BDCREE

Chambre de Recours des Ecoles européennes

Numéro de décision: 18/08


Date de décision: 28.08.2018


Mots-clés

  • section linguistique (ouverture / fermeture)
  • changement de Langue I
  • recevabilité
  • égalité de traitement
  • erreur de droit
  • droits de la défense

Texte intégral

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Abstract

Appréciation de la Chambre de recours
Sur la recevabilité,

13. Il convient ensuite d’analyser les motifs d’irrecevabilité du recours administratif retenus par le Secrétaire général dans sa décision du 18 avril 2018.
Ils sont de deux ordres : d’une part, la présentation du recours administratif hors du délai de deux semaines à dater de l’acte faisant grief et d’autre part, un envoi du recours administratif par la poste ordinaire et non par recommandé, les conditions visées par l’article 50 bis 2 du RGEE n’étant dès lors pas respectées : ... « un recours administratif peut être porté devant le Secrétaire général dans un délai de deux semaines à compter de la notification de la décision. Le dossier original du recours sera envoyé au Secrétariat général en recommandé, le cachet de la poste faisant foi, et une copie déposée à la Direction de l’école concernée, chargée de transmettre l’ensemble des pièces utiles pour le traitement du dossier au Secrétaire général”.

14. D’une part, l’acte faisant grief aux requérants ne peut être la communication du 10 janvier 2018 : l’acte qui leur fait grief n’est pas l’ouverture de la section espagnole en tant que telle (la légalité de la décision du Conseil supérieur n’est pas discutée) mais le refus du directeur d’autoriser [...] à rester dans la section anglophone, pour les motifs pédagogiques impérieux qu’ils allèguent.
On peut d’emblée relever que cette communication du 10 janvier n’indique aucune voie de recours.
La décision qui fait grief est la décision du directeur de l’EE de Francfort du 16 mars 2018, intervenue après plusieurs courriels échangés entre la direction de l’école et les parents : décision notifiée en deux temps, par premier email du 16 mars contenant la décision de ne pas retenir les motifs pédagogiques impérieux avancés par les parents, et un deuxième email du même jour indiquant les voies de recours.
Contrairement à ce qu’allèguent les Ecoles européennes, cette décision du 16 mars 2018 n’est pas une confirmation de la communication du 10 janvier.
L’échange de courriels intervenu après le 10 janvier montre que la décision de transférer [...] vers la section espagnole nouvellement ouverte n’était pas encore définitivement prise ; ce n’est qu’à dater du 16 mars que le sort de [...] a été définitivement scellé.
C’est donc bien la décision du 16 mars 2018 qui est l’acte faisant grief, à partir du quel doit être calculé le délai de deux semaines pour introduire un recours administratif ; celui-ci ayant été introduit dans ce délai de deux semaines (daté le 17 mars et réceptionné par le Secrétaire général le 27 mars), il n’est absolument pas tardif.

15. D’autre part, sur l’irrégularité alléguée par les Ecoles européennes de l’envoi du recours administratif par courrier simple et non recommandé, la Chambre de recours estime que l’exigence d’introduire le recours par recommandé se justifie par la seule nécessité de dater le recours de façon précise, « le cachet de la poste faisant foi » (article 50 bis.2 du RGEE).
En l’espèce, la date du recours administratif (17 mars) ne fait aucun doute ni l’objet d’une quelconque contestation. L’irrégularité de forme (envoi par courrier simple et non recommandé) ne peut en elle-même justifier l’irrecevabilité du recours.

16. Contrairement à ce qui est allégué dans la décision du Secrétaire général du 18 avril 2018, le recours administratif est donc recevable.
Partant, le présent recours contentieux l’est aussi.

Sur le fond,
17. Sur le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination,

18. Selon les requérants, ce principe aurait été méconnu en l’espèce dès lors que deux autres élèves qui seraient dans la même situation que [...], ont été autorisés à rester dans la section anglophone.
Cette allégation n’est toutefois pas prouvée : aucune précision n’est donnée quant à l’identité de ces élèves (existent-ils bien et qui sont-ils ?) ni quant à leurs compétences et parcours linguistiques / pédagogiques (sont-ils exactement dans la même situation que la fille des requérants ?).
Il faut rappeler qu’il s’agit en l’espèce d’apprécier non pas la légalité de la décision du Conseil supérieur d’ouvrir la section espagnole et ses conséquences pour les élèves espagnols jusqu’alors inscrits comme des élèves SWALS, mais d’apprécier la légalité de la décision de ne pas admettre les motifs pédagogiques impérieux qui pourraient justifier, au cas par cas, le changement de section linguistique, comme le permet l’article 47 e) dernier paragraphe du RGEE.
Force est de constater que la Chambre de recours ne dispose en l’espèce d’aucun élément permettant d’examiner s’il y a eu ou non violation du principe d’égalité de traitement.

19. Les requérants fondent également leur recours sur la violation de ce principe en raison de la situation du frère de [...] ; cette allégation, reposant sur les mêmes arguments que ceux relatifs à l’erreur manifeste d’appréciation, sera examinée à l’occasion de l’examen de ce moyen.

