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Chambre de Recours des Ecoles européennes

Numéro de décision: 10/85


Date de décision: 29.07.2011


Mots-clés

  • personnel détaché
  • rémunération
  • égalité de traitement
  • légalité
  • principes généraux de droit
  • allocation de foyer

Texte intégral

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Abstract

17. Le requérant poursuit l’annulation de la décision des Ecoles européennes qui lui refuse l’allocation de foyer et le remboursement des frais de voyage de sa partenaire, leur union civile étant enregistrée au Luxembourg depuis 2006 ; il considère que la décision fait une interprétation trop restrictive du Statut du personnel détaché, voire que la norme qui fonde la décision est illégale par violation du principe de non discrimination. Les Ecoles insistent sur le fait que l’application du Statut est conforme aux critères de la Commission européenne en matière de fonction publique - qu’elles sont tenues d’observer par application de l’article 86 du Statut - , qu’il n’y a pas de violation du principe d’égalité et non discrimination, puisque la situation des couples mariés est différente de celle des couples non mariés et de celle des couples homosexuels, qui ne peuvent pas se marier dans certains pays de l’Union.

18. L’article 53 du Statut du personnel détaché des Ecoles européennes établit que :
« 2. A droit à l’allocation de foyer :
a) le membre du personnel marié,
b) le membre du personnel veuf, divorcé, séparé légalement ou célibataire ayant un ou plusieurs enfants à charge au sens de l’article 54, 2. et 3. du présent Statut;
c) le membre du personnel enregistré comme partenaire stable non matrimonial, à condition que :
   i) le couple fournisse un document officiel reconnu comme tel par un Etat membre ou par toute autorité compétente d’un Etat membre, attestant leur statut de partenaires non matrimoniaux,
   ii) aucun des partenaires ne soit marié ni ne soit engagé dans un autre partenariat non matrimonial,
   iii) les partenaires n’aient pas l’un des liens de parenté suivants: parent, parents et enfants, grands-parents et petits-enfants, frères et sœurs, tantes, oncles, neveux, nièces, gendres et belles-filles.
   iv) le couple n’ait pas accès au mariage civil dans un Etat membre ; un couple est considéré comme ayant accès au mariage civil aux fins du présent point dans les cas où les membres du couple remplissent l’ensemble des conditions fixées par la législation d’un Etat membre autorisant le mariage d’un tel couple ;
d) par décision spéciale et motivée du Secrétaire général, prise sur la base de documents probants et sur avis du Conseil d’administration, le membre du personnel qui, ne remplissant pas les conditions prévues sous a), b) et c), assume cependant effectivement des charges de famille”.
Selon l’article 86 du Statut du personnel détaché des Ecoles européennes “L’interprétation des articles du présent Statut analogues aux articles prévus au Statut des fonctionnaires communautaires se fera selon les critères appliqués par la Commission”.
L’analogie des normes n’étant pas contestée, d’ailleurs, le texte de l’article 53.2. du Statut du personnel détaché des Ecoles est presque identique à celui de l’article 1er paragraphe 2 de l’annexe VII du Statut des fonctionnaires européens concernant les modalités d’attribution des allocations familiales, il faut examiner si l’application faite par la décision attaquée est conforme aux critères de la Commission et à la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier, et de celle plus récente du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne.

19. Les trois moyens principaux du requérant – étant l’illégalité de l’article 53.2.c. IV du Statut, l’application trop restrictive du paragraphe d) du même article et la violation du principe de non discrimination - ont été déjà examinés par la jurisprudence du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne […]
C’est donc à la lumière de ces deux principes (égalité effective de traitement pour tous les fonctionnaires et reconnaissance du mariage comme situation différenciée d’autres formes d’unions) que doivent être appliquées les dispositions du Statut du Personnel détaché au cas d’espèce
.

