Abstract
Appréciation du juge des référés
Sur la recevabilité du recours en référé et sur la demande de mesures provisoires,
(...)
16. En l’espèce, l’urgence, qui n'est d'ailleurs pas discutée par la partie défenderesse, est justifiée par l’imminence de la rentrée académique et par les procédures d’admission à l’université.
Le risque d’absence d’effectivité du droit au recours est également démontré dès lors que le délai nécessaire à l'instruction de la procédure au fond, et à l’obtention d’une décision sur le recours en annulation, ne permettra pas au requérant de pouvoir intégrer aucune des deux universités de son choix endéans le délai prescrit pour les inscriptions, et avant la rentrée académique.
Ainsi que le Tribunal général de l’Union européenne l’a rappelé dans l’Ordonnance du Président du 30 mars 2022 (T-125/22 R), « (…) l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C-517/15 P-R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée) ».
Comme la Chambre l’a déclaré « le laps de temps disponible entre la communication aux candidats des résultats du Baccalauréat et les dates limites pour les inscriptions dans des établissements d’enseignement supérieur, bien que variables, requiert une solution rapide des litiges faisant l’objet de recours introduits par les intéressés contre les résultats du Baccalauréat. Ainsi la Chambre de recours s’efforce-t-elle de traiter ces recours de façon à ce que les décisions, tant sur le recours en référé que sur le recours principal, soient notifiées en temps utiles pour les requérants, dans des délais plus courts que le délai prévu dans son Règlement de Procédure » (Ordonnance de référé 20/33R du 20 août 2020).
17. Il convient tout d’abord de relever le principe du caractère non suspensif des recours administratifs (article 66.3 du Règlement général des Ecoles européennes) et contentieux (article 16 du Règlement de procédure de la Chambre), les actes adoptés par les organes des Ecoles européennes bénéficiant d’une présomption de légalité.
« Ce n’est qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires », comme le rappelle le Président du Tribunal général de l’Union européenne dans son Ordonnance du 31 mars 2022, affaire T-22722 R).
La protection requise ne peut être examinée qu’en relation avec les mesures demandées en référé et au regard de la décision objet du recours principal qui, en l’espèce, est une décision qui déclare irrecevable un recours administratif en raison de sa tardiveté et de son introduction auprès d’une instance incompétente.
Il faut aussi rappeler que « dans le cadre d’une procédure d’urgence, la Chambre ne saurait faire des considérations sur le fond qui pourraient préjuger la décision du recours principal » (Ordonnance de référé du 25 juin 2020, recours 20/22R, point 10, aussi que l’Ordonnance de référé du 19 août 2019, recours 19/39R, non publiée)
18. La présente demande en référé vise à ce que la Chambre de recours rectifie, à titre provisoire, la note obtenue par le requérant à l’épreuve écrite de mathématiques, et par conséquent la note finale du Baccalauréat.
Or, comme souligné dans l’ordonnance de référé du 24 août 2020 (20/33R), point 12, « un diplôme de Baccalauréat ne peut avoir un caractère provisoire : au contraire, il a un caractère définitif quant aux droits qu’il crée et quant aux décisions prises sur son fondement telles que, précisément, l’admission dans des établissements d’enseignement supérieur.
La Chambre de recours ne peut donc en aucun cas faire droit à cette demande.
Et ce d’autant plus que la délivrance provisoire de ce diplôme signifierait qu’il serait émis, en prévision de la décision à intervenir dans le cadre du recours principal, la requérante partant du principe qu’elle sera identique sur ce point.
Ce serait anticiper la décision du fond du recours, ce que le juge des référés ne peut pas faire.
(…) Enfin, procéder à un changement de sa notation en lui attribuant une note autre que celle qui lui a été attribuée par l’Ecole, impliquerait que le juge des référés procède à un contrôle de fond pour vérifier si la notation contestée par la requérante est justifiée ou pas. Cela impose au juge de référé d’examiner chacun des moyens invoqués pour contester la légalité de la décision attaquée, en lieu et place du juge chargé d’examiner le recours principal, ce que le juge des référés ne peut pas faire.
