Abstract
Appréciation de la Chambre de recours
Observations liminaires,
12. Il convient de relever tout d’abord qu’il est constant que la fille de la requérante, est scolarisée à l’EEL II en tant qu’enfant à besoins spécifiques au sens de l’article 4, paragraphe 7, de la Convention portant statut des Ecoles européennes. En vertu de cet article, figure au nombre des principes sur lesquels se fonde l’organisation pédagogique desdites Ecoles, celui selon lequel « des mesures sont prises pour faciliter l’accueil des enfants ayant des besoins éducatifs spécifiques ».
13. Au titre de ces mesures, le Conseil supérieur des Ecoles européennes a adopté, d’une part, des dispositions à caractère général dans un document intitulé « Politique en matière de soutien éducatif dans les Ecoles européennes » (2012-05-D-14, ci-après la « Politique de soutien ») qui détermine les objectifs et les principes de ce soutien. Selon le point 1.3 de ce document, intitulé «
14. Il est également constant à cet égard que les besoins spécifiques de [...] correspondent au profil de type A.
15. En vue d’éclairer et préciser certaines dispositions figurant dans la Politique de soutien, le Conseil supérieur des Ecoles européennes a adopté, d’autre part, un document intitulé « Offre de soutien éducatif dans les Ecoles européennes - Document procédural » (2012-05-D-15-fr-12), dont l’article 4.4.3., intitulé « Procédures », comporte les dispositions suivantes :
« Pour les élèves dont les besoins correspondent davantage au profil A :
• La nécessité d’un Soutien intensif est détectée, à l’inscription ou durant l’année scolaire, par les représentants légaux de l’élève ou les enseignants.
• Une demande écrite de Soutien intensif est adressée au coordinateur du soutien par les enseignants ou les représentants légaux de l’élève.
• Le coordinateur du soutien contacte les représentants légaux de l’élève et demande la constitution d’un dossier (tel que précisé ci-dessus) afin qu’une réunion du Groupe-conseil de soutien puisse être organisée.
• Le Groupe-conseil de soutien se réunit pour discuter comment rencontrer au mieux les besoins de l’élève et conseiller le Directeur sur les dispositions à mettre en place.
• Les réunions du Groupe-conseil de soutien sont présidées soit par le Directeur soit par son délégué.
• Le coordinateur du soutien établit le procès-verbal du Groupe-conseil de soutien et la Convention de Soutien intensif à faire signer par le Directeur et les représentants légaux de l’élève.
• Après la signature de la Convention de Soutien intensif, le coordinateur du soutien organise le Soutien intensif, voire les autres mesures qui s’imposent.
• Un PAI est rédigé par le(s) enseignant(s) de soutien en concertation avec l’enseignant principal ou de matière et/ou le coordinateur du soutien.
• La Convention de Soutien intensif est valable pour une année scolaire seulement et une réunion plénière du Groupe-conseil de soutien doit se tenir chaque année pour commencer, reconduire ou arrêter le soutien intensif.
• Si nécessaire, le Groupe-conseil de soutien peut se tenir à tout moment durant l’année scolaire, en formation plénière ou restreinte, afin d’évaluer et/ou amender la Convention de Soutien intensif.
• Lorsque l’école n’est pas en mesure de dispenser une éducation appropriée à un enfant, elle peut se déclarer incapable de rencontrer ses besoins.
• Dans ce cas, le Directeur prend une décision définitive compte tenu de l’avis du Groupe-Conseil de soutien. »
16. Il résulte notamment de ces dispositions que la procédure retenue pour répondre aux besoins de soutien intensif de l’élève concerné vise à obtenir, à l’occasion des discussions organisées au sein du Groupe-Conseil, un accord entre les enseignants et les représentants légaux de l’enfant sur les objectifs et les modalités des dispositions à mettre alors en place, un tel accord devant être formalisé dans une Convention de soutien intensif signée par ces derniers et le directeur de l’école. Les enseignants procèdent ensuite à la rédaction du PAI.
17.
Par ailleurs, selon l’article 4.5 de l’Offre de soutien éducatif, intitulé « Procédure
de recours » :
« Si une demande d’inscription ou d’intégration est rejetée, un recours peut être introduit auprès du Secrétaire général des Écoles européennes dans les quinze jours calendrier de la notification de la décision. Le Secrétaire général prendra une décision dans le mois suivant la réception du recours. En cas de désaccord avec la décision du Secrétaire général, un recours contentieux peut être introduit auprès du Président de la Chambre de recours, dans les conditions fixées au chapitre XI du Règlement général des Écoles européennes. ».
Sur la recevabilité du recours et la compétence de la Chambre de recours,
(...)
20. Il ressort donc clairement de l’ensemble de ces stipulations que la compétence de la Chambre de recours est une compétence d’attribution qui est strictement limitée aux litiges qu’elles mentionnent et qui ne peut s’exercer que dans les conditions et selon les modalités déterminées par les textes d’application (voir, notamment, les décisions de la Chambre de recours du 15 septembre 2005, recours 05/04 ; du 28 juin 2013, recours 13/10 ; du 8 avril 2019, recours 18/54 ; du 31 octobre 2019, recours 19/57).
21. Cela étant, il doit être rappelé également que, depuis son arrêt du 22 juillet 2010 rendu sur le recours 10/02, la Chambre de recours considère qu'il y a lieu de déterminer la portée exacte de la décision attaquée et de vérifier si son incompétence pour annuler cette décision en raison de l’absence de voies de recours prévues par les textes d’application de la Convention portant statut des écoles européennes serait de nature à porter atteinte au principe du droit à un recours effectif.
