résultats différents, comme il résulte des éléments du dossier » (décision du 25.1.2016, recours 15/51).
Enfin, il faut ajouter que la scolarisation des enfants d’une même famille dans des Ecoles différentes et les considérations d’ordre pratique qui en découlent ne sont pas des arguments pertinents : « conformément à l’article 8.4.2 a), e) et g) de la Politique d’inscription, la distance entre le domicile et l’école européenne de Bruxelles IV et une organisation compliquée de la vie de famille si [...] y est scolarisée, ne peuvent constituer des circonstances particulières qui doivent être prises en considération pour octroyer un critère de priorité en vue de l’inscription dans l’école du premier choix. » (décision du 20.8.2018 recours 18/27).

9. Par ailleurs, les requérants soutiennent que l’appréciation pédagogique de l’Ecole ne tiendrait pas compte des préférences familiales et des perspectives à long terme concernant la section linguistique slovaque de l’Ecole européenne de Bruxelles I – site de Berkendael.
Ces arguments ne peuvent être retenus.
Il faut rappeler à nouveau à cet égard que « le choix de la section linguistique n’appartient pas aux seuls parents mais doit résulter d’une appréciation pédagogique de l’école réalisée dans l’intérêt de l’enfant, au vu des informations fournies par ses parents » (décision du 24 octobre 2019 recours 19/51) et il en est de même de l’appréciation relative à l’existence de « motifs pédagogiques impérieux » justifiant le changement de L1 de l’élève (décision du 18.9.2019, recours 19/26).
Le constat de l’existence de « motifs pédagogiques impérieux » implique que les enseignants déterminent si le changement de langue apparaît comme indispensable ou fondamentalement nécessaire au développement pédagogique de l’enfant.
Pour cette raison, par ailleurs, l’article 47 e) alinéa 7 du RGEE prévoit que ce n’est qu’à l’initiative d’un membre du Conseil de classe que les motifs pédagogiques impérieux peuvent être dûment constatés, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, même si le Conseil de classe a bien voulu examiner la demande venant des seuls parents.

10. En ce qui concerne les considérations des requérants quant à l’avenir prétendument incertain de la section linguistique slovaque de l’Ecole européenne de Bruxelles I - site de Berkendael et aux problèmes d’intégration, d’ambiance et d’organisation des classes, c’est à juste titre que la décision attaquée les a considérées comme non pertinentes dans la mesure où, en inscrivant l’élève dans l’une des Ecoles européennes, les requérants en ont accepté le système dans sa généralité , ainsi que tout changement dans son organisation et son fonctionnement.
A cet égard, la Chambre de recours a expliqué que les parents d’un élève n’ont pas le droit « de maîtriser les questions relatives à l’organisation interne de l’école choisie [ni] le droit de s’opposer à des changements ou des adaptations nécessaires pour permettre à l’école d’accomplir d’une façon plus efficace les objectifs qui sont à l’origine de sa création , même si ces parents ont un droit d’intervention, par les voies prévues par les dispositions qui règlent l’organisation des Ecoles européennes. Une fois le système éducatif choisi, l’inscription de l’enfant entraîne acceptation de ce système par les parents, ainsi que les éventuels changements dans son organisation et son fonctionnement, justifiés par les circonstances et les besoins de l’établissement en question » (décision de la Chambre de recours du 12.4.2019 (recours 19/02 ) et du 10.12.2012 (recours 12/60).

11. Enfin, les requérants dénoncent l’appréciation, jugée par eux, excessive ou trop rigide, du critère de « motif pédagogique impérieux » faite par le directeur de l’Ecole, sans tenir compte des intérêts de l’élève, notamment au moment de son passage dans le cycle primaire.
Il faut toutefois rappeler que le critère institué par l’article 47 e) alinéa 7 a vocation à s’appliquer pour tous les changements de langue, quelle que soit l’année ou le cycle considéré.
En outre, la Chambre de recours estime que rien ne permet de considérer que la décision du directeur ou le Conseil classe, à la lumière du rapport de l’enseignante titulaire d'[...] n’aurait pas tenu compte de son entrée en première année du cycle primaire en 2020-2021.

12. Dès lors que la Chambre de recours ne peut que contrôler la légalité des décisions attaquées devant elle et que le cadre réglementaire dans lequel ont été prises les décisions litigieuses exclut très clairement toute autre considération que l’existence de « motifs pédagogiques impérieux » justifiant un changement de section linguistique, elle ne peut que rejeter les arguments des requérants et leur recours comme non fondé.