Abstract
Appréciation de la Chambre de recours
Sur la recevabilité,
14. Les Ecoles européennes soutiennent que le recours est irrecevable en invoquant la décision du 16 novembre 2017 de la Chambre de recours (recours 17/33) ; idem par sa décision du 26 septembre 2016 (recours 16/44) ayant jugé que pour justifier d’un intérêt à agir né et actuel, les candidats au Baccalauréat doivent soit ne pas avoir obtenu ce diplôme soit n’avoir pas pu s’inscrire à l’université de leur choix en raison des notes obtenues aux examens, ce qui ne serait pas le cas de la requérante ayant eu des résultats particulièrement brillants à ses examens.
15. (...)
Or, ainsi que le soutient à juste titre la requérante, toute personne faisant l’objet d’un acte lui faisant grief - dont une sanction de nature de celle infligée en l’espèce - est recevable à le contester (décision de la Chambre de recours du 26 août 2016 (recours 16/26). Voir aussi décisions de la Cour de justice de l’Union européenne du 13 février 1979, Hoffmann Laroche/Commission et du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne du 11 septembre 2008, Bug van F-51/07).
En effet, le droit à une protection juridictionnelle effective, reconnu par la Convention portant statut des Ecoles européennes (4ème considérant) constitue un droit fondamental reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (article 13) ainsi qu’un principe général du droit de l’Union européenne (décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 13 mars 2007 Unibat, C-432/05) (Voir aussi décisions de la Chambre de recours du 22 juillet 2010 (recours 10/02 ), du 1er septembre 2016 (recours 16/14 ), du 11 février 2016 (recours 15/38 ), du 28 août 2012 (recours 12/35 ) et du 25 janvier 2017 (recours 16/58 ).
Par conséquent, le recours de la requérante, dans la mesure où il vise à obtenir l’annulation de la décision lui ayant infligé la sanction litigieuse, doit être déclaré recevable.
En revanche, les conclusions visant à ce que la Chambre de recours lui attribue la note initialement obtenue à l’examen oral de L1, réduise elle-même la sanction qui lui a été infligée ou encore ordonne qu’elle puisse repasser un nouvel examen oral en L1 doivent être rejetées comme irrecevables faute, pour la Chambre de recours, de disposer du pouvoir d’injonction envers les Ecoles européennes.
Sur le fond,
16. (...)
A cet égard, il faut rappeler qu’effectivement la Chambre de recours est garante du respect des droits de la défense dans toute procédure à charge d’une personne, susceptible de déboucher sur un acte qui lui porte atteinte et ceci même en l’absence d’une réglementation spécifique concernant la procédure en question, dans la mesure où ce droit constitue un principe fondamental du droit de l’Union (décisions de la Chambre de recours du 24 septembre 2014 (recours 14/42) et du 11 février 2014 (recours 13/42).
En effet, ainsi que la Chambre de recours l’a également jugé dans sa décision précitée du 26 août 2016 (recours 16/26), les droits de la défense doivent être garantis dans toutes les procédures, tant de nature judiciaire qu’administrative, et le respect de ces droits s’impose même lorsque la règlementation applicable ne prévoit pas expressément une telle garantie (décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 27 novembre 2012, C-277/16).
17. Toutefois, la violation de ces droits doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque espèce, au regard notamment de la nature de l’acte mis en cause, du contexte de son adoption et des règles régissant la matière concernée (décision précitée de la Chambre de recours du 26 août 2016 (recours recours 16/26) et décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 18 juillet 2013, C-593/10 et C-595/10).
Notamment, une violation du droit d’être entendu n’entraîne l’annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent (décision précitée de la Chambre du 16 août 2016 (recours 16/16) et décisions de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 février 1990 France/Commission, C-301/87 et du 6 septembre 2012, Storck/Ottmi, C-96/11).
18. (...)
Il en résulte que le moyen tiré de la violation de ses droits de la défense ne peut pas être retenu et qu’il doit être rejeté.
Le rejet de ce moyen entraîne aussi le rejet des moyens complémentaires qui sont impliqués par la violation des droits de la défense, dont la violation de la présomption d’innocence, du principe de sécurité juridique, de bonne administration et celui de l’omission de l’administration de l’Ecole à rechercher et constater l’ensemble des faits de l’affaire.
19. La requérante invoque par ailleurs une violation du principe de proportionnalité en raison du caractère excessif de la sanction qui lui a été infligée. Elle invoque à ce sujet l’article 9.2 du Règlement du Baccalauréat qui prévoit qu’« En cas de fraude ou de tentative de fraude aux examens du Baccalauréat européen, le Président du jury, le Vice-Président qui le représente ou le Directeur du Centre d’examen de l’Ecole décideront des mesures à adopter. Ils sont habilités à attribuer la note de 0 (zéro) pour l’épreuve en question ».
Le Président du Jury, dans sa décision du 17 juillet 2019 qui rejette le recours administratif de la requérante, a considéré que la sanction infligée était la sanction la plus légère possible et qu’elle pouvait être réduite.
Force est donc de constater que le Président du Jury a tiré de la lettre de l’article 9.2 précité la conclusion que cette sanction précise (0 sur 10) devait être infligée en tout état de cause en présence d’une tentative de fraude, comme s’il était en situation, pour ce faire, de compétence liée.
Or une telle interprétation de la disposition en question est le résultat d’uneerreur de droit.
En effet, il faut constater, d’une part, que cette disposition prévoit que «En cas de (…) tentative de fraude, (…) le président du Jury, le Vice-Président qui le représente ou le Directeur du centre d’examen de l’Ecole décideront de mesures à adopter », ce qui indique l’attribution d’un pouvoir d’appréciation pour l’adoption de la sanction, et c’est la raison pour laquelle d’ailleurs le Manuel du Baccalauréat prévient les candidats, en page 26, qu’en cas de tricherie ou de tentative de tricherie ils « risquent » de se voir infliger une note nulle (0) et qu’ils s’exposent à d’autres mesures disciplinaires.
D’autre part, l’attribution de la note 0 ne peut pas avoir un caractère obligatoire dans la mesure où les Ecoles européennes sont seulement habilitées à adopter cette mesure, et non pas obligées de l’adopter. L’habilitation confère en effet un pouvoir discrétionnaire d’appréciation, ce qui ne constitue pas une obligation quant à la question de savoir quelle mesure adopter, de sorte que l’adoption de la sanction d’une note de 0 sur 10 est visiblement comprise dans une gamme de mesures à être décidées par les responsables et non pas la sanction minimale à infliger, par ailleurs obligatoirement, en cas de fraude ou de tentative de fraude.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la décision d’attribution de la note de 0 sur 10 à la requérante a été adoptée suite à une erreur de droit dans la mesure où elle a été considérée par l’autorité administrative comme la sanction minimale obligatoire en cas de tentative de fraude ; elle doit par conséquent être annulée ainsi que la décision attaquée du Président du Jury du 17 juillet 2019, ce qui entraine aussi l’annulation de la décision du Secrétaire général des Ecoles européennes du 5 juillet 2019 en tant qu’il a décerné le Baccalauréat européen à la requérante avec une note finale de 8.16 points sur 10 en L1.