Abstract
Sur la recevabilité,
5. Comme il appert de l’article 27 de la Convention portant statut des Écoles européennes, la Chambre de recours possède une compétence exclusive en première et en dernière instance pour statuer sur tous les litiges relatifs à la légalité des actes saisis et jouit d’une compétence de pleine juridiction qui lui permet non seulement d’annuler une décision administrative mais aussi de la réformer, de condamner l’administration qui l’a adoptée ou de prononcer une injonction à son endroit, uniquement lorsque le litige est de nature pécuniaire (voir décision 13/43), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
En conséquence, la Chambre de recours peut éventuellement annuler l’acte attaqué, mais n’a pas compétence pour imposer une troisième correction de l’épreuve d’anglais du requérant, ni demander aux correcteurs externes d’apprécier l’importance de la différence d’appréciation pour les épreuves de Biologie et de Mathématique.
Par ailleurs, on peut relever que le requérant lui-même, dans sa réplique, semble avoir renoncé aux demandes susdites.
Sur le fond,
Sur le premier moyen,
6. La Chambre de recours estime pouvoir qualifier le premier moyen comme étant tiré d’une violation des droits de la défense. En effet, celui-ci s’articule autour de la communication tardive, de la part de l’administration de l’École, des évaluations des différents correcteurs, ce qui l’a contraint à introduire un recours administratif sur la base de la simple hypothèse d’un écart considérable entre les appréciations des titulaires de certains cours et des examinateurs externes.
7. Comme affirmé précédemment, la Chambre de recours est garante du respect des droits de la défense dans toute procédure à charge d’une personne et susceptible de déboucher sur un acte qui lui porte atteinte et ce, même en l’absence d’une réglementation spécifique concernant la procédure en question, dans la mesure où ce droit constitue le principe fondamental du droit de l’Union (décision n° 13/42, point 10).
Ledit respect doit être garanti à plus forte raison lorsque cette réglementation applicable prévoit des normes directes à cette fin. Or, il ne fait aucun doute que l’article 6.5.10 du RARBE, qui prévoit la possibilité d’accès pour les élèves et leurs parents aux évaluations des différents correcteurs, est également essentiel à l’exercice éventuel du droit d’introduire un recours administratif prévu par l’article 12 dudit RARBE.
8. En l’espèce, nonobstant la demande expresse parvenue dans les délais prévus pour le recours administratif, la documentation relative aux différentes évaluations a été fournie tardivement par l’École et a contraint le requérant à agir sur la base de simples hypothèses. Par conséquent, la décision de rejet du recours administratif qui fait l’objet de la présente procédure contentieuse a été adoptée en violation des droits de la défense. Contrairement à ce que soutiennent les Écoles européennes, le fait que le requérant ait malgré tout eu la possibilité d’introduire un recours devant la Chambre après avoir reçu les documents demandés ne saurait être allégué pour combler les lacunes de la procédure qui a présidé à l’élaboration de la décision attaquée.
9. En outre, la Chambre de recours fait observer que la décision litigieuse reprend l’affirmation de l’École selon laquelle la demande d’obtention des copies des évaluations – présentée par le père du requérant par e-mail - aurait dû être faite par le requérant en personne, étant donné qu’il était majeur. Cette affirmation s’avère erronée. En effet, l’article 6.5.10. ne prévoit pas que la demande d’obtention des copies des évaluations doit être faite uniquement par l’élève s’il est majeur. Au contraire, cette disposition, qui prévoit que le Directeur est tenu d’informer les élèves et leurs parents de leur droit de consulter les copies des évaluations, suggère que même les parents, pour pouvoir jouir de ce droit, aient la possibilité de demander à accéder auxdits documents.
10. Au vu de ce qui précède, le premier moyen du recours est fondé.
Sur le second moyen,
11. Il découle de l’ensemble des observations développées par les parties que, par son second moyen, le requérant conteste en substance l’interprétation erronée de l’article 6.5.9.8 du RARBE opérée dans la décision litigieuse. Cette disposition stipule que « Toutefois, dans l’hypothèse où il subsisterait un écart sensible entre les évaluations attribuées par les deux examinateurs, l’inspecteur responsable pourra avoir recours à un troisième correcteur. La troisième correction sera la règle dans l’hypothèse où l’écart incriminé est supérieur à deux points ».
12. Il résulte du contenu littéral et du contexte de la norme que cette dernière se pose comme l’éventuelle deuxième phase d’une procédure régie globalement par les articles 6.5.9.6, 6.5.9.7 et 6.5.9.8. dont l’objectif est d’assurer une concordance raisonnable entre les évaluations des correcteurs. En effet, cette procédure s’applique dans l’hypothèse où l’inspecteur juge ‘importante’ la différence entre l’évaluation du professeur titulaire du cours et celle de l’examinateur externe. Dans le cas d’espèce, dans un premier stade, l’examinateur externe peut reconsidérer son évaluation sur la base des considérations et des justifications apportées par le titulaire du cours (article 6.5.9.6) et l’évaluation finale équivaut à la moyenne arithmétique des évaluations qui ont été attribuées de cette manière (article 6.5.9.7.).
13. L’article 6.5.9.8, qui prévoit le recours à un troisième correcteur, n’est applicable que dans l’éventualité où, malgré l’application de l’article 6.5.9.6, l’écart entre les évaluations demeure sensible. Or, il convient de constater que l’interprétation de cette norme opérée par la décision attaquée est manifestement erronée. En effet, dans la décision litigieuse, il est affirmé que l’écart nécessaire pour entraîner une troisième correction doit être supérieur à deux points, alors qu’il est évident que, sur la base de l’article 6.5.9.8. même en cas d’écart inférieur, l’inspecteur a la faculté de recourir à une troisième correction. De même, dans la décision litigieuse, il est affirmé que l’expression « écart sensible » se réfère à un « écart de plus de deux points », alors que la simple lecture littérale de l’article 6.5.9.8. permet de déduire que ledit écart peut être même inférieur. Cette constatation n'est nullement infirmée par le fait, invoqué par les Ecoles européennes, que cet article n'impose pas d’obligation de troisième correction en cas d'écart inférieur à deux points, car la décision litigieuse en dénie même la simple possibilité en un tel cas.
14. L’interprétation de l’article 6.5.9.8. contenue dans la décision attaquée est donc manifestement erronée et, par conséquent, le second moyen de recours est lui aussi fondé.