BDCREE

Complaints Board of the European Schools

Decision Number: 22/49


Decision Date: 28.10.2022


Keywords

  • language test
  • language section (at the time of enrolment)
  • jurisdiction of the Complaints Board (ratione materiae)
  • principle of good administration
  • breach of procedure / procedural irregularity
  • scope and execution of the decisions of the Complaints Board

Full Text

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Abstract

Appréciation de la Chambre de recours
10.
Sur la recevabilité du recours,
Dans la mesure où les requérants demandent à la Chambre de recours d'admettre leur fille [...] dans la section linguistique francophone au lieu de la section linguistique polonaise, la demande est irrecevable.
En effet, aux termes de l’article 27.2 de la Convention portant statut des Ecoles européennes, la Chambre de recours n’a pas de compétence d’attribution et elle ne peut qu’annuler les actes administratifs des Ecoles européennes, sauf lorsque l’acte administratif querellé a un caractère pécuniaire, auquel cas elle dispose d’un pouvoir de pleine juridiction lui permettant de substituer sa décision à celle des Ecoles.
Il résulte de tout ce qui précède que le présent recours n’est recevable que dans la mesure où il poursuit l’annulation de la décision de l’Ecole européenne de Luxembourg I du 5 juillet 2022, et par voie de conséquence, l’annulation de la décision du Secrétaire général des Ecoles européennes du 3 août 2022 qui a rejeté le recours administratif.

Sur le fond du recours,
11. Selon une jurisprudence constante de cette Chambre, « Les appréciations pédagogiques et scolaires des élèves, aussi bien de façon générale qu’en manière de tests linguistiques, destinées à déterminer la section linguistique au moment de l’inscription (…) relèvent de la compétence exclusive des enseignants et ne peut pas être soumises au contrôle juridictionnel de la Chambre de recours, sauf erreur manifeste d’appréciation ou si elle viole les règles de procédure ou encore, en cas de faits nouveaux pertinents conformément à l’article 50bis du RGEE » (voir en ce sens les décisions 17/13, 18/12 et 19/55).
En outre, « l’appréciation de tiers ne peut se substituer à l’appréciation pédagogique des personnes compétentes au sein de l’école » (voir en ce sens les décisions 19/59, 21/28 (point 19), 21/22 (point 14) et 21/39 (point 13)).

12. Au vu de cette jurisprudence, la demande des requérants visant à substituer les tests réalisés par l'évaluation faite par l’orthophoniste ou d'autres personnes tierces ne peut être acceptée. De plus, les tests organisés par les Ecoles européennes, contrairement à l'évaluation de l'orthophoniste, visent à définir quelle est la langue dominante de l'enfant, et non son niveau de connaissance d'une langue spécifique.
Cependant, il découle également de cette jurisprudence que la Chambre de recours est compétente pour vérifier le respect des procédures suivant lesquelles les tests linguistiques sont effectués. Le strict respect de ces procédures est particulièrement important, car le résultat des tests comparatifs de langue affecte l'entier parcours scolaire des élèves, influençant de manière décisive l'ordre des langues qu'ils apprennent.

13. En l'espèce, les requérants soutiennent que la mère d'[...] n'a pas été suffisamment informée par l’Ecole des conditions dans lesquelles les tests devaient se dérouler et qu’elle a pu être présente tout au long du test de polonais, alors que ce ne fut pas le cas lors des tests d'anglais et de français.
D’une part, les Ecoles ont admis à l’audience que les rapports de test n’indiquent pas le temps de présence de la mère auprès de sa fille et d'autre part, il ressort des déclarations des enseignants qui ont mené les tests que ce temps de présence fut différent pour chacun des trois tests. En particulier, bien que tous les enseignants aient déclaré que la mère avait été informée qu'elle pouvait rester avec [...] pendant 10 minutes, cette dernière i) n'est pas restée avec [...] lors du test d'anglais, ii) elle est restée avec [...] pendant 2 à 5 minutes lors du test de français, iii) avait « accepté de rester 10 minutes » lors test de polonais.
Lors de l'audience encore, la mère d'[...] a confirmé, en substance, les déclarations relatives aux tests d'anglais et de français mais a déclaré qu'en réalité elle avait pu rester avec sa fille pendant toute la durée du test de polonais, aidant ainsi l'enfant.

14. La Chambre de recours observe que de la discussion menée lors de l'audience, ainsi que des pièces versées au dossier, il ressort que les tests de langue d'[...] ne se sont pas déroulés dans le respect des règles de procédure que les Ecoles elles-mêmes ont adoptées pour assurer une évaluation efficace et équitable des compétences linguistiques des élèves. En particulier, il apparaît que la mère d'[...] n'a pas été suffisamment informée du sens de sa présence lors des tests et de l'impact que cette présence pouvait avoir sur les résultats des tests. La mère d'[...] a également été autorisée à rester auprès de sa fille pendant des temps de présence différents lors de chaque test, ce qui a forcément faussé les résultats, à la fois parce qu'une petite fille de quatre ans peut se sentir plus à l'aise en présence de sa mère, et donc améliorer ses performances, ou au contraire parce qu’elle peut être distraite par la présence de sa mère, et faire donc de moins bons résultats.

15. La Chambre de recours reconnait que les Ecoles européennes disposent d'une marge de manoeuvre considérable dans l'organisation de tests de langue destinés à déterminer la langue dominante des élèves. Cependant, elles doivent respecter le principe de bonne administration (voir en ce sens les décisions 10/49 et 14/22), lequel impose le devoir de réaliser les tests comparatifs de langue dans les mêmes conditions ainsi que l'impartialité de jugement quant aux résultats.
Ces principes n'ont pas été pleinement respectés en l'espèce et, par conséquent, le présent recours doit être accueilli et la décision attaquée doit être annulée.

Sur les conséquences de l'annulation de la décision attaquée,
16. Si la Chambre de recours ne dispose pas en l’espèce d’une compétence de pleine juridiction lui permettant, comme il a été dit ci-dessus, de se substituer à l’autorité concernée ou de prononcer des injonctions à son égard, cette autorité doit néanmoins en vertu de l’article 27, paragraphe 6 de la Convention portant statut des Ecoles européennes, selon lequel « les arrêts de la Chambre de recours sont obligatoires pour les parties », se conformer à la décision qui lui est notifiée.
Il appartient dès lors à la Direction de l’Ecole européenne de Luxembourg I, compte tenu des motifs ayant conduit à l'annulation prononcée, de réexaminer la demande des requérants faisant l’objet du présent recours et de tirer, au vu de tous les éléments d’appréciation dont elle disposera alors, toutes les conséquences nécessaires du présent arrêt.