BDCREE

Complaints Board of the European Schools

Decision Number: 22/35


Decision Date: 14.10.2022


Keywords

  • Central Enrolment Authority
  • enrolment phase 2 (force majeure)
  • legal and other costs of the case

Full Text

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Abstract

Appréciation de la Chambre de recours
Sur le fond,
10. La question soulevée en l’espèce est de savoir si les requérants ont suffisamment prouvé avoir été empêché par un cas de force majeure de demander l’inscription de leur fille [...] aux Ecoles européennes au cours de la première phase d’inscription.
En droit, l'article 2.18 de la PI dispose :
« Par dérogation aux articles 2.15. et 2.16., les demandeurs d’inscription sont admis à introduire leur demande en deuxième phase, …. soit lorsque les demandeurs peuvent établir un cas de force majeure sur la base de pièces probantes, produites – à peine de rejet – lors de l’introduction de leur demande. Le cas de force majeure consiste dans la réalité d’évènements purement objectifs et indépendants de la volonté du demandeur ou de l’élève de nature à faire indiscutablement obstacle à l’introduction de leur demande en première phase ».
Il appartient donc aux demandeurs qui se prévalent d’un cas de force majeure pour justifier l’introduction de leur dossier en deuxième phase, d’apporter la preuve, dès cette introduction, de « la réalité d’évènements purement objectifs et indépendants de leur volonté, de nature à faire indiscutablement obstacle, contrairement à ce qu’était la volonté des intéressés dès ce moment-là, au dépôt de cette demande en première phase ».

11. La force majeure n’est généralement admise que si une situation objective, indépendante de la volonté des demandeurs les a empêchés d’introduire la demande d’inscription en première phase ; selon une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union européenne, cette situation est caractérisée par l’apparition de circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pas pu être évitées, malgré toutes les diligences déployées (voir par exemple, arrêt CJUE du 5 février 1987, 145/85, Denkavit/Belgique).
Il est communément admis que la force majeure est un événement imprévisible, irrésistible, insurmontable et indépendant de la volonté du débiteur, l’ayant empêché d’exécuter son obligation.
Echappe ainsi à un cas de force majeure, un évènement ou une situation qui serait le résultat d’une action ou d’une inaction volontaire des personnes qui entendent s’en prévaloir.

12. En l'espèce, les requérants ont présenté trois certificats médicaux au moment de leur demande, dont deux semblent pertinents par rapport aux preuves requises.
Le certificat du 13 mai 2022 indique en effet que [...], dans l'école qu'elle fréquentait, avait été victime d'un ostracisme social, c'est-à-dire d'une forme grave de harcèlement psychologique, en raison de laquelle un changement d'école était recommandé. Le certificat indiquait également que les plaintes de [...] ne s'étaient manifestées que récemment, ce qui justifiait le caractère tardif de la demande.
Les requérants ont également présenté un second certificat médical, daté du 3 juin 2022, établi par un autre médecin, spécialiste en psychologie, confirmant que [...] souffrait d'un état d'anxiété et de tension émotionnelle lié à son environnement scolaire ; le psychologue a également confirmé la recommandation d’un changement d'école.
Face à ces preuves, les Ecoles européennes se sont limitées à affirmer de manière générique que le contenu des certificats n'était pas suffisamment précis pour prouver que [...] ne pouvait pas être inscrite pendant la première phase. En particulier, elles ont fait valoir qu'il ne ressortait pas clairement de ces certificats à quel moment les difficultés psychologiques de la jeune fille s'étaient manifestées.

13. A cet égard, la Chambre de recours relève que dans le certificat du 13 mai 2022, le médecin indique explicitement que les difficultés psychologiques de [...] ne sont apparues que « récemment » et que, pour cette raison, la demande de changement d'école ne pouvait être que tardive. En considération du contexte, il est tout à fait raisonnable de penser que cette indication temporelle fait référence à un moment postérieur à la fin de la première phase d'inscription, qui était clôturée plus de trois mois auparavant, c'est-à-dire le 4 février 2022. Par conséquent, de ce certificat découle sans équivoque que le harcèlement psychologique de [...] s'est manifesté après la clôture de la première phase d'inscription. L'évaluation du premier médecin a ensuite été confirmée par un deuxième médecin, spécialiste en psychologie, avec le certificat du 3 juin 2022.

14. Compte tenu de la concordance des propos des deux médecins quant à la nature de la pathologie dont souffrait la jeune fille et du fait que le certificat du 13 mai 2022 indique que cette pathologie s'est manifestée après la clôture de la première phase, les requérants invoquent à juste titre que c’est en raison de circonstances anormales et imprévisibles, qu’ils ont été absolument incapables de présenter la demande d’inscription au cours de la première phase. En outre, il est certain que le retard dans l'inscription était dû à des causes entièrement indépendantes de la volonté des requérants.

15. Pour cette raison, le recours doit être accueilli, et la décision attaquée annulée.

Sur les frais et dépens,
16. Aux termes de l’article 27 du règlement de procédure : « Toute partie qui succombe est condamnée aux frais et dépens s’il est conclu en ce sens par l’autre partie. Cependant, si les circonstances particulières de l’affaire le justifient, la Chambre de recours peut mettre les frais et dépens à la charge de cette dernière ou les partager entre les parties (…) A défaut de conclusions sur les dépens, chaque partie supporte ses propres dépens. ».
Il ressort de ces dispositions, lesquelles sont d’ailleurs tout à fait comparables à celles en vigueur devant la plupart des juridictions, nationales ou internationales, que la partie qui succombe doit, en principe, supporter les frais et dépens de l’instance. Pour autant, lesdites dispositions permettent à la Chambre de recours d’apprécier au cas par cas les conditions dans lesquelles il doit en être fait application.

17. Compte tenu du fait que les requérants, qui constituent la partie en faveur de laquelle la Chambre de recours se prononce, n'ont pas demandé la condamnation des Ecoles européennes aux dépens de la procédure, il y a lieu décider que chaque partie supportera ses propres dépens.