BDCREE

Complaints Board of the European Schools

Decision Number: 24/57


Decision Date: 18.11.2024


Keywords

  • Baccalaureate
  • admissibility
  • breach of procedure / procedural irregularity
  • scope and execution of the decisions of the Complaints Board
  • appeal for interpretation

Full Text

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Abstract

Appréciation de la Chambre de recours
Sur l’intérêt à agir,

10. Dans leur mémoire en réponse, les Ecoles européennes font valoir que la requérante n’invoque aucun élément de fait concret, notamment sur les études envisagées ou les démarches entreprises auprès des universités, permettant de conclure à l’existence d’un intérêt à agir dans son chef, et ce malgré le fait que la décision attaquée lui faisait déjà ce grief.
La requérante répond n’avoir en effet entamé aucune démarche auprès des universités anglaises après l’obtention de son Baccalauréat car, avec une note inférieure à 5/10 en Mathématiques, ses demandes auraient été d’office vouées à l’échec ; elle affirme que presque toutes les universités britanniques exigent un niveau minimum en Mathématiques.

11. En l’espèce, cet intérêt à agir est présent.
Il faut rappeler que l’existence de cet intérêt constitue un principe général du droit procédural dont la Chambre de recours, en tant qu’institution judiciaire, doit veiller à l’existence (voir en ce sens la décision 16/44, point 12). Ce principe exige que l’action en justice soit susceptible, par son résultat, de produire l’effet bénéfique recherché par la partie qui l’exerce (voir en ce sens les arrêts de la Cour de Justice de l’Union européenne du 13 juillet 2000, Parlement/Richard, C 174/99 P, Rec. p. I 6189, point 33, et du 3 avril 2003, Parlement/Samper, C 277/01 P, Rec. p. I 3019, point 28). En outre, l’intérêt à agir doit être démontré par le requérant par référence à des circonstances concrètes, et non de manière abstraite.
Certes, la requérante n’a pas fait état du rejet d’une quelconque candidature à l’université en raison d’une note insuffisante en Mathématiques. Toutefois, elle a indiqué - sans être contredite par les Ecoles européennes -, qu’au Royaume-Uni, l’inscription est généralement subordonnée à la validation d’une épreuve de Mathématiques qui est, en l’état actuel du dossier, légèrement supérieure à la note finale au Baccalauréat obtenue par la requérante en Mathématiques (la requérante n’a atteint que la note de 4,60/10 à l’examen du Baccalauréat, note inférieure à la note moyenne permettant de valider la matière).
Dans ces conditions, on ne peut exiger de la requérante, aux seules fins de démontrer son intérêt à agir, qu’elle présente concrètement une candidature à des universités britanniques, vouée d’office à l’échec, dans le seul but d’obtenir un refus en raison de l’insuffisance de ses résultats en Mathématiques.

12. De plus, il convient également de relever que la requérante et ses parents sont citoyens britanniques et qu’il existe donc un intérêt manifeste de la requérante à s’inscrire dans une université au Royaume-Uni. Nier cet intérêt serait contradictoire avec l’esprit de la Convention portant statut des Ecoles européennes, qui vise, entre autres, à permettre aux fonctionnaires et agents de l’Union européenne d’éduquer leurs enfants dans une langue qui leur permet de conserver les racines culturelles du ou des pays d’origine de leurs parents. Cet objectif est également le sens même du principe reconnu à l’article 47 e) du Règlement général des Ecoles européennes qui dispose que la première langue (L1) de l’enfant est sa langue maternelle/langue dominante.
Par suite, il y a lieu d’écarter la fin de non-recevoir opposée par les Ecoles européennes.

Sur le fond,
13. Les deux parties admettent que les autorités compétentes des Ecoles européennes ont modéré, pour l’ensemble des étudiants dont la requérante, la notation des questions A3 et A4 de l’épreuve de Mathématiques du Baccalauréat pour tenir compte de leur difficulté excessive ou d’une erreur dans le graphique. Il a ainsi été décidé d’accorder à tous les élèves au moins la note de 2/5 à la question A3 et de 6/6 à la question A4.
Toutefois, la requérante soutient que cette modération n’a pas tenu compte de l’effet de surprise et de désorientation que les difficultés constatées dans le choix ou l’énoncé des sujets de ces deux questions ont causées, effet qui s’est répercuté sur l’ensemble de l’épreuve par le temps perdu à chercher inutilement les solutions aux questions A3 et A4 et par le stress induit par l’impossibilité de trouver ces solutions.

