BDCREE

Complaints Board of the European Schools

Decision Number: 19/51


Decision Date: 24.10.2019


Keywords

  • change of Language 1
  • appraisal of pedagogical skills
  • equal treatment
  • manifest error

Full Text

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Abstract

Appréciation de la Chambre de recours
8. Il convient de rappeler que, selon article 47 e) du RGEE :
« Un principe fondamental des Ecoles européennes est l’enseignement de la langue maternelle/langue dominante en tant que première langue (L1). Ce principe implique l’inscription de l’élève dans la section de sa langue maternelle/langue dominante là où cette section existe. (….) La détermination de la première langue (L1) n’est pas laissée au libre choix des parents mais incombe au Directeur de l’école. La L1 doit correspondre à la langue maternelle ou dominante de l’enfant, la langue dominante étant, dans le cas des élèves multilingues, celle qu’ils maîtrisent le mieux. S’il existe une contestation concernant la L1 de l’élève, il appartient au Directeur de déterminer celle-ci sur la base des informations fournies par les représentants légaux de l’élève dans le formulaire d’inscription et en faisant passer à l’élève des tests comparatifs de langues organisés et contrôlés par les professeurs de l’Ecole. Les tests sont organisés quels que soient l’âge et le niveau de l’élève, c’est-à-dire y compris au cycle maternel.
La détermination de la L1 au moment de l’inscription de l’élève est en principe définitive.
Un changement de L1 ne peut être autorisé par le Directeur que pour des motifs pédagogiques impérieux, dûment constatés par le Conseil de classe et à l’initiative de l’un de ses membres (…)
».
Conformément à la jurisprudence constante de la Chambre de recours, il se déduit clairement de ces dispositions que le choix de la section linguistique n'appartient pas aux seuls parents mais doit résulter d'une appréciation pédagogique de l'école réalisée dans l'intérêt de l'enfant, au vu des informations fournies par ses parents. L’appréciation pédagogique en question appartient aux enseignants, auxquels ni le SGEE ni la Chambre de recours ne peuvent se substituer, sauf erreur manifeste d’appréciation ou violation des règles de procédure. Un changement de L1 ne peut être autorisé par le Directeur que pour des motifs pédagogiques impérieux, dûment constatés par le Conseil de classe et à l’initiative d’un de ses membres (voir par exemple, décision 18/08 du 28/08/2018).

9. Si aucune disposition du RGEE ne prévoit de procédure permettant aux représentants légaux de l’élève de contester une telle décision du Directeur rejetant une demande de changement de section linguistique, il ressort de la jurisprudence de la Chambre de recours que le droit des intéressés à disposer d’une protection juridictionnelle effective, leur ouvre néanmoins la possibilité de contester cette décision dans des conditions qui ressortent de l’application par analogie des dispositions de l’article 50 bis du RGEE (décisions du 22 juillet 2010, rendue sur le recours 10/02 et du 29 août 2019 rendue sur le recours 19-35).

Sur le moyen tiré du caractère erroné en fait et en droit de la motivation de la décision attaquée,
11. Conformément à une jurisprudence établie, tant dans l’ordre juridique communautaire que dans celui de nombre d’Etats membres, la motivation des décisions individuelles doit contenir les considérations de droit et de fait permettant aux intéressés d’apprécier si elles sont ou non fondées et le respect de cette obligation doit être contrôlé en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte attaqué, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt des destinataires à recevoir des explications (décision 07/44 du 16/11/2007, point 13).
A cet égard, il doit être constaté que, par sa décision du 7 août 2019, en réponse au recours administratif présenté par le conseil des requérants, le SGEE a écarté chacun des moyens dirigés contre la décision du Directeur de l’EEB I du 2 juillet 2019, en exposant le contexte dans lequel était intervenue cette décision, ainsi que les considérations de fait et de droit, en particulier celles qui ressortent de l’article 47 e) du RGEE, justifiant que, selon lui, ladite décision devait être confirmée et le recours administratif en conséquence rejeté.

12. Quant à la question de savoir si cette motivation repose sur une erreur de fait et de droit en ce qu’elle indique que la demande des requérants de changement de section linguistique pour leurs enfants avait été acceptée, en 2014, pour des motifs pédagogiques impérieux et non en application de la décision de la Cour d’appel de Bruxelles du 29 août 2014 qui n’aurait pas de caractère opposable aux Ecoles européennes, il doit être constaté qu’elle a trait à un élément de la décision attaquée qui ne constitue pas, en tant que tel, le support nécessaire à l’appréciation que devait porter le SGEE sur le bien-fondé de la décision du Directeur de l’EEB I.
En effet, les circonstances dans lesquelles les enfants des requérants, bien que de langue maternelle hongroise, ont rejoint la section francophone de l’EEB I en 2014, sans que ce changement n’ait été remis en cause par les requérants pendant les quatre années suivantes, sont sans incidence sur l’appréciation que devaient porter le Conseil de classe, puis le Directeur, et le SGEE, sur les motifs pédagogiques impérieux qui justifieraient, en 2019, un changement de section linguistique pour [M]. Dès lors, est, en tout état de cause, inopérant le moyen des requérants en ce qu’il se rapporte à ces circonstances.

