BDCREE

Complaints Board of the European Schools

Decision Number: 21/28


Decision Date: 24.08.2021


Keywords

  • language section (at the time of enrolment)
  • language test
  • breach of procedure / procedural irregularity
  • scope and execution of the decisions of the Complaints Board

Full Text

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Abstract

Appréciation de la Chambre de recours
Sur le fond
,
9. Il convient tout d’abord de rappeler les dispositions de l’article 47 e) du Règlement général des Ecoles européennes (ci-après le RGEE) :
(...)

10. La Chambre de recours a déjà eu l’occasion, à de nombreuses reprises, de se prononcer sur la nature, l’ampleur et les contours des dispositions applicables à la détermination de la section linguistique (voir notamment ses décisions 14/17 , 15/51 , 17/13 , 18/27 , 19/51 et 20/69 ).
Selon une jurisprudence constante de la Chambre de recours en la matière, il se déduit clairement des dispositions de l’article 47 e) les principes suivants :
a) un principe fondamental des Ecoles européennes est l’enseignement dans la langue maternelle / dominante en tant que première langue, principe qui implique l’inscription de l’élève dans la section de sa langue maternelle / dominante là où cette section existe ;
b) la langue maternelle / dominante est la langue que l’enfant maîtrise le mieux, de manière à lui donner des bases solides qui lui permettront d’avoir une scolarité épanouie et de faciliter, par la suite, l’apprentissage progressif d’autres langues. Ce principe doit être considéré comme étant précisément conçu dans l’intérêt de l’enfant (voir en ce sens la décision 16/20 - point 24) ;
c) la Langue 1 est déterminée au moment de l’inscription de l’élève et est, en principe, définitive et valable pour tout le cursus scolaire ; d) le RGEE ne reconnait pas de droit aux parents à ce que leur enfant soit admis dans la section linguistique de leur choix, car cette décision appartient au directeur de l’Ecole qui doit déterminer, en suivant la procédure prescrite, la section linguistique appropriée à l’enfant ;
e) le choix de la section linguistique n’est donc pas laissé au libre choix des parents : il doit résulter d'une appréciation pédagogique réalisée par l’Ecole, dans l'intérêt de l'enfant, au vu des informations fournies par ses parents et, en cas de doute ou de contestation, au vu des résultats des tests comparatifs de langues organisés et contrôlés par l’équipe enseignante ; cette décision est de nature pédagogique ;
f) l’appréciation pédagogique appartient aux enseignants, auxquels la Chambre de recours ne peut se substituer, sauf erreur manifeste d’appréciation ou vice de procédure (voir ses décisions 17/13 , 19/51 (point 8) et 19/55 (point 7)) ;
g) les Ecoles disposent d’une certaine autonomie dans l’organisation des tests de langues, mais sous la condition de garantir leur caractère comparable : « les tests de langue doivent se dérouler de manière à pouvoir conduire à une comparaison objective des résultats. » (décision 17/23 ).

11. Afin de garantir le caractère comparable des tests, le « Règlement pour l’organisation des tests de langue en maternelle et 1ère primaire », figurant comme Annexe I au document « Établissement d’une procédure harmonisée pour l’organisation des tests de langues (Article 47 e) du RGEE) » et approuvé par le Conseil d’inspection mixte du 10 octobre 2018 (Réf.: 2018-09-D-23-fr-2), précise entre autres: « Les parents ne peuvent pas être présents lors de ces tests à l’exception des demandes d’inscription en Maternelle 1 et uniquement pendant les 10 premières minutes du test ».

12. Par ailleurs, en vertu de l’article 50 bis du RGEE, les décisions en matière d’inscription sont susceptibles de recours « dans le seul cas où il est démontré que la décision est affectée d’un vice de forme ou qu’un fait nouveau et pertinent doit être pris en considération.

13. C’est dans ce cadre réglementaire ainsi rappelé, et à la lumière de la jurisprudence établie de la Chambre, qu’il y a lieu d’examiner les moyens invoqués à l’appui du présent recours.

