Abstract
Sur la compétence de la Chambre de recours,
(...)
10. Il doit être relevé, en premier lieu, que, en demandant le paiement de provisions à valoir sur différentes indemnités qu’il revendique en conséquence de la décision du Directeur de l’Ecole européenne de Bruxelles I mettant fin à ses fonctions, le requérant doit être regardé comme saisissant la Chambre de recours d’un litige portant sur la légalité de cette décision et présentant un caractère pécuniaire.
11. En deuxième lieu, il résulte clairement des dispositions précitées que la Chambre de recours est compétente pour connaître d’un tel litige, pour autant toutefois qu’il se rapporte aux fonctions exercées par le requérant en qualité de chargé de cours. En revanche, le litige se rapportant aux fonctions exercées en qualité de surveillant n’est pas au nombre de ceux qui sont attribués à la compétence de la Chambre de recours par l’article 27.2 du Statut des Ecoles européennes.
12. Quant à la double circonstance que la décision attaquée a mis fin aux fonctions à la fois de surveillant et de chargé de cours et que la saisine concomitante du Tribunal du travail créerait une situation de connexité et de litispendance, elle appelle les considérations suivantes.
13. Il doit être constaté d’abord que ni la Convention portant Statut des Ecoles européennes, ni le Règlement de procédure de la Chambre de recours ne comportent de dispositions régissant les situations de connexité et de litispendance.
14. S’il est vrai que ces situations ont fait l’objet de dispositions telles que la convention, dite Convention de Bruxelles, du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), puis le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1, ci-après le “règlement 44-2001”), ces dispositions ont été adoptées dans le cadre des traités devenus ceux de l’Union européenne. Il doit être rappelé à cet égard que le système juridique des Ecoles européennes se distingue formellement de celui de l’Union européenne (voir en ce sens la décision de la Chambre de recours du 25 janvier 2017, affaire 16/58, point 16). Dès lors, ces dispositions, visant d’ailleurs les situations de connexité et de litispendance entre juridictions des Etats membres, ne sont pas directement applicables à la Chambre de recours. Toutefois, celle-ci s’inspire, autant que faire se peut, de la jurisprudence des juridictions européennes et des principes du droit de l’Union sur lesquels elles se fondent.
15. A cet égard, il ressort, notamment du 15ème considérant du règlement 44-2001 que le législateur de l’Union, pour adopter les mesures régissant les situations de connexité et de litispendance, a estimé que le fonctionnement harmonieux de la justice commandait de réduire au maximum la possibilité de procédures concurrentes et d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans deux Etats membres. Cet objectif de fonctionnement harmonieux de la justice s’impose, à l’évidence, également à la Chambre de recours pour éviter que ses décisions soient inconciliables avec celles de juridictions nationales dans des situations telles que celles qui ressortent en particulier de l’article 27-7 de la Convention portant Statut des Ecoles européennes, ou de l’article 3-2 du Statut des chargés de cours.
16. En conséquence, il y aurait lieu, d’une part, de mettre en oeuvre un mécanisme de litispendance comme celui qui ressort de l’article 27 du règlement 44-2001 pour autant que, comme le prévoit cet article, les demandes formées entre les mêmes parties ont le même objet et la même cause. D’autre part, il importe de se référer à la jurisprudence des juridictions européennes pour déterminer si la situation soumise à la Chambre de recours remplit les conditions tenant à cette triple identité de parties, d’objet et de cause.
17. En l’espèce les litiges intentés par le requérant contre l’Ecole européenne de Bruxelles I devant le Tribunal du travail et devant la Chambre de recours opposent les mêmes parties. A supposer même qu’ils puissent être regardés comme ayant le même objet en ce sens qu’ils visent à obtenir l’indemnisation des conséquences de l’unique décision du 4 décembre 2019 mettant fin aux fonctions du requérant, ces litiges, en revanche, ne reposent pas sur la même cause.
18. Comme l’a considéré la Cour de justice de l’Union européenne, la cause comprend les faits et la règle juridique invoquée comme fondement de la demande (voir notamment l’arrêt du 22 octobre 2015, C-523/14, point 43). Or, si les mêmes faits sont à l’origine de la décision du 4 décembre 2019 et donc des demandes du requérant, celles-ci trouvent leurs fondements respectifs dans des règles juridiques nettement distinctes et de nature différente. Il s’agit, d’une part, pour l’action intentée par le requérant devant le Tribunal du travail, des dispositions du droit du travail applicables dans le Royaume de Belgique, et, d’autre part, pour la demande dont est saisie la Chambre de recours, des dispositions, à caractère statutaire, applicables aux chargés de cours et adoptées par le Conseil supérieur des Ecoles européennes en application de la Convention (internationale) portant statut des Ecoles européennes. Ainsi, et eu égard à la nature particulière de la relation de travail régie par un Statut, les deux demandes ne reposent pas sur une cause identique.
19. Dès lors que ces demandes doivent être examinées sur le fondement de deux régimes juridiques nettement distincts, il n’apparaît pas, en outre, à la Chambre de recours que le jugement séparé des deux litiges risquerait de conduire à des solutions inconciliables, au sens des dispositions applicables à la connexité en droit de l’Union européenne, telles que celles de l’article 28.3 du règlement 44-2001. Au surplus, et dès lors, d’une part, que la Chambre de recours est incompétente pour connaître du litige se rapportant au contrat de surveillant et, d’autre part, qu’elle n’a pas été saisie « en second lieu » par le requérant, il n’apparaît pas davantage que la présente affaire entrerait dans le champ d’application du mécanisme de résolution des cas de connexité tel que celui qui ressort de l’article 28.1 et 2 du même règlement.
20. En conséquence, en l’absence de situation de litispendance et de connexité établie, la Chambre de recours est compétente pour connaître des conclusions dont le requérant l’a saisie, mais uniquement dans la mesure où elles visent à l’indemnisation des conséquences de l’illégalité alléguée de la décision du 4 décembre 2019 en tant qu’elle met fin à ses fonctions de chargé de cours.