Abstract
8. A propos de cette disposition [article 47 e) du Règlement général], la Chambre de recours a déjà eu l’occasion de préciser qu’elle impliquait :
a) qu'il appartient aux Ecoles européennes de déterminer, en suivant la procédure prescrite, la section linguistique appropriée à l'enfant dont l'inscription est demandée ;
b) que le Règlement général ne reconnaît pas le droit des parents à ce que leur enfant soit admis dans la section linguistique de leur choix, car cette décision appartient à l’Ecole qui doit admettre l’enfant dans la section qui convient (décisions du 14 juillet 2011, recours 11/05 et 11/08 et du 3 août 2012, recours 12/23) ;
c) que l’article 47 litera e) du RG prévoit que la Langue I est déterminée au moment de l’inscription de l’élève et qu’elle est en principe définitive et valable pour tout le cursus scolaire ;
d) qu’un changement de Langue I n’est possible « qu’exceptionnellement, dans les conditions de l’article 47 litera e) §7 du RG, càd « pour des motifs pédagogiques impérieux, dûment constatés par le conseil de classe et à l’initiative de l’un de ses membres » Par cette formulation (« motifs pédagogiques impérieux »), le RG exige plus que la seule existence de motifs ou d’aspects pédagogiques : les motifs doivent faire apparaître le changement de langue comme indispensable ou fondamentalement nécessaire au développement pédagogique de l’enfant » (décision du 15 décembre 2015, recours 15/47).
9. En l'espèce, suite au désaccord manifesté par les requérants quant à la décision de ne pas admettre leur enfant en section de langue anglaise, un conseil de classe a eu lieu ; ses professeurs d’anglais et de lituanien ont considéré que [...] a encore besoin du soutien SWALS pour l’anglais (« He still needs the SWALS support for English ») et qu’il a un très bon niveau écrit et oral en lituanien (« [...] has a very good level of writing and reading skills in Lithuanian language »). Sur base de ces appréciations des professeurs d’anglais et de lituanien, le conseil de classe a déterminé que la langue dominante de [...] était bien le lituanien et a rejeté le changement de L1 Lituanien vers l’Anglais (Procès- verbal du conseil de classe du 22 juin 2015, pièce 4 du dossier).
10. Les requérants contestent cette conclusion et doutent même que le conseil de classe ait eu lieu ; cette allégation n’a pas été prouvée et, même s’il est vrai qu’ils n’ont eu connaissance du procès-verbal de cette réunion qu’à l’occasion de ce recours, il n’en reste pas moins vrai qu’ils ont pu contester les conclusions du conseil, sa composition et les manifestations des enseignants qui y ont intervenu et qui figurent comme des destinataires en copie du mail adressé le jour suivant au conseil par le directeur adjoint de l’Ecole, Mme Malik, à la requérante, ainsi que la conclusion sur la langue dominante, dans le recours administratif et dans le présent recours.
11. Le principe d’égalité de traitement est un des principes fondamentaux du droit européen. Ce principe veut que les situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée. L’invocation de ce principe par les requérants se fonde sur la comparaison de la situation de [...] avec celle de sa sœur, dont le changement de section linguistique au début du cycle primaire a été accepté par la même Ecole de Varese, deux ans auparavant. Cette comparaison, acceptable du point de vue de l’organisation de la famille, ne saurait toutefois pas fonder une violation du principe d’égalité de traitement en l’espèce ; tout d’abord parce que la réglementation était différente au temps où l’une et l’autre décision ont été adoptées, l’article 47 du Règlement général ayant été modifié en 2014 ; ensuite parce que la décision prise pour [...] l’a été sans suivre la procédure – ce que ne contestent pas les requérants - et ne peut dès lors être invoquée comme précédent pour [...], le principe d’égalité de traitement exigeant que les deux situations à comparer soient légales ; enfin, et ce qui est le plus important, la détermination de la langue maternelle/dominante, comporte une appréciation pédagogique de chaque élève qui peut donc varier même entre les enfants d’une même fratrie ; la décision sur la section linguistique implique un examen au cas par cas, ce qui peut justifier des résultats différents, comme il résulte des éléments du dossier dans ce cas où clairement, le changement de section n’était pas justifié pour [...] selon les avis des enseignants anglais et lituaniens. La discrimination alléguée ne résulte pas non plus de la qualité de l’enseignement dispensé en lituanien, qui serait inférieur selon les requérants à celui dispensée dans d’autres langues, en raison du manque de qualification professionnelle du professeur recruté : les allégations des requérants ne sont pas accompagnées de preuves qui démontreraient leur exactitude et, en tout cas, le principe de l’article 47 du Règlement général, qui reconnaît à l’Ecole, et non pas aux parents, la compétence pour déterminer la section linguistique serait toujours d’application et obligerait l’Ecole à adopter les mesures nécessaires.
12. Ces allégations des requérants quant à la qualification du professeur de lituanien ne constituent pas non plus un motif pédagogique impérieux pouvant justifier le changement de section demandé ; les décisions relatives au recrutement des professeurs prises par la direction de l’Ecole, qui présument la capacité de l’enseignante pour remplir ses fonctions, n’ont pas été contestées pendant les quatre années où les enfants des requérants ont été successivement inscrits en maternelle ; ensuite, et comme il vient d’être dit, aucune preuve n’a été produite pour justifier la réalité de telles allégations sur cette absence de capacité ou de ses conséquences sur les enfants ; enfin, le fait de maintenir le lituanien comme L1 au lieu de l’anglais n’a pas d’effet sur l’enseignement de cette dernière langue (en tant que L2), car les deux langues sont enseignées pour le même nombre de périodes (39) de sorte que seul l’enseignement de la L3 est affecté par la détermination de la section linguistique. Il faut aussi relever, comme la Chambre l’a déclaré dan sa récente décision du 15 décembre 2015 (recours 15/47), que « la seule circonstance qu’un élève vit à présent dans un autre cercle linguistique et culturel, et qu’il fait usage quotidiennement de cette (nouvelle) langue en lieu et place de sa langue maternelle, ne suffit pas à faire apparaître des « motifs pédagogiques impérieux ».
13. Les défauts d’information sur la possibilité et les procédures pour demander le changement de section linguistiques, ou sur les voies de recours contre la décision querellée, ne sont pas de nature à rendre illégale la décision ; l’information la plus importante est contenu dans l’article 47 du Règlement général, reproduit dans le formulaire d’inscription connu par les parents qui l’ont signé et disponible sur le site des Ecoles européennes ; à leur demande, un conseil de classe s’est réuni où les professeurs des langues concernées, la directrice adjointe de l’Ecole (avec qui la mère a eu une réunion avant le conseil de classe) et un professeur de soutien pour les élèves SWALS ont examiné les performances linguistiques de l’élève et conclu que le lituanien est la langue dominante de [...] ; les parents ont contesté cette conclusion par la voie d’un recours administratif puis contentieux, sans que la défense de leur position ait été entravée ou limitée en raison des manquements allégués de la part de l’Ecole ou de ses enseignants ; enfin, l’absence d’information sur les voies de recours contre la décision de la Direction de l’Ecole n’a pas fait obstacle à la recevabilité du recours administratif devant le Secrétaire général, qui s’est limité à examiner le fond de l’affaire, sans soulever le moindre moyen d’irrecevabilité.
14. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, partiellement contestée par les Ecoles européennes, le présent recours est dépourvu de fondement en droit et ne peut, dès lors, qu'être rejeté.