Abstract
Appréciation de la Chambre de recours
Sur la recevabilité du recours,
8. Contrairement à ce que prétendent les Ecoles européennes, le recours est recevable ratione materiae.
Cette Chambre a déjà eu l’occasion de préciser que l'absence de voies de recours dans les textes ne faisait pas obstacle à un recours devant elle et à ce qu’une décision rejetant une demande - en l’espèce une demande de changement d’option – puisse faire l’objet d’un contrôle judiciaire (voir en ce sens, par analogie, la décision 19/35 du 29 août 2019, point 9).
En effet, depuis sa décision 10/02 du 22 juillet 2010, la Chambre de recours admet qu'il y a lieu de déterminer la portée exacte de la décision attaquée et de vérifier si son incompétence pour annuler cette décision en raison de l’absence de voies de recours prévues par les textes d’application de la Convention serait de nature à porter atteinte au principe du droit à un recours effectif. Le droit à une protection juridictionnelle effective est non seulement admis par la Convention portant statut des écoles européennes, mais il figure aussi au nombre des droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au nombre des principes généraux du droit de l’Union européenne (voir, par exemple, l’arrêt de la Cour de justice du 13 mars 2007, Unibet, C-432/05, Rec. p. I-2271, point 73).
Ainsi, la Chambre de recours a-t-elle estimé (voir sa décision 15/38 du 11 février 2016, point 12, et sa décision 19/35 du 29 aout 2019, point 10) qu’une décision qui affecte profondément le lien fondamental entre l’école et l’élève et son droit à l’éducation reconnu par l’article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, peut être soumise à un contrôle judiciaire par application des principes applicables dans un État de droit (cf. Article 47 de la même Charte).
9. En l'espèce, les requérants n'invoquent pas une violation du RARBE, mais se plaignent du non-respect du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination, protégé par l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et qui, comme l'article 14 de cette Charte, constitue une référence indispensable pour l'action des organes des Ecoles européennes (voir en ce sens la décision 17/41 du 18 septembre 2017). Par conséquent, une décision des Ecoles qui est susceptible de violer le principe susmentionné peut faire l'objet d'un contrôle juridictionnel en vertu de l'application des principes de l'État de droit (voir l'article 47 de la même Charte).
Dès lors, l’exception d’irrecevabilité opposée au présent recours par les Ecoles européennes, au motif que la décision attaquée n'est pas de celles qui peuvent faire l'objet d'un recours en vertu des articles 66 et 67 du Règlement général des Ecoles européennes, doit être écartée.
Sur le fond,
10. Par contre, le présent recours n’est pas fondé.
Les requérants ne contestent pas une mauvaise application des règles du Baccalauréat européen, mais plutôt le fait que ces règles ont été appliquées de manière discriminatoire et défavorable à l’égard de leur fille [...].
11. La Chambre de recours rappelle qu'elle a déjà jugé que les Ecoles européennes doivent respecter le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination, mais elle observe également que ce principe ne peut, par définition, trouver à s'appliquer qu'à des personnes placées dans une situation identique. Ainsi, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (par exemple, le point 33 de l'arrêt C-313/04 du 11 juillet 2006 et le point 76 de l'arrêt C-101-12 du 17 octobre 2013), ce principe exige, sauf exception objectivement justifiée, que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale (voir décision 17/41 du 18 septembre 2017, point 14).
Dans leur mémoire en défense, les Ecoles européennes ont expliqué en détail les raisons pour lesquelles les élèves mentionnés par les requérants se trouvaient dans une situation juridique différente de celle de [...].
Et les requérants n'ont pas contesté ces explications : il est donc permis de conclure que le traitement différent réservé à la demande de leur fille ne viole pas le principe d'égalité de traitement.
12. Les Ecoles ont également ajouté qu'elles étaient au courant de la maladie de [...] et qu'elles étaient disposées à inclure la jeune fille dans un programme de soutien éducatif pour l'aider à surmonter les difficultés résultant des problèmes de santé qu'elle a eus pendant son enfance.
13. En ce qui concerne l'attitude du professeur d'espagnol, les Ecoles ont précisé que ce dernier n'est plus destiné à enseigner dans la classe que [...] doit fréquenter, et qu'il n'y a donc pas lieu d'aborder la question d'un éventuel harcèlement.
14. Il ressort de tout ce qui précède que le présent recours ne peut qu’être rejeté comme recevable mais non fondé.