20. Le requérant est un professeur luxembourgeois détaché à l’Ecole européenne d’Alicante qui vit en partenariat avec une personne de sexe opposé de nationalité luxembourgeoise, partenariat enregistré au Luxembourg en 2006 d’après la loi de ce pays, cette dernière n’autorisant pas le mariage entre deux personnes du même sexe ; la décision du Secrétaire général considère que les conditions définies à l’article 53.2.c) s’appliquent au membre du personnel enregistré comme partenaire stable non matrimonial pour autant que le couple n’ait pas accès au mariage civil dans un Etat membre, comme serait le cas d’un couple homosexuel au Luxembourg ; toutefois, la situation du requérant est différente puisque sa compagne et lui ont accès au mariage et que leur décision de vivre sous une forme d’union différente du mariage répond à leur libre choix plutôt qu’à des contraintes légales ou autres qui les empêcheraient de se marier.
Dans ces circonstances, il faut tout d’abord rejeter l’exception d’illégalité de l’article 53.2.c) IV du Statut qui réserve le bénéfice de l’allocation de foyer aux couple mariés ou vivant en partenariat stable s’ils n’ont pas d’accès au mariage civil dans l’état d’où ils sont ressortissants puisqu’en effet, la distinction entre le mariage et d’autres formes de vie en commun a été admise par la jurisprudence de la CEDH comme non contraire au principe d’interdiction de la non discrimination et conforme au droit au respect de la vie familiale en considérant qu’il s’agit de deux situations différentes qui peuvent être l’objet d’un traitement distinct, notamment dans des domaines qui relèvent de la politique sociale ou fiscale.
Il faut ensuite conclure à ce que l’article en question a été appliqué conformément aux pratiques et à la jurisprudence de l’Union européenne, qui veille à l’égalité de traitement de tous les fonctionnaires, ce qui oblige à reconnaître le droit à l’allocation de foyer dans les cas de partenaires du même sexe n’ayant pas la possibilité légale de se marier mais à ne pas reconnaître ce droit lorsque le choix de vivre en partenariat et non dans les liens d’un mariage (possible et autorisé) relève de la libre décision des personnes
.

21. En ce qui concerne le refus de l’allocation par la voie de l’article 53.2.d) du Statut du Personnel détaché, fruit d’une interprétation trop restrictive selon le requérant, il faut souligner que ce dernier conteste surtout l’imprécision du Secrétaire général à identifier le texte de la Commission européenne qui fonde sa décision ; s’il est vrai que dans la décision attaquée, la référence est faite à « des informations reçues de la Commission », il sera fait mention plus tard aux « modalités arrêtées par la Commission» et, finalement, il sera précisé dans le mémoire en réponse qu’il s’agit de la décision nº 51-2004 du 15 avril 2004, en particulier les articles 2 et 4 de cette décision, à savoir les conditions d’âge ou d’infirmité ou maladie empêchant la personne de subvenir à ses besoins, conditions qui peuvent fonder l’octroi de l’allocation par cette voie exceptionnelle mais qui n’ont pas démontrées en l’espèce, ce qui justifie le rejet de la demande ; l’examen de cette décision du 15 avril 2004 sur l’application de l’article 1er, paragraphe 2 de l’annexe VII du Statut des fonctionnaires, permet de conclure que les Ecoles européennes ont pris leur décision conformément à son texte, en mentionnant le contenu qu’elles estiment pertinent ; l’absence d’allégations plus précises sur ce point, que ce soit dans la requête, dans le mémoire en réplique ou à l’audience, ne permet pas de conclure autrement.

22. Les moyens allégués par le requérant pour réclamer le remboursement des frais de voyage prévu à l’article 60 du Statut du personnel détaché étant les mêmes que ceux avancés pour réclamer l’allocation de foyer, les considérations développées ci-avant justifient qu’ils soient également rejetés.

23. Un sort identique doit être réservé aux moyens tirés de la prétendue contradiction des Ecoles qui, tout en refusant l’allocation de foyer, ont reconnu à la partenaire stable du requérant la couverture des risques de maladie, en application de l’article 66 du Statut du personnel détaché ; l’incohérence dénoncée n’existe pas dès lors qu’il s’agit de concepts différents : l’allocation de foyer est vue comme un supplément de salaire, qui fait partie de la rémunération du fonctionnaire (Chapitre Ier du Titre V du Statut) alors que la couverture des risques de maladie poursuit des objectifs de solidarité et de cohésion sociale qui diffèrent de la finalité de la rémunération et ses différentes composantes, comme l’a reconnu le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne dans son arrêt du 27 novembre 2007 (aff. F-122/06, R contre Commission).