BDCREE

Complaints Board of the European Schools

Decision Number: 25/32


Decision Date: 30.06.2025


Keywords

  • Central Enrolment Authority
  • language section (at the time of enrolment)
  • language test

Full Text

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Abstract

Appréciation du juge désigné
(...)
Sur le fond,
10. La Chambre de recours a déjà eu l’occasion, à de nombreuses reprises, de se prononcer sur la nature, l’ampleur et les contours des dispositions applicables à la détermination de la section linguistique (voir en ce sens les décisions 14/17, 15/51, 17/13, 18/27, 19/51, 20/69 et plus récemment 21/19, 21/28, 22/09, 23/08 et 24/58).
Selon une jurisprudence constante de la Chambre de recours en la matière, il se déduit clairement des dispositions de l’article 47 e) RGEE les principes suivants :
a) Un principe fondamental des Ecoles européennes est l’enseignement dans la langue maternelle/dominante en tant que première langue, principe qui implique l’inscription de l’élève dans la section de sa langue maternelle / dominante là où cette section existe.
b) La langue maternelle/dominante est la langue que l’enfant maîtrise le mieux, de manière à lui donner des bases solides qui lui permettront d’avoir une scolarité épanouie et de faciliter, par la suite, l’apprentissage progressif d’autres langues. Ce principe doit être considéré comme étant précisément conçu dans l’intérêt de l’enfant (voir en ce sens les décisions 16/20, point 24, et 21/19, point 11).
c) Ladite langue, qu’on désigne également en tant que « Langue 1 », est déterminée au moment de l’inscription de l’élève et est, en principe, définitive et valable pour tout le cursus scolaire.
d) Le RGEE ne reconnait pas de droit aux parents à ce que leur enfant soit admis dans la section linguistique de leur choix, car cette décision appartient au Directeur de l’Ecole qui doit déterminer, en suivant la procédure prescrite, la section linguistique appropriée à l’enfant (voir en ce sens la décision 18/21, point 6).
e) Le choix de la section linguistique n’est donc pas laissé au libre choix des parents : il doit résulter d’une appréciation pédagogique réalisée par l’Ecole, dans l’intérêt de l’enfant, au vu des informations fournies par ses parents et, en cas de doute ou de contestation, au vu des résultats des tests comparatifs de langues organisés et contrôlés par l’équipe enseignante. Cette décision est de nature pédagogique.
f) Pour ce qui est de l’organisation des tests comparatifs de langue, les Ecoles disposent d’une certaine autonomie, limitée uniquement par l’obligation de garantir leur caractère comparable : « les tests de langue doivent se dérouler de manière à pouvoir conduire à une comparaison objective des résultats. » (voir en ce sens les décisions 17/23 et 21/28). En particulier, le contenu des tests ne doit pas être exactement identique, mais les mêmes aptitudes doivent être testées et les conditions dans lesquelles ils sont menés doivent être les plus semblables possible (nombre d’enseignants présents, stress, durée, …). En somme, il faut que les méthodes utilisées garantissent que les compétences linguistiques soient testées de manière objective, selon des standards mesurables et comparables, de sorte que les résultats soient vraiment comparatifs (voir en ce sens les décisions 16/22, point 11, et 21/28, point 10).
g) La détermination de la langue maternelle/dominante à l’inscription doit être le fruit d’une appréciation pédagogique propre à chaque élève, au cas par cas ; elle peut donc varier même entre les enfants d’une même fratrie (voir en ce sens les décisions 15/51, point 11, 19/51, point 8, 19/55, point 7).

11. Par ailleurs, en vertu de l’article 50bis.1 du RGEE, « Les décisions statuant sur une demande d’inscription sont susceptibles de recours de la part des représentants légaux de l’élève dans le seul cas où il est démontré que la décision est affectée d’un vice de forme ou qu’un fait nouveau et pertinent doit être pris en considération ».
En outre, il est de jurisprudence constante que les appréciations pédagogiques appartiennent exclusivement aux enseignants et au Directeur, auxquels la Chambre de recours ne peut se substituer, sauf erreur manifeste d’appréciation, vice de procédure, violation des règles de procédure établies pour la réalisation des tests ou encore en cas de fait nouveau et pertinent conformément à l’article 50 bis.1 du RGEE (voir notamment en ce sens les décisions 17/13, point 12, 19/51, point 8, 19/55, point 7, et 21/28, point 11).

12. C’est dans le cadre réglementaire ainsi rappelé qu’il y a lieu d’examiner les moyens invoqués à l’appui du présent recours.

13. En l’espèce, la Chambre de recours constate ce qui suit :
a) nationalité des requérants et de leur fille : roumaine ;
b) langue(s) maternelle(s) de [...] : roumain ;
c) langues parlées à la maison avec l’enfant : roumain (langue maternelle) et français (langue dominante selon les requérants) ;
d) crèche et école maternelle : francophones ;
e) quant aux résultats des tests linguistiques, il s’avère qu’ils démontrent une prédominance de la langue roumaine sur la langue française.
(...)
Ces résultats ne sont aucunement en contradiction avec les informations données par les parents concernant la langue maternelle de l’enfant (RO) et la langue parlée à la crèche et à l’école maternelle (FR).
C’est donc à juste titre que la Direction de l’Ecole a décidé, conformément aux règles applicables et dans l’intérêt de l’enfant, de la scolariser dans la section linguistique roumaine, section qui convient le mieux à [...].
Il s’agit, comme déjà relevé, d’une décision essentiellement pédagogique, sur laquelle la Chambre de recours ne peut exercer qu’un contrôle juridictionnel restreint (voir notamment par.10.f et 11, second alinéa, ci-dessus).