Ceci est d’autant plus vrai qu’en l’espèce, au vu des objectifs visés par l’adoption du système de notation contesté par la requérante, il n’est pas permis, à ce stade, d’estimer d’emblée qu’il y aurait un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. A cet égard, il peut également être rappelé que l’inscription aux Ecoles européennes « entraine acceptation de ce système (…) ainsi que des éventuels changements dans son organisation et son fonctionnement justifiés par les circonstances et les besoins de l’établissement en question ».
Dans son ordonnance de référé du 24 août 2020 (20/34R), point 9, le président de laChambre a statué dans le même sens, en ajoutant que « : Partant, les moyens quant au fond présentés par le présent recours, qui sont les mêmes que ceux présentés dans le cadre du recours principal, doivent être examinés dans ce cadre, sans les limitations propres au référé qui ne peut se prononcer qu’à titre provisoire, de même que les autres moyens de la requête portant sur le fond du recours ne peuvent pas être examinés à ce stade de la procédure, mais une fois que les deux parties auront eu l’occasion d’exposer tous leurs arguments et moyens de preuve, comme l’exige le principe du débat contradictoire (égalité des armes). »
19. Enfin, selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal Général de l’Union Européenne, la condition relative au « fumus boni iuris » ou doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée (article 35.2 du Règlement de procédure de la Chambre de recours), est remplie « lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux. Tel est le cas dès lors que l’un de ces moyens révèle l’existence d’un différend juridique ou factuel important dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond » (Ordonnance du Président TGUE de 31 mars 2022 T-22/22 R).
Ainsi, faut-il examiner si, prima facie, les griefs invoqués par le requérant sont fondés et si, au moins l’un d’eux, est suffisamment sérieux pour mettre en doute la légalité de la décision attaquée et justifie l’adoption des mesures provisoires demandées.
Dans le cas d’espèce, la décision attaquée ne se prononce pas sur le fond du recours administratif, mais elle le déclare irrecevable par deux motifs : son introduction hors du délai de 10 jours (article 12.1 RARBE) et auprès d’un organe incompétent pour statuer.
On pourrait écarter le deuxième motif d’irrecevabilité dès lors que le recours administratif a été transmis à l’organe compétent (la Présidente du Jury) le jour même de sa réception.
Concernant la recevabilité ratione temporis, le requérant allègue que le délai de recours a commencé à courir le 1er juillet, date qui figure sur le bulletin de notes, date à laquelle l’Ecole a communiqué les notes définitives et date qui figure sur le diplôme du Baccalauréat.
Les Ecoles font valoir quant à elles que le requérant a eu connaissance de ses notes, et de celle de mathématiques en particulier, le 29 juin et que le dernier jour du délai de recours était donc le 9 juin 2022.
L’irrecevabilité ratione temporis du recours administratif paraît prima facie fondée : aucun des arguments de la requête sur ce point n’amène à une conclusion différente. Quel que soit le dies a quo à prendre en considération, force est de constater que le recours a été présenté le 12 juillet 2022, par e-mail envoyé à 00:00:31 au Directeur de l’école, et est donc parvenu à la Présidente du Jury le 12 juillet ; en l’état actuel de l’instruction, le recours apparaît bien comme introduit après le délai de dix jours, que celui-ci prenne cours le 29 juin (dernier jour, le 9 juillet) ou le 1er juillet (dernier jour, le 11 juillet).
L’allégation d’une panne du wi-fi suite à un orage survenu le 21 juin pour justifier l’envoi retardé du courriel, ne peut fonder ni justifier l’existence d’une force majeure, dès lors que le mauvais fonctionnement du wi-fi le 11 juillet n’était ni imprévisible, ni inévitable.
La décision d’irrecevabilité ratione temporis n’est donc pas à première vue entachée d’un doute sérieux quant à sa légalité ; face à un obstacle de recevabilité du recours, il n’était pas nécessaire d’examiner les arguments de fond soulevés par le requérant.
Pour toutes ces raisons, en l’état actuel de la procédure et sans préjuger du fond, le présent recours en référé doit être rejeté.