22. En effet, le droit à une protection juridictionnelle effective est non seulement admis par la Convention portant statut des écoles européennes, mais il figure aussi au nombre des droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au nombre des principes généraux du droit de l’Union européenne (voir, par exemple, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 13 mars 2007, Unibet, C-432/05, Rec. p. I-2271, point 73).
23. Ainsi la Chambre de recours a-t-elle estimé dans sa décision 15/38 du 11 février 2016 (point 12) qu’une décision qui affecte profondément le lien fondamental entre l’école et l’élève et son droit à l’éducation reconnu par l’article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, peut être soumise à un contrôle judiciaire par application des principes applicables dans un Etat de droit (cf. Article 47 de la même Charte).
24. Toutefois, dans la présente affaire, la Chambre de recours ne peut que constater que les actes règlementaires précités relatifs au soutien éducatif dans les Ecoles européennes n’organisent aucune voie de recours contre des actes tels que celui qui est attaqué par la requérante, et, qu’en outre, cet acte ne peut pas être regardé comme affectant profondément le lien fondamental entre l’école et l’élève.
25. En effet, d’une part, dans le recours administratif dont elle a saisi le SGEE, la requérante a entendu contester la décision implicite par laquelle, selon elle, le Directeur de l’EEL II a approuvé le PAI établi à la suite de la réunion du Groupe-Conseil de soutien du 20 novembre 2019. A supposer même qu’une telle approbation puisse être considérée comme étant effectivement intervenue, un acte de cette nature a, dans les circonstances de l’espèce, seulement pour objet de mettre en place des mesures de soutien éducatif dont l’enfant concerné continue à avoir besoin, alors même que ses représentants légaux et les enseignants n’ont pas pu encore formaliser dans une Convention leur accord sur les objectifs et les modalités de ce soutien. Il ne s’agit, en aucun cas, d’une décision de rejet d’une demande de soutien ou d’intégration, au sens de l’article 4.5 de l’Offre de soutien éducatif, précité, et qui seule est susceptible de recours en vertu de cette disposition.
26. D’autre part, en l’absence, en l’espèce, de l’accord visé par les dispositions de l’article 4.4.3. de l’Offre de soutien éducatif dans les conditions rappelées au point 20 ci-dessus, et faute donc de la signature d’une Convention de soutien intensif pour l’année scolaire 2019-2020, quelles qu’en soient les causes, il ne saurait être contesté qu’il était « au mieux » des intérêts de l’enfant que celle-ci continue cependant à bénéficier, comme pour les années scolaires précédentes, de mesures de soutien éducatif.
27. Si de telles mesures ont été formalisées par les enseignants dans un document qualifié de « PAI », ce document ne peut pas cependant se substituer au PAI qui n’est prévu, en vertu des dispositions précitées de l’article 4.4.3. de l’Offre de soutien, qu’après l’intervention de la signature d’une Convention de soutien intensif. Dès lors, le document comportant les mesures de soutien proposées par les enseignants et contestées par la requérante ne peut être regardé que comme un document provisoire établi dans l’attente de trouver avec les représentants légaux de l’élève, un accord sur les objectifs et les modalités des mesures à mettre en place pour « rencontrer au mieux les besoins de l’élève ».
Au demeurant, il est constant que la requérante n’avait pas pu fournir en temps utile le rapport pluridisciplinaire dont aurait dû disposer le Groupe-Conseil de soutien lors de sa réunion du 20 novembre 2019 pour définir ces objectifs.
28. Certes, selon les appréciations portées par la requérante, le PAI qu’elle conteste ne correspondrait ni à ses attentes ni aux aptitudes de sa fille. Toutefois, sans remettre en cause le légitime souci de la requérante de voir sa fille bénéficier d’un soutien répondant au mieux, selon elle, à ses besoins, la Chambre de recours doit relever que [...] malgré le désaccord de la requérante sur le projet de soutien qui a été examiné lors de la réunion du Groupe-Conseil de soutien du 20 novembre 2019, continue à bénéficier d’un soutien qui, selon les enseignants, répond à ces besoins. Il ne résulte à cet égard ni des arguments de la requérante, ni des éléments du dossier que les aménagements retenus dans le PAI contesté équivaudraient en réalité à une absence de soutien.
29. Dans ces conditions, le maintien d’un PAI comme celui qui est contesté en l’espèce doit être considéré, en l’état, comme préservant le lien entre l’enfant et son école, dans l’attente d’une meilleure solution qui reste encore à trouver entre les parties concernées et à concrétiser dans une nouvelle Convention de soutien. D’ailleurs, dans leurs observations en défense (point 16), les Ecoles européennes précisent que la procédure d’adoption des mesures de soutien doit encore suivre son cours.
30. Dès lors, l’acte par lequel Directeur a, selon la requérante, entériné ce PAI ne peut pas, dans les circonstances de l’espèce, être regardé comme affectant le lien fondamental entre l’élève et son école, et son droit à l’éducation.
31. De tout ce qui précède la Chambre de recours considère que le PAI contesté en l’espèce n'est pas au nombre des décisions qui sont susceptibles de faire l'objet d'un recours administratif, au sens de l'article 66 du Règlement général des Ecoles européennes, et ensuite d'un recours contentieux, au sens de l'article 67 du même Règlement. Et l’incompétence de la Chambre de recours pour en prononcer l’annulation ne porte pas atteinte, eu égard à la portée de cet acte, en l’espèce, au droit au recours effectif de la requérante.
32. Le présent recours ne peut, dès lors, qu’être rejeté.