15. Pour contester cette décision, les requérants remettent en cause la validité de ces tests en invoquant un vice de procédure dans la tenue du test de langue française. Ils font valoir que les règles d’organisation des tests de langue en maternelle n’ont pas été respectées et que les tests réalisés ne permettent pas une comparaison objective de leurs résultats.

16. En se référant au Règlement précité du 10 octobre 2018 (voir supra le point 11), les requérants font valoir que, s’ils ont été admis pendant les dix premières minutes du test en langue bulgare, la professeure de français a refusé qu’il en soit de même lors du test de langue française et ils soutiennent que ce refus n’a pas permis de mettre leur fils en confiance.
Dans leur mémoire en réponse, les Ecoles européennes soutiennent que cette version des faits, telle que présentée par les requérants, n’est corroborée par aucun élément et repose sur leurs seules allégations et qu’ils n’ont aucunement évoqué le problème de la présence d’un des parents lors du test de français avant l’introduction du recours alors même qu’ils ont largement commenté, via un échange de mails nourri avec la direction de l’école, chaque étape de la procédure de détermination de la Langue 1.

17. Cependant, la seule circonstance que les requérants aient d’abord présenté des arguments tirés des conditions d’apprentissage du français par leur fils avant de faire état d’un vice de procédure dans le cadre de la procédure contentieuse ne permet pas à elle seule de douter de la réalité des affirmations des requérants sur le déroulement du test de français.
Par ailleurs, le compte rendu de ce test ne comporte aucune indication sur son déroulement qui contredirait l’affirmation des parents et les Ecoles européennes ne produisent aucune attestation de la professeure qui l’a mené contredisant cette affirmation.
Dès lors, il doit être tenu pour établi que contrairement au point b) des règles d’organisation des tests de langue, la présence de l’un des parents n’a pas été admise durant les dix premières minutes du test de langue française contrairement à ce qui a été le cas pour le test de langue bulgare. Compte tenu du très jeune âge de l’enfant, cette différence de situation a pu fausser les résultats du test de français et par suite ne permet pas une comparaison objective des résultats des tests dans les deux langues.

18. En conséquence, ce vice de procédure est de nature à lui seul à entacher d’illégalité la décision de l’ACI en date du 29 juin 2021 alors même que les autres éléments invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

19. En effet, les résultats des tests ne peuvent être remis en cause par une attestation ou un bulletin scolaire délivré par d’autres établissements d’enseignement, tel que le document produit par les requérants (voir en ce sens décision 16/21) et les appréciations de personnes tierces, parmi lesquelles les puéricultrices de la crèche fréquentée précédemment par l’enfant, ne peuvent se substituer à celle de l’Ecole, à laquelle appartient exclusivement la compétence relative à la détermination de la Langue 1 au moment de l’inscription.
Enfin, s’il ressort des pièces du dossier que [...] a été accueilli pendant près de quatre ans dans une crèche francophone, celle-ci ne correspond pas à un cycle primaire au sens du deuxième alinéa de l’article 47 e) du RGEE. Dès lors la présomption permettant de déroger à la règle de l’enseignement dans la langue maternelle / dominante, prévue au deuxième alinéa de l’article 47 e) du RGEE (« minimum 2 ans dans le cycle primaire ou secondaire »), ne peut trouver à s’appliquer en l’espèce et il ne peut pas être tenu compte des années de crèche, contrairement à ce que les requérants demandent.

Sur les conséquences de l'annulation de la décision attaquée,
20. Si la Chambre de recours ne dispose pas, en l’espèce d’une compétence de pleine juridiction lui permettant, comme il a été dit ci-dessus, de se substituer à l’autorité concernée ou de prononcer des injonctions à son égard, cette autorité doit néanmoins en vertu de l’article 27, paragraphe 6, de la Convention portant statut des Ecoles européennes, selon lequel « les arrêts de la Chambre de recours sont obligatoires pour les parties », se conformer à la décision qui lui est notifiée.
Il appartient dès lors aux Ecoles, compte tenu des motifs ayant conduit à l'annulation prononcée, de réexaminer la demande des requérants faisant l’objet du présent recours et de tirer, au vu de tous les éléments d’appréciation dont elles disposeront alors, toutes les conséquences nécessaires du présent arrêt.