BDCREE

Complaints Board of the European Schools

Decision Number: 19/57


Decision Date: 31.10.2019


Keywords

  • jurisdiction of the Complaints Board (ratione materiae)
  • appeal procedures and deadlines
  • right to effective legal redress
  • summary proceedings (suspension of enforcement and other interim measures)

Full Text

  • EN: The English version doesn’t exist
  • FR: Cliquer ici
  • DE: Die deutsche Version existiert nich

Abstract

La présente décision concerne les recours enregistrés sous les n° 19/57R et 19/57.

Appréciation du président de la Chambre de recours
A. Quant au recours en annulation
Sur la compétence ratione materiae de la Chambre de recours,

9. La Chambre de recours est manifestement incompétente pour connaître du présent recours en annulation, de sorte que conformément à l’article 32 de son Règlement de procédure, il peut être « statué, sans poursuivre la procédure, par voie d’ordonnance motivée prise par le président ou le rapporteur désigné par lui ».

10. Il doit être rappelé tout d’abord que la compétence de la Chambre de recours ne peut s'exercer, conformément à l'article 27.2 de la Convention portant statut des Ecoles européennes, que dans les conditions et selon les modalités déterminées par le Règlement général des Ecoles européennes.
(...)
De cet article, il convient de retenir les principes suivants (voir décision de la Chambre du 8 avril 2019, sur recours 18/54) :
1) la Chambre de recours ne dispose que de la compétence que lui a attribué ladite Convention, cette compétence étant strictement limitée aux litiges qu’elle mentionne (voir décisions de la Chambre de recours du 15 septembre 2005 (recours 05/04) et du 28 juin 2013 (recours 13/10) notamment) ;
2) cette compétence ne peut s’exercer que dans les conditions et selon les modalités déterminées par les textes d’application auxquels ladite Convention renvoie ;
3) la mission de la Chambre de recours consiste à contrôler la légalité d’un acte administratif faisant grief pris par l’un des organes décisionnels, ce qui exige l’existence d’un tel acte - après épuisement de la voie administrative.
Il ressort clairement de l’ensemble de ces stipulations que la compétence de la Chambre de recours est une compétence d’attribution qui est strictement limitée aux litiges qu’elles mentionnent et qui ne peut s’exercer que dans les conditions et selon les modalités déterminées par les textes d’application.
La notion de compétence de pleine juridiction, propre aux litiges à caractère pécuniaire – absent en l’espèce -, signifie simplement que, lorsqu’elle est compétente pour statuer sur de tels litiges, la Chambre de recours n’a pas seulement le pouvoir d’annuler l’acte attaqué mais également celui de le réformer ou d’ordonner d’autres mesures telles que la condamnation de la partie défenderesse à indemniser la partie requérante.

11. Les requérants font valoir qu’en vertu du principe du droit au recours effectif, un recours, administratif et contentieux ensuite, doit être ouvert dès lors que la décision attaquée « rompt le lien fondamental entre l’élève et l’une des écoles européennes ».
Depuis son arrêt du 22 juillet 2010 rendu sur le recours 10/02, la Chambre de recours admet en effet qu'il y a lieu de déterminer la portée exacte de la décision attaquée et de vérifier si son incompétence pour annuler cette décision en raison de l’absence de voies de recours prévues par les textes d’application de la Convention serait de nature à porter atteinte au principe du droit à un recours effectif.
Le droit à une protection juridictionnelle effective est, en effet, non seulement admis par la Convention portant statut des écoles européennes, mais il figure aussi au nombre des droits fondamentaux reconnus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au nombre des principes généraux du droit de l’Union européenne (voir, par exemple, l’arrêt de la Cour de justice du 13 mars 2007, Unibet, C-432/05, Rec. p. I-2271, point 73).
Ainsi la Chambre de recours a-t-elle estimé dans sa décision 15/38 du 11 février 2016 (point 12) qu’une décision qui affecte profondément le lien fondamental entre l’école et l’élève et son droit à l’éducation reconnu par l’article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, peut être soumise à un contrôle judiciaire par application des principes applicables dans un Etat de droit (cf. Article 47 de la même Charte).
Dans sa décision du 8 avril 2019 (recours 18/54), la Chambre a pourtant précisé que le droit à une protection juridictionnelle effective - qui est certes reconnu par la Convention portant statut des Ecoles européennes dont le quatrième considérant mentionne « qu’il convient d’assurer une protection juridictionnelle adéquate contre les actes du Conseil supérieur ou des conseils d’administration au personnel enseignant ainsi qu’à d’autres personnes visées par la convention « (voir décision de la Chambre de recours du 22 août 2013 (recours 13/51) - ne peut toutefois pas faire obstacle à l’application des règles relatives aux voies et modalités de recours telles qu’elles sont organisées par les actes règlementaires et qui s’imposent tant aux parties qu’à la Chambre de recours.
Or, non seulement les actes règlementaires n’organisent aucune voie de recours contre des actes tels que celui attaqué par le présent recours, mais en outre cet acte n’appartient manifestement pas à la catégorie des décisions affectant profondément le lien fondamental entre l’école et l’élève.
Force est en effet de constater que contrairement à ce que les requérants prétendent, le lien fondamental entre [...] et l’Ecole n’est pas rompu : tout au plus, manque-t-elle actuellement 4 heures de cours par semaine et ce, non pas suite à une décision de l’Ecole, mais de par sa seule initiative et/ou celle de ses parents.
On peut conclure de tout ce qui précède que la décision d’un directeur portant refus d’un changement de groupe (classe) n'est pas au nombre de celles qui sont susceptibles de faire l'objet d'un recours administratif, comme l’a apprecié la décision du Secrétaire général, au sens de l'article 66 dudit Règlement général, et ensuite d'un recours contentieux, au sens de l'article 67 du même Règlement.

