Abstract
Sur la légalité des décisions attaquées,
En ce qui concerne la motivation formelle des décisions,
6. Conformément à une jurisprudence établie, tant dans l’ordre juridique de l'Union européenne que dans celui de nombre d’Etats membres, la motivation des décisions individuelles doit contenir les considérations de droit et de fait permettant aux intéressés d’apprécier si elles sont ou non fondées. C'est au vu de ces considérations que la Chambre de recours contrôle le respect de l'obligation de motivation dans le système juridique propre aux écoles européennes.
7. En l'espèce, les décisions de l'ACI dont les requérants contestent la légalité visent expressément les articles de la politique d'inscription dont il est fait application et exposent, en réponse aux arguments de droit et de fait soutenus à l'appui des demandes des intéressés, les raisons pour lesquelles ils ne peuvent être accueillis. Ces décisions contiennent donc les considérations de droit et de fait permettant de comprendre les raisons pour lesquelles les demandes des requérants ont été rejetées.
8. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation doit être rejeté.
En ce qui concerne la qualification juridique des circonstances particulières,
9. Aux termes de l'article V.5.4. de la politique d'inscription dans les écoles européennes de Bruxelles pour l'année scolaire 2015-2016 :
" Lorsque l’intérêt de l’élève l’exige, des circonstances particulières dûment justifiées et indépendantes de la volonté des demandeurs et/ou de l’enfant, peuvent être prises en considération pour octroyer un critère de priorité en vue de l’inscription ou du transfert de l’élève dans l’école de son choix. Si les circonstances particulières peuvent justifier l’inscription de l’élève dans plusieurs écoles, l’enfant est admis dans celle où la classe de la section linguistique et du niveau requis est la moins peuplée."
10. Les circonstances particulières invoquées par les requérants pour justifier les demandes de regroupement de fratrie à l'école européenne de Bruxelles I découlent de la présence de leur dernière fille dans cette école. Or, il est constant que celle-ci y a été inscrite l'an dernier à la demande de ses parents alors que ceux-ci étaient en droit de solliciter le regroupement de fratrie à l'école européenne de Bruxelles IV où étaient scolarisées leurs deux autres filles.
11. En estimant que de telles circonstances ne pouvaient pas être regardées comme indépendantes de la volonté des demandeurs, l'ACI n'a donc pas commis d'erreur dans la qualification juridique des faits.
12. Le moyen tiré d'une telle erreur ne peut, dès lors, qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité des dispositions pertinentes de la politique d'inscription,
13. Les requérants soutiennent, par voie d'exception, que certaines des dispositions de la politiques d'inscription dont il est fait application seraient entachées d'illégalité pour violation des principes d'égalité de traitement, de proportionnalité et de confiance légitime ainsi qu'en raison d'une erreur manifeste d'appréciation du Conseil supérieur.
14. Aucun des moyens soulevés à l'appui de cette exception d'illégalité ne peut être retenu.
15. En premier lieu, ainsi que l'a déjà relevé la Chambre de recours (voir, par exemple son arrêt du 10 août 2009 rendu sur le recours 09/18), les élèves déjà inscrits dans une école européenne ne se trouvent pas dans la même situation que ceux qui demandent leur inscription sans avoir encore fréquenté une telle école. Les règles limitant les transferts, qui n'intéressent par définition que les élèves déjà inscrits dans une école, ne peuvent, dès lors, être regardées comme contraires au principe d'égalité de traitement.
16. Pour la même raison, la distinction entre le groupement de fratrie, qui concerne l'ensemble de membres non scolarisés d'une fratrie, et le regroupement de fratrie, qui concerne les frères et d'élèves déjà scolarisés, ne peut être regardé comme discriminatoire.
17. En deuxième lieu, ainsi que l'a également relevé la Chambre de recours dans l'arrêt précité du 10 août 2009, de telles règles de limitation des transferts ne sont pas non plus contraires au principe de proportionnalité. Elles ne peuvent, en effet, être regardées comme disproportionnées au regard de l'objectif d'intérêt général qui vise à l'équilibre de la répartition de la population scolaire dans les écoles européennes de Bruxelles.
18. A cet égard, il convient de préciser que, si la Chambre de recours a été amenée, dans plusieurs décisions de ce jour (voir, par exemple, celle rendue sur le recours 15/23), à déclarer contraire au principe de proportionnalité la nouvelle règle de la politique d'inscription qui limite l'application du principe de groupement ou regroupement de fratrie aux seuls élèves fréquentant le même cycle scolaire, les décisions attaquées dans la présente instance ne sont nullement fondées sur cette nouvelle règle. L'illégalité de celle-ci est donc sans incidence sur la légalité desdites décisions.
19. En troisième lieu, les politiques d'inscription dans les écoles européennes de Bruxelles étant appelées à changer chaque année pour s'adapter aux circonstances nécessairement changeantes qui caractérisent l'évolution de la situation, notamment démographique, dans ces écoles, les élèves et les parents d'élèves ne pourraient se prévaloir d'une atteinte à leur confiance légitime qu'en cas de modification fondamentale et inattendue dans l'application de principes généralement retenus les années précédentes.
20. En l'espèce, la limitation des possibilités de transfert depuis l'école européenne de Bruxelles IV, qui n'existaient d'ailleurs auparavant que dans des conditions déjà très restrictives, ne peut être regardée ni comme fondamentale ni comme surprenante. Cette école est, en effet, connue pour être la seule à ne pas être atteinte par une surpopulation globale de ses effectifs et il est donc parfaitement justifié que soit évité autant que possible le départ de ses élèves vers des écoles qui sont surpeuplées.
21. Enfin, les considérations précédentes suffisent à écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commis le Conseil supérieur en prévoyant une telle limitation des transferts d'élèves. A cet égard, les requérants ne peuvent utilement invoquer l'atteinte au principe de regroupement de fratrie puisque, par définition, celui-ci n'intéresse, sauf dispositions spécifiques ou circonstances particulières inexistantes en l'espèce, que les enfants non encore scolarisés appelés à rejoindre leurs frères ou sœurs déjà scolarisés. Dans leur cas, en effet, tous les élèves concernés sont déjà scolarisés dans une école européenne.