14. Il convient tout d’abord de rappeler qu’en vertu de l’article 12.2 du R.A.R.B.E., tout recours relatif à l’examen de Baccalauréat ne peut porter que sur un vice de forme. Conformément à cet article et à la jurisprudence constante de la Chambre de recours, il faut entendre par vice de forme toute violation d’une règle de droit relative à la procédure prévue par les textes régissant le Baccalauréat européen, en ce compris les dispositions prises à cet égard par le Conseil supérieur et par le Conseil d’inspection. Cela exclut notamment que la Chambre de recours puisse procéder à des appréciations de nature pédagogique et examiner si la ou les notes attribuées à un élève reflète(nt) effectivement ses performances à l’examen en cause (en ce sens, voir notamment les décisions 12/65 et 15/37).
Pour répondre à la question de fond posée par le présent recours, il convient donc d’examiner si les Ecoles, en attribuant de manière forfaitaire des points aux deux questions qui présentaient pour l’une une difficulté excessive et pour l’autre une erreur graphique, sans accorder de modération prenant en compte l’impact de ces difficultés sur le traitement des autres questions, ont ou non violé une règle de droit relative à la procédure prévue par les textes régissant le Baccalauréat européen.
Sur ce point, les Ecoles européennes ont indiqué, tant dans leur mémoire en défense que dans leur mémoire sur interpellation, qu’elles ont procédé à la ‘modération’ des résultats de la requérante, comme des autres élèves, sur la base de l’article 6.4.9.7 du R.A.R.B.E, libellé comme suit :
« L’harmonisation de l’évaluation (modération) des épreuves écrites du Baccalauréat européen est assurée par le/la Président-e du jury de l’examen et/ou par les Vice-Président-e-s ».

15. Si, interprétée stricto sensu, cette disposition s’applique à la modération entre les évaluations faites par les enseignants internes et par les correcteurs externes, rien ne s’oppose à ce qu’elle s’applique également à la modération nécessaire pour tenir compte de questions trop difficiles ou mal posées qui, de ce fait, ne permettraient pas dans le cadre d’un examen de fin d’études secondaires de refléter le niveau réellement atteint par les élèves, objet même des épreuves ainsi que le rappelle l’annexe X du règlement du Baccalauréat , et ce même si une telle pratique révèle une faille dans l’élaboration des sujets qui doit rester exceptionnelle.
Il convient par ailleurs de noter que ce pouvoir, reconnu au Président du Jury et aux Inspecteurs vice-présidents, par le R.A.R.B.E ne s’accompagne d’aucune précision sur les modalités à suivre pour sa mise en oeuvre ni de lignes directrices.
En l’espèce, des difficultés ont été relevées dans deux des huit épreuves de l’après-midi. Il ressort des éléments apportés par les Ecoles que pour compenser une difficulté excessive de la question A3, deux points ont été accordés en plus des points acquis jusqu’au 3ème point et que pour compenser une erreur dans le graphique de la question A4, six points sur six ont été accordés.
Il ne résulte cependant d’aucun élément du dossier que la modération ait pris en compte l’impact que les difficultés à répondre à ces questions a eu sur les réponses aux autres questions qui devaient être traitées, notamment en ce qui concerne le temps passé à tenter de les résoudre alors que les deux questions problématiques concernaient 25% des question à résoudre.
Dans ces conditions, la modération accordée n’a pas permis d’atteindre l’objectif poursuivi de refléter le niveau réellement atteint par les élèves et est entachée d’un vice de forme au sens de l’article 12.2 du R.A.R.B.E.
Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la requérante est fondée à demander l’annulation de la décision du 26 juillet 2024 du Président du Jury d’examen du Baccalauréat européen 2024 refusant de lui accorder une modération supplémentaire de la note de Mathématiques du Baccalauréat 2024.

