BDCREE

Chambre de Recours des Ecoles européennes

Numéro de décision: 24/60R


Date de décision: 16.09.2024


Mots-clés

  • référé (sursis et autres mesures provisoires)
  • soutien pédagogique

Texte intégral


Abstract

Appréciation du juge des référés
Sur la recevabilité du recours en référé et sur la demande de mesures provisoires,
11. Aux termes de l’article 16 du Règlement de procédure de la Chambre de recours, « La requête n’a pas d’effet suspensif s’il n’en est ordonné autrement par un membre de la Chambre de recours à la demande du requérant lorsque, en cas d’urgence avérée et de doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, il existe, dans les circonstances de l’espèce, un risque réel d’absence d’effectivité du droit au recours. La procédure spéciale prévue à cet effet est définie aux articles 34 et 35 ».
Aux termes de l’article 34 dudit Règlement de procédure, « Les conclusions à fins de sursis à l’exécution et les demandes d’autres mesures provisoires doivent être expresses et présentées par recours en référé distinct du recours principal. Le requérant doit justifier de l’urgence de l’affaire et exposer les éléments de droit et de fait qui sont de nature à fonder la mesure demandée. ».
Enfin, aux termes de l’article 35 du même Règlement de procédure, « 1. L’instruction des conclusions à fins de sursis à exécution et des demandes d’autres mesures provisoires est assurée par le membre de la Chambre de recours désigné par le président comme rapporteur. Elle est poursuivie d’urgence. Les délais accordés aux parties pour la production de leurs observations écrites sur ces conclusions et demandes sont fixés au minimum et ne peuvent faire l’objet de prorogation. Sauf si le rapporteur en décide autrement ou si les deux parties demandent expressément à être entendues en audience publique, les requêtes de cette nature ne donnent pas lieu à procédure orale. - 2. Le rapporteur désigné statue en référé sur ces conclusions et demandes par ordonnance motivée. Lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, il peut, s’il estime qu’il existe, dans les circonstances de l’espèce, un risque réel d’absence d’effectivité du droit au recours et sauf si la prise en considération des intérêts en cause s\'y oppose, ordonner toute mesure conservatoire nécessaire. Une telle mesure ne peut présenter qu’un caractère provisoire et prend fin au plus tard lorsque la Chambre de recours a statué sur le recours principal (…) ».

12. Ces dispositions fixent également les conditions dans lesquelles une demande de sursis à exécution ou d’autres mesures provisoires est susceptible d’être accueillie : lorsque l’urgence le justifie, lorsqu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée et qu’il existe, dans les circonstances de l’espèce, un risque réel d’absence d’effectivité du droit au recours.
Ces trois conditions sont, conformément à leur énoncé, cumulatives et non alternatives.
En outre, si elles sont réunies, la prise en considération des intérêts en cause ne doit pas s\'opposer à la mesure demandée.
On peut encore ajouter, sur la nature et la nécessité des mesures demandées, que « l\'objet même de la procédure de référé organisée par les dispositions susmentionnées du règlement de procédure est de permettre, dans tous les cas où l\'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d\'une décision administrative contestée par le demandeur ou toute autre mesure provisoire justifiée par les circonstances » pour ainsi assurer l’effectivité de la décision sur le fond du recours (voir en ce sens les ordonnances 14/37R, 16/50R (points 13 à 15), 19/51R (point 9), 22/37R (point 16), 22/42R (point 13) et 23/40R).

13. En l’espèce les conditions de forme pour assurer la recevabilité du recours en référé sont réunies, puisqu’il a été présenté séparément du recours principal et qu’il contient les éléments, de fait et de droit, destinés à justifier la mesure demandée ainsi que l’urgence.
Reste à examiner si les conditions de fond du référé sont réunies en l’espèce : urgence, risque réel d’absence d’effectivité du droit au recours et doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée.

14. Urgence et risque réel d’effectivité du recours
Ainsi que le Tribunal général de l’Union européenne l’a rappelé dans l’Ordonnance du Président du 30 mars 2022 (T-125/22 R), « (…) l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C-517/15 P-R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée) ».
En l’espèce, l\'urgence est avérée vu la rentrée scolaire imminente. L’argument des Ecoles [selon lequel] les parents ont [pris connaissance de] la décision de l’Ecole de désinscrire leur enfant depuis le 17 juin n’est pas [pertinent] puisque la décision définitive du Secrétaire Général Adjoint, datée du 09 août 2024, n’a été rendue et notifiée aux requérants que le 12 août 2024, [soit] dans la période de vacances scolaires et seulement quelques jours avant la rentrée scolaire ; ce seul fait, la date de la rentrée, est reconnue par les Ecoles comme formellement valable pour justifier l’urgence, comme d’ailleurs l’a reconnu la Chambre [dans d\'autres cas] (Décision du 23 août 22 Recours 22/37R). On peut ajouter les difficultés pour les parents à trouver dans un si court espace de temps un établissement scolaire adéquat pour les conditions de l’enfant.
Pour conclure, la Chambre de recours estime que l’urgence est justifiée par la nature des décisions attaquées, qui [emportent] la désinscription de l’élève [au] du début de l’année scolaire, au mois de septembre ; même si les requérants ont pris connaissance de la décision à la date indiquée par les Ecoles, ils l’ont attaquée par les voies de recours prévues, administrative et contentieuse ensuite. Il faut également prendre en considération la période des vacances qui affecte la gestion des établissements scolaires. De ces éléments, on peut aussi déduire le caractère grave et difficilement réparable du préjudice qui résulterait de la non-adoption de la mesure sollicitée à ce stade de sa scolarité, qui lui imposerait de changer de système scolaire ou de ne pas continuer sa scolarisation, alors même qu’il a suivi l’ensemble de sa scolarité au sein des Ecoles européennes depuis l’année 2022-2023.

15. Doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée Sur l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision, il convient tout d’abord de relever le principe du caractère non suspensif des recours administratifs (article 66.3 du Règlement général des Ecoles européennes) et contentieux (article 16 du Règlement de procédure de la Chambre), les actes adoptés par les organes des Ecoles européennes bénéficiant d’une présomption de légalité (ordonnance 22/42R, point 17).
Comme le rappelle le Président du Tribunal général de l’Union européenne dans son Ordonnance du 31 mars 2022, affaire T-22/22 R), « Ce n’est qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires ».
Il faut aussi rappeler que « dans le cadre d’une procédure d’urgence, la Chambre ne saurait faire des considérations sur le fond qui pourraient préjuger la décision du recours principal » (Ordonnance de référé du 25 juin 2020, recours 20/22R, point 10, aussi que l’Ordonnance de référé du 19 août 2019, recours 19/39R, non publiée).
Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union européenne que la condition relative au « fumus boni iuris » (bien-fondé apparent de la demande ou doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée (article 35.2 du Règlement de procédure de la Chambre de recours) peut être considérée comme remplie « lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux. Tel est le cas dès lors que l’un de ces moyens révèle l’existence d’un différend juridique ou factuel important dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond » (Ordonnance du Président TGUE de 31 mars 2022 T-22/22 R, citée).
Ainsi, faut-il examiner si, prima facie, les griefs invoqués par les requérants sont fondés et si, au moins l’un d’eux, est suffisamment sérieux pour mettre en doute la légalité de la décision attaquée et justifie l’adoption des mesures provisoires demandées.
Les requérants justifient leur demande de suspension [par] certaines irrégularités dans l’application du document procédural 2012-05-D-15-en-14 - Provision of Educational Support and Inclusive Education in the European Schools - en ce qui concerne la mise en place de mesures de soutien intensif, adoptées pour la première fois en 2022, qui ont été révisées les deux années suivantes. Les allégations des requérants sont détaillées, appuyées par les documents qu’elles y accompagnent et, dans cette approche préliminaire, ne semblent pas dépourvues de fondement. Il s’agit des mesures pour l’éducation d’un enfant qui bénéficie d’un soutien éducatif intensif depuis son admission à l’Ecole en 2022 qui est visée par la Politique en matière de Soutien éducatif et d’Education inclusive dans les Écoles européennes -document 2012-05-D-14-fr-10- ainsi que par le document procédural ci-dessus mentionné, dont les prescriptions doivent être soigneusement observées.

16. Aux termes de l’article 35.2 du Règlement de procédure, il convient de prendre en considération les intérêts en cause : d’un côté, comme il résulte de la Politique en matière de Soutien éducatif, ceux des Ecoles européennes qui doivent pouvoir garantir une éducation inclusive aux élèves présentant des besoins éducatifs spécifiques et, si malgré tous les efforts, l’Ecole n’est pas en mesure d’apporter des aménagements raisonnables pour répondre aux besoins d’un élève, justifier cette impossibilité suivant les règles de procédure établies ; de l’autre côté, l’intérêt de l’élève, dans les conditions du cas d’espèce, à continuer sa scolarité dans le système des Ecoles européennes en attendant la décision définitive sur le recours principal. Cette possibilité de réintégrer l’Ecole avec les mesures de soutien mises en place jusqu’à présent, est elle-même considérée dans le mémoire des Ecoles européennes (IV A 9.).
[Pour] ces raisons, les intérêts particuliers doivent primer et la décision de désinscription, [doit être] suspendue.
Par contre, la demande qui consiste à réviser les conditions du soutien, en particulier le temps d’assistance de l’élève à l’Ecole ou sa promotion, traite des questions qui portent sur la substance du recours principal et ne peuvent pas être considérées dans les étroits limites du recours en référé, mais devront être examinées dans le plus ample débat du principal.
Par ce raisons la décision contestée est suspendue et l’élève sera scolarisé dans les conditions de l’année précédente, adaptées à sa situation actuelle, à l’Ecole européenne de Bruxelles II – Site Evere.