12. Il doit ensuite être souligné que le droit à l’éducation (le droit fondamental des parents de choisir librement le système éducatif qu’ils considèrent le plus adapté pour leurs enfants) comprend le droit des parents à garantir l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques (article 14.3 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne) mais ne comprend pas le droit de maîtriser les questions relatives à l’organisation interne de l’école choisie ou le droit de s’opposer à des changements ou des adaptations nécessaires pour permettre à l’école d’accomplir d’une façon plus efficace les objectifs qui sont à l’origine de sa création, même si ces parents ont un droit d’intervention, par les voies prévues par les dispositions qui règlent l’organisation des Ecoles européennes.
Une fois le système éducatif choisi, l’inscription de l’enfant entraîne acceptation de ce système par les parents, ainsi que les éventuels changements dans son organisation et son fonctionnement, justifiés par les circonstances et les besoins de l’établissement en question (voir décisions de la Chambre de recours du 10 décembre 2012, recours 12/60, point 8 et du 12 avril 2019, recours 19/02, point 8).
Selon la jurisprudence de cette Chambre, le droit à l'éducation n'inclut pas le droit de définir des questions relatives à l'organisation interne de l'école.
Ainsi, en s'inscrivant dans une école, l'élève – et ses parents - s'engage à suivre tous les cours organisés par cette école et à accepter le choix des professeurs et la méthodologie d'apprentissage établie par les autorités scolaires compétentes.
En effet, l’article 28 du Règlement général des Ecoles européennes prévoit que « En demandant au directeur ou à l’Autorité centrale des inscriptions des Ecoles européennes de Bruxelles l’inscription d’un élève, l’élève et ses représentants légaux s’engagent à respecter les Règlements pris en exécution de la Convention portant Statut des Ecoles européennes ».
Et l’article 30.1. du Règlement général des Ecoles européennes dispose quant à lui que :
« a) L’inscription d’un élève à l’école implique le droit et l’obligation de participer à tous les enseignements figurant au programme et de s’acquitter du travail prescrit. (…)
b) La participation à tous les enseignements consiste à fréquenter régulièrement et ponctuellement les classes selon un calendrier scolaire et selon un emploi du temps communiqués à l’élève au début de l’année.
c) La participation de l’élève au cours est nécessaire pour assurer son développement et permettre à l’enseignant d’établir une évaluation complète et précise
».

13. C’est donc à bon droit que la Direction de l’EEB I a refusé le changement de groupe sollicité au motif qu’[...] – ou ses parents - n’approuverait pas la méthode d’enseignement ou d’évaluation du professeur [T].
La Chambre de recours rappelle à cet égard qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur la légalité de décisions de nature purement pédagogiques, prises par la Direction de l’Ecole quant au choix des méthodes, les modalités de mise en place et/ou d’évaluation des élèves
.

14. Il résulte de tοut ce qui précède que le recours doit être, en tout état de cause, rejeté comme étant irrecevable, sans qu’il soit besoin d’aborder le fond du recours.
On peut relever à cet égard que, bien qu’ayant rejeté le recours administratif des requérants comme étant irrecevable, le Secrétaire général des Ecoles européennes a pris la peine, dans un souci louable d’information à l’adresse des requérants et de leur fille, élève des Ecoles européennes, de répondre aux arguments de fond exposés dans le recours administratif.
Ainsi, comme la Chambre de recours l’a déclaré à plusieurs reprises, a-t-il été relevé que des documents ou attestations datés postérieurement à la décision attaquée ne peuvent avoir d'incidence sur la légalité de celle-ci, qui s'apprécie à la date à laquelle elle est prise, ce qui aurait ainsi déterminé le rejet du recours au fond.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le recours principal, enregistré sous le n° 19-57, ne peut qu’être rejeté comme manifestement irrecevable.

B. Quant à la demande de mesures provisoires
16. Il résulte des articles 16, 34 et 35 du Règlement de procédure de la Chambre de recours qu’une demande de sursis à exécution ou d’autres mesures provisoires ne peut être présentée qu’accessoirement à un recours principal, même si cette présentation doit être faite par un recours distinct.
Il s’ensuit qu’une demande en référé ne peut pas être admise si le recours principal est lui-même rejeté comme irrecevable ou non fondé.
Par conséquent, en raison du rejet du recours principal comme étant irrecevable et non fondé, le recours en référé, enregistré sous le n° 19-57 R, doit également être rejeté (voir ordonnance du 12.12.2009, recours 09-44R).