14. En l’espèce, les requérants n’ont formulé aucun grief de nature à mettre sérieusement en doute la régularité des tests ou leur conformité? aux règles de procédure établies pour leur réalisation, et n’ont allégué aucun vice dont ces tests comparatifs seraient affectés.
En outre, le jeune âge des enfants concernés ne s’oppose pas au recours à des tests de langue, d’autant que les Ecoles ont adopté des règles particulières pour les enfants entrant en maternelle ou en P1 et pour lesquels il échet de déterminer la langue maternelle/dominante : « Etablissement d’une procédure harmonisée pour l’organisation des tests de langues (Article 47 e) du Règlement général des Ecoles européennes » et « Lignes directrices pour tester la langue dominante en M1, M2 à l’entrée en P1, P2 - P5 » (Réf. : 2018-09-D-23-fr-5).
Il convient au surplus de relever que, non seulement les Ecoles disposent d’une certaine autonomie dans l’organisation des tests linguistiques visant à déterminer la langue maternelle/dominante (sous réserve bien entendu de leur comparabilité (voir notamment par.10.f ci-dessus), mais, de surcroît, chaque professeur a différents outils à sa disposition pour évaluer les connaissances linguistiques d’un enfant et le mettre en confiance : jouer, identifier ou décrire des images ou une scène, lui faire raconter une histoire, discuter avec lui de ce qu’il aime, de sa famille, de ses vacances ...

15. En l’espèce, les deux tests se sont déroulés le même jour (5 février 2025), au même endroit (école de Bruxelles IV), ont duré le même temps (30 minutes), une pause a été respectée, un parent a été chaque fois présent pour les 10 premières minutes et [...] s’est montrée pleinement engagée pendant les deux tests.
Les allégations des requérants concernant l’attitude de la professeure chargée de mener le test en langue roumaine ou les conclusions qu’ils pensent pouvoir tirer de ce qu’ils ont pu entendre depuis le couloir ne sont pas de nature à mettre sérieusement en doute la comparabilité des tests ou les outils pédagogiques utilisés lors de ces tests.
Les scores sont élevés certes, mais ils le sont pour les deux tests, ce qui indique que [...] est une petite fille éveillée, intelligente et expressive, comme le reflètent les commentaires des deux professeurs.
(...)
En conclusion, la Chambre de recours n’aperçoit, dans les arguments avancés par les requérants, aucun motif autorisant à regarder ces tests comme irréguliers, invalides ou viciés, ni en quoi les conditions dans lesquelles ils ont été menés auraient pu fausser les résultats, en particulier en empêchant la comparaison objective des facultés linguistiques de dans les deux langues concernées.
Enfin, pour répondre aux arguments des requérants autres que ceux portant sur les tests mêmes, il convient de préciser encore ce qui suit :
a) La fréquentation d’une crèche et d’une école maternelle francophones n’est pas un argument pertinent ; si cette fréquentation a eu comme résultat d’améliorer les capacités linguistiques de en français (contribuant ainsi à la bonne note qu’elle a reçue), elle ne peut cependant pas être prise en considération en tant que telle. En effet, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une scolarisation dans le cycle primaire ou secondaire de minimum 2 ans, la présomption permettant de déroger à la règle de l’enseignement dans la langue maternelle / dominante, prévue au deuxième alinéa de l’article 47 e) du RGEE (« minimum 2 ans dans le cycle primaire ou secondaire ») ne peut trouver à s’appliquer en l’espèce, et il ne doit pas en être tenu compte, contrairement à ce que les requérants allèguent.
b) Il en va à plus forte raison de même s’agissant de l’utilisation du français dans l’exercice des activités sportives, vu que le « langage » utilisé dans la pratique du sport est très différent de celui utilisé dans l’enseignement, notamment pour un parcours scolaire menant au Baccalauréat et nécessitant l’apprentissage des diverses matières complexes (mathématiques, sciences, philosophie etc.).
c) Les appréciations de personnes tierces, parmi lesquelles les enseignants de l’établissement scolaire fréquenté précédemment par l’élève ou des logopèdes externes, ne peuvent se substituer à celle du Directeur, qui est seul compétent pour déterminer la section linguistique appropriée au moment de l’inscription (voir en ce sens les décisions 21/28, point 19, 21/22, point 14, 21/39, point 13, 22/49, point 12). d) le milieu familial direct est indiscutablement roumain et non francophone ; les requérants eux-mêmes indiquent dans la demande d’inscription que leur langue de communication (en dehors du roumain) est l’anglais (« Preferred language of communication : EN »), et c’est en anglais qu’ils ont introduit le présent recours.
e) ce n’est pas parce que sera scolarisée en section roumaine que son niveau en langue française va baisser : elle pourra en effet bénéficier d’un enseignement en langue française en tant que Langue 2 dès la 1ère primaire et pourra continuer à pratiquer cette langue dans le cadre de ses activités parascolaires.

16. Il ressort de tout ce qui précède que le présent recours doit être rejeté comme manifestement non fondé.