Abstract
15. Le recours est recevable et fondé.
16. Selon le Règlement général des Ecoles européennes (ci-après : le RG), en son article 44, point 9, en liaison avec l’article 66, point 1, le contrôle de l’exclusion définitive d’un élève des Ecoles européennes, prononcée au titre de mesure disciplinaire par le directeur d’une école européenne sur proposition du Conseil de discipline, peut faire l’objet d’un re-cours administratif auprès du Secrétaire général des Ecoles européennes et être porté si néces-saire ensuite devant la Chambre de recours des Ecoles européennes. Cette voie est admise, selon la jurisprudence de la Chambre de recours, également dans les cas où l’élève concerné n’a pas l’intention de réintégrer le système des Ecoles européennes (Chambre de recours, dé-cision du 28.1.2009 - affaire 08/45).
[...]
18. Dans ce cadre, une exclusion définitive d’une Ecole européenne ne peut être considérée que dans le cas d’un manquement grave aux règles de l’école et aux règles générales de la vie en commun au sein de l’école. D’autres manquements ou des infractions moins graves aux devoirs ne peuvent par contre pas justifier une exclusion permanente.
19. [...] le commerce de drogue par un élève au sein de l’école ou dans sa périphérie immédiate doit de manière constante être considéré comme un comportement mettant en cause la sécurité et la santé de la communauté scolaire, pouvant en principe justifier son exclusion – définitive – des Ecoles européennes.
20. Les éléments ayant permis au directeur de l’école et au Conseil de discipline d’apprécier le concept juridique imprécis de « manquement grave » - ne peuvent être contrôlés que de manière limitative par la Chambre de recours : ainsi, pour déterminer si le compor-tement de l’élève doit être apprécié comme un manquement aux règles de l’école à ce point grave qu’il conduit à l’exclure du système des Ecoles européennes, elle doit se baser sur les constatations de fait du litige (« l’établissement des faits ») ayant conduit à la décision liti-gieuse. Il y a lieu de procéder, avec soin et sans préjuger d’une conclusion – et sans unilatéra-lité – à une constatation des faits et indices déterminants ainsi que de procéder à l’établissement nécessaire des preuves ; les faits à décharge doivent aussi être recherchés et établis. À cet effet, le directeur de l’école et le Conseil de discipline se doivent de respecter les principes généraux de procédure, d’une part, et les conditions de l’article 40 et suivants du RG, d’autre part. Dans sa décision du 11 février 2014 (recours 13/42), la Chambre de recours rappelle le principe de protection des droits de la défense (« le respect des droits de la défense dans toute procédure ») comme constituant un des principes de procédure et s’appliquant dans toutes les procédures où il est recouru à des accusations à charge de l’intéressé. Ce principe correspond également à la norme promue par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH). En son article 6 – Droit à un procès équi-table –, notamment son alinéa 3 point d), la CEDH rappelle l’observation, entre autres droits de l’intéressé, celui de : « interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la con-vocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. ». Ainsi, à l’appui de cette règle, la Cour de justice de l’Union européenne et de nombreuses cours constitutionnelles des États-membres de l’UE ont déduit de l’obligation, induite par le principe de l’État de droit, de procès équitable et du droit à être entendu, que toute personne susceptible de se voir appliquer un moyen juridique et une sanction devait avoir le droit de connaître les preuves, c’est-à-dire le droit d’accès aux sources de l’établissement des faits du litige. Selon la jurisprudence de la CJUE (ainsi l’arrêt du 13.12.1979 – 85/76 –), le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être observé même s’il s’agit d’une procédure de caractère administratif (CJUE, 13.2.1979 – op. cit. – Recueil 9). Dans cet esprit, les intéressés doivent pouvoir présenter leurs observations sur les éléments retenus à leur charge. Pour cela, les faits et preuves retenus contre eux doivent leur être communiqués. À cet effet, le droit de pouvoir interroger directement, voire en confrontation, les témoins (à charge), est reconnu de manière constante aux intéressés.
21. En application de ces principes, le directeur de l’EEM et les Ecoles européennes ne devaient pas exclure définitivement le fils des requérants. D’une part, la décision repose sur base de faits qui n’ont pas suffisamment été établis. D’autre part, il y a lieu également d’annuler cette décision sur le motif qu’elle enfreint le principe d’égalité. Contrairement au fils des requérants malgré le défaut d’établissement des faits – les élèves X et Y n’ont pas été exclus définitivement de l’EEM pour cause de possession de drogue et de commerce de drogue, mais ont seulement été interdits de cours pour une durée temporaire, sans que les Ecoles européennes fournissent un motif suffisant de traitement différentiel. En particulier :
22. Les constatations sur la base desquelles le directeur et le Conseil de discipline de l’EEM ont fondé le commerce de drogue à l’initiative de […] et par sa commission au sein de l’école, et qui ont constitué le motif déterminant de son exclusion, ont été établies en viola-tion des principes de procédure cités.
26. b) En tant que mesure disciplinaire, l’exclusion définitive de […] et le renoncement inhérent à une inscription dans une autre Ecole européenne, constitue également une mesure disproportionnée au sens de l’article 42, alinéa b), du RG et enfreint la norme de l’égalité de traitement.