Sur l’erreur manifeste d’appréciation,
20. Les requérants dénoncent une erreur manifeste d’appréciation des éléments qu’ils ont fournis pour démontrer l’existence de motifs pédagogiques impérieux qui justifieraient le maintien de leur fille en section anglophone (et donc un changement de L1).

21. Il convient de rappeler les principes de l’article 47 e) du RGEE et la jurisprudence constante de la Chambre de recours à son sujet (voir notamment sa décision du 25 janvier 2016, recours 15/51) :

22. En l’espèce, il ressort incontestablement des informations données dans les formulaires d’inscription que les deux enfants, et en particulier [...], ont comme langue maternelle / dominante l’espagnol.
Ils ont été inscrits à l’origine sous statut d’élèves SWALS dans la section anglophone (parce que la section espagnole n’existait pas), mais leur langue L1 est depuis le départ l’espagnol.
Le RGEE prévoit que lorsqu’est créée la section linguistique qui correspond à leur langue L1, les élèves antérieurement SWALS y sont automatiquement transférés.
Maintenir [...] dans la section anglophone alors que la section de sa langue maternelle / dominante est désormais ouverte pour son niveau scolaire revient à changer sa langue L1.
Or conformément aux principes rappelés ci-dessus, d’une part la langue L1 est déterminée au moment de l’inscription de l’élève et est en principe définitive et d’autre part, un changement de L1 ne peut être autorisé par le Directeur que pour des motifs pédagogiques impérieux, dûment constatés par le Conseil de classe et à l’initiative d’un de ses membres.

23. Par cette formulation (« motifs pédagogiques impérieux »), le RGEE « exige plus que la seule existence de motifs ou d’aspects pédagogiques : les motifs doivent faire apparaître le changement de langue comme indispensable ou fondamentalement nécessaire au développement pédagogique de l’enfant ». (point 18 de la décision 15/47).
Il convient donc d’examiner les motifs invoqués par les parents : un transfert vers la section espagnole aurait un impact négatif sur le développement de [...] et porterait préjudice aux relations avec son frère aîné ; ils ajoutent d’autres considérations liées à une éventuelle expatriation de la famille et au fait que la section espagnole n’est que partiellement ouverte, ce qui obligera leur fille a peut-être encore changer de section linguistique dans quelques années.
Ces deux dernières considérations, totalement hypothétiques et incertaines, ne sauraient être considérées comme des « motifs pédagogiques impérieux ». Dans sa décision du 12 août 2016 portant le n° 16/20, la Chambre de recours a estimé que « … les considérations des requérants sur leurs perspectives professionnelles et leurs mutations de poste prévisibles ne peuvent suffire à mettre en échec l'application d'un tel principe [l’enseignement de la langue maternelle/langue dominante en tant que première langue] » (point 25).

Il est donc de l’intérêt de [...] d’être scolarisée dans la langue parlée au sein de sa famille, langue avec laquelle elle a gardé le contact à l’école en tant qu’élève SWALS, même si elle était scolarisée en section anglophone, à l’occasion de la première année de son parcours scolaire.

En l’espèce, c’est à juste titre que le directeur a estimé que les motifs allégués n’étaient pas de nature « impérieuse ». Il faut également relever qu’aucun des membres du conseil de classe n’a pris l’initiative de constater, et de devoir retenir, de tels motifs.
En l’espèce, la Chambre de recours n’aperçoit aucune violation de l’article 47 e) du RGEE ni erreur manifeste d’appréciation.

25.
Sur le droit d’être entendu,
Enfin, les requérants invoquent le droit fondamental d’être entendus.
Ils font valoir que si par impossible la lettre du 10 janvier 2018 leur annonçant l’ouverture de la section espagnole vers laquelle leur fille serait automatiquement transférée devait être considérée comme la décision litigieuse (quod non), leur droit fondamental à être entendus n’a pas été respecté : ils n’ont pas été informés préalablement d’une telle décision ni eu l’opportunité de se faire entendre et faire valoir leurs arguments avant que la décision ne soit prise.

26. A propos du transfert vers la section espagnole en application de l’article 47 e) dernier paragraphe du RGEE, il est incontestable que les requérants ont eu l’occasion de présenter leurs arguments tant au directeur de l’Ecole qu’au Secrétaire général dans le cadre de leur recours administratif. Ils sont également présentés à la Chambre de recours dans le cadre du présent recours contentieux.
A propos de la création de la section espagnole à l’école de Francfort et de la communication du 10 janvier 2018 – même si elle devait être considérée comme l’acte définitif faisant grief (quod non), encore fait-il insister sur le fait que l’objet du recours ne vise pas tant cette décision en elle-même que le refus de prendre en considération les motifs pédagogiques présentés par les requérants.

Mais il ne peut être contesté qu’elle a ensuite entamé avec eux une discussion quant aux motifs pédagogiques impérieux qui justifieraient – ou non – de ne pas y transférer leur fille.
Ils ont donc bien eu l’opportunité de se faire entendre et de faire valoir leurs arguments
avant que la décision ne soit prise, à savoir celle du 16 mars qui a été retenue comme étant la décision leur faisant grief.

27. Il ressort de l’ensemble de ces considérations qu’aucun des moyens ne peut être retenu.
Par conséquent, le recours, bien que recevable, doit être rejeté sur le fond
.