Sur les conséquences de la décision d’annulation,(voir aussi décision 25/03 ci-attachée)
16. Si la Chambre de recours ne dispose pas, en l’espèce, d’une compétence de pleine juridiction lui permettant de se substituer à l’autorité concernée ou de prononcer des injonctions à son égard, cette autorité doit néanmoins en vertu de l’article 27, paragraphe 6 de la Convention portant statut des Ecoles européennes, selon lequel « les arrêts de la Chambre de recours sont obligatoires pour les parties », se conformer à la décision qui lui est notifiée.
Il appartient dès lors à la Direction de l’Ecole européenne de Bruxelles I et au Président du Jury d’examen du Baccalauréat européen 2024, compte tenu des motifs ayant conduit à l’annulation prononcée, de réexaminer la demande de la requérante faisant l’objet du présent recours, à savoir obtenir une majoration supplémentaire de sa note de Mathématiques, et de tirer, au vu de tous les éléments d’appréciation dont ils disposeront alors, toutes les conséquences nécessaires du présent arrêt.

DECISION 25/03
Position de la Chambre de recours
(...)
9. Dans sa décision 24/57, la Chambre de recours s’est exprimée clairement en ces termes :
« Il appartient dès lors à la Direction de l’Ecole européenne de Bruxelles I et au Président du Jury d’examen du Baccalauréat européen 2024, compte tenu des motifs ayant conduit à l\'annulation prononcée, de réexaminer la demande de la requérante faisant l’objet du présent recours, à savoir obtenir une majoration supplémentaire de sa note de Mathématiques, et de tirer, au vu de tous les éléments d’appréciation dont ils disposeront alors, toutes les conséquences nécessaires du présent arrêt ».
Dans son recours initial, la requérante ne demandait pas l’annulation de la note qui lui a été attribuée - ce qui aurait conduit à ce qu’elle perde le bénéfice de l’obtention de son diplôme de Baccalauréat.
Elle avait demandé que sa note fasse l’objet d’une modération supplémentaire, et elle a contesté devant la Chambre de recours le refus de lui accorder une telle majoration (dernière phrase du point 4 de la décision 24/57 : « Elle demandait en conséquence que sa note fasse l’objet d’une modération supplémentaire pour atteindre la moyenne, ce qui lui permettrait de valider cette matière ».) La décision 24/57 n’annule pas la note qui lui a été attribuée mais « La décision du 26 juillet 2024 du Président du Jury refusant d’accorder à Mme [...] une modération supplémentaire de la note de Mathématiques du Baccalauréat 2024 ».
Ainsi, l’exécution de cette décision ne peut avoir pour conséquence d’effacer la note attribuée - qui est le minimum auquel elle a droit et qui lui permet d’avoir obtenu le Baccalauréat.
La décision 24/57 censure une méthode de modération - jugée insuffisante car elle ne prenait pas en compte l’impact que les difficultés à répondre aux deux questions litigieuses (A3 et A4) a eu sur l’ensemble de l’examen – mais ne censure pas l’appréciation pédagogique des réponses données aux questions de l’examen de Mathématiques.
En conclusion, l’’exécution de cette décision n’implique pas de repasser l’examen - ce qui équivaudrait à annuler la note et le diplôme alors que l’élève ne l’a pas demandé et que la décision de la Chambre n’a pas cette portée.
L’exécution de cette décision implique en revanche, sans se substituer au pouvoir d’appréciation pédagogique du Président du Jury, que celui-ci réexamine la copie de la requérante en appliquant une méthode de modération qui tient compte de l’impact que les difficultés à répondre aux questions A3 et A4 a eu sur les réponses aux autres questions qui devaient être traitées (point 15, § 4 de la décision 24/57).
Le passage figurant au point 16 § 2 de la décisions 24/57, « à savoir obtenir une majoration supplémentaire de sa note de Mathématiques » fait, bien entendu, référence à l’objet de « la demande de la requérante faisant l’objet du présent recours », et ne consiste pas – comme le font valoir les Ecoles – en une injonction aux Ecoles.
La décision n°24/57 implique néanmoins que les Ecoles réexaminent ladite demande pour tirer les conséquences des motifs d’annulation.