Sur le moyen tiré de la violation du principe d’égalité,
13.(...)
D’autre part, les Ecoles européennes doivent tenir compte de l’intérêt supérieur de chaque élève, y compris de son développement académique, en veillant qu’il soit éduqué dans une langue qu’il maîtrise suffisamment pour pouvoir suivre les programmes scolaires avec fruit. Ainsi, on peut avoir dans une même fratrie des enfants scolarisés dans des sections linguistiques différentes, en raison de leurs situations et parcours pédagogiques objectivement différents (voir décision 18/27 du 20 août 2018, point 8).

14. Il résulte des considérations qui précèdent que la circonstance que les deux enfants des requérants se trouvent dans des sections linguistiques différentes ne suffit pas, à elle seule, à établir le caractère discriminatoire de cette situation. Par ailleurs, le fait qu’ils pratiquent le hongrois, avec la même fréquence, au même domicile, dans leur relation avec leur mère et dans leur propre relation, n’implique pas que le développement académique de chacun d’eux soit nécessairement comparable.
Et dès lors que, comme il a été rappelé ci-dessus, les Ecoles européennes doivent tenir compte de l’intérêt supérieur de chaque élève, il ne saurait être reproché au Conseil de classe d’avoir estimé que celui de [M] justifiait qu’il poursuive sa scolarité dans la section linguistique francophone, quand bien même son frère est affecté dans une autre section linguistique. Au demeurant, les différences d’âge, d’avancement dans le cursus scolaire et les difficultés scolaires propres à [M] suffisent à confirmer que les deux frères ne se trouvent pas objectivement dans une situation académique comparable. A cet égard, il est constant que, contrairement à ce qu’il en a été pour [M], les tests de hongrois auxquels [E] a été soumis avant son changement de section linguistique, ont été très positifs. Pour tous ces motifs, la situation des deux frères a pu, dès lors, faire l’objet légalement d’un traitement différencié.

Sur le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation,
15. Les requérants soutiennent que le refus de changement de section linguistique est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce qu’il ne tient pas compte des troubles d’ordre médical dont souffre [M] et qui nécessitent, sauf à violer le « principe du raisonnable », qu’il change de section linguistique pour mieux combattre ces troubles.
Il résulte cependant de l’instruction que les affections dont souffre [M] et dont les incidences sur sa scolarité ont conduit à le faire bénéficier d’un accompagnement spécialisé suivi par le « Groupe conseil » au sein de l’EEB I, étaient, ainsi, connues des enseignants. Dans ces circonstances, et en l’absence de tout autre élément contraire pertinent, il n’apparaît pas que l’appréciation portée par ces enseignants n’aurait pas tenu compte de cette situation lors de l’évaluation de l’aptitude de l’élève à poursuivre avec fruit sa scolarité dans la section linguistique hongroise.
C’est d’ailleurs au sein du « Groupe conseil » qu’il a été décidé de soumettre [M] à un test de hongrois, et cela donc en toute connaissance de ses troubles et de sa capacité, malgré ceux-ci, de subir un tel test. S’agissant de cette mesure préparatoire à la décision du Conseil de classe et du Directeur se prononçant sur une demande de changement de section linguistique, elle ne saurait être confondue avec les tests comparatifs de langues visés à l’article 47 e) du RGEE, organisés au moment de l’inscription des élèves dans les Ecoles européennes.

16. Par ailleurs, il convient de rappeler que l’évaluation de l’aptitude de [M] à poursuivre avec fruit sa scolarité dans la section linguistique hongroise repose en l’espèce uniquement sur une appréciation purement pédagogique portée par les enseignants, auxquels il n’appartient pas à la Chambre de recours de se substituer. Cette appréciation ne saurait par ailleurs être remise en cause au vu de rapports d’évaluation établis en dehors des Ecoles européennes.

17. En outre, il n’est pas allégué de l’existence d’un fait nouveau dans la situation médicale de [M] qui serait survenu postérieurement à la réunion du Conseil de classe.

18. Dans ces conditions, et tout en admettant la légitimité de la préoccupation des requérants de voir leur fils surmonter les difficultés scolaires rencontrées, la Chambre de recours ne peut que constater qu’il n’est pas établi que le refus de changement de section linguistique serait, dans les circonstances de l’espèce, entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
Pour toutes ces raisons, il y a lieu de conclure que le recours n’est pas fondé et qu’il doit être rejeté.