Abstract
Sur le fond,
8. Quant au fond, il est à rappeler que l’article 56 du Statut du personnel détaché des Ecoles européennes prévoit que « les membres du personnel nommés, détachés ou affectés à l’Ecole par les gouvernements autres que celui du pays du siège de l’Ecole bénéficient d’une indemnité de dépaysement » et que ce même article exclut d’un tel bénéfice ceux qui, au moment de la nomination, du détachement ou de l’affectation dans une Ecole européenne, se trouvaient déjà au lieu où ladite école a son siège, sans y avoir été au service de leur gouvernement.
Il est utile de souligner le parallélisme de l’interprétation de cet article par la Chambre de recours et l’interprétation des juridictions de l’Union européenne de l’article 4 de l'annexe VII au Statut des fonctionnaires de l’Union européenne qui, bien que cet article ne contienne pas une réglementation exactement identique à celle du Statut du personnel détaché des Ecoles européennes, sert pour interpréter le concept dont il s’agit dans le sens que, tant la règle générale que l’exception doivent être interprétées à la lumière du but poursuivi par cette rétribution.
A cet égard, l’arrêt du Tribunal de la fonction publique du 15 mars 2011 (F-28/10) résume clairement l’ensemble de la jurisprudence des juridictions de l’Union européenne dans cette matière ayant jugé, ainsi que la Chambre de recours l’avait fait concernant tout d’abord le but des dispositions statutaires en question (décision du 28 novembre 2006 recours 05/17 point 6), « que l’indemnité de dépaysement a pour objet de compenser les charges et désavantages particuliers résultant de la prise de fonctions auprès d’une des institutions de l’Union pour les fonctionnaires qui sont, de ce fait, obligés de transférer leur résidence de l’Etat de leur domicile à l’Etat d’affectation et de s’intégrer dans un nouveau milieu et que la notion de dépaysement dépend également de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir de son degré d’intégration dans le nouveau milieu résultant, par exemple, de sa résidence habituelle ou de l’exercice d’une activité professionnelle principale et que l’octroi de l’indemnité de dépaysement vise ainsi à remédier aux inégalités de fait survenant entre les fonctionnaires intégrés dans la société de l’Etat d’affectation et ceux qui ne le sont pas».
En outre, selon ce même arrêt du Tribunal de la fonction publique, « même si la disposition susmentionnée se fonde, pour déterminer les cas de dépaysement, sur les critères alternatifs de résidence habituelle et d’activité professionnelle principale de l’intéressé avant son entrée en fonctions, elle doit être interprétée comme retenant pour critère principal, quant à l’octroi de l’indemnité de dépaysement, la résidence habituelle», et « en matière d’indemnité de dépaysement, la résidence habituelle, au sens de la disposition susmentionnée, est le lieu où le fonctionnaire ou agent concerné a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts, étant, entendu qu’aux fins de la détermination de la résidence habituelle il faut tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et, notamment, de la résidence effective de l’intéressé ».
Enfin, le Tribunal de la fonction publique a rappelé que, conformément à une jurisprudence constante, le fait d’avoir habité, avant la période de référence, sur le territoire de l’Etat où est situé son lieu d’affectation ne saurait jouer un rôle déterminant quant à la question de savoir si l’intéressé est en droit de bénéficier de l’indemnité de dépaysement, même si cette circonstance représente un élément de fait important qui doit être pris en considération avec d’autres faits pertinents.
9. En l’espèce […]
10. Dans les circonstances décrites, on ne peut pas conclure que la requérante aurait eu, avant son détachement, des relations stables et durables à Bruxelles, puisque sa présence antérieure dans ce pays avait en tout état de cause une perspective limitée dans le temps et elle ignorait que, postérieurement, elle serait détachée à l’Ecole européenne de Bruxelles III, raison pour laquelle sa présence à Bruxelles était initialement dépourvue du caractère de stabilité et de permanence qui déterminent l’application de l’exception du paiement de l’indemnité réclamée. Le fait que c’est presque au moment de terminer l’année scolaire 2011-2012 qu’elle fut détachée ne change pas cette conclusion puisque la simple présence dans le lieu où se trouve l’Ecole, qui en soi peut répondre à des raisons les plus diverses, ne suppose pas l’application automatique de l’exception qui, comme telle, doit être interprétée restrictivement.
Il convient de souligner à cet égard qu’aussi bien les raisons que la durée de la résidence de la requérante à Bruxelles avant son détachement ne sont pas foncièrement différentes de celles de la requérante dans l’affaire susmentionnée 05/17 où la Chambre de recours a reconnu son droit à l’indemnité de dépaysement et que, par contre, elle diffère nettement de la situation qui était celle de la requérante dans l’affaire 08/35, à laquelle a été refusé ce droit au motif qu’elle résidait en famille en raison du détachement de son époux depuis deux ans déjà au lieu de l’Ecole européenne où elle a ensuite elle-même été détachée.
11. Par ces raisons, il y a lieu de conclure que le recours est fondé et que la requérante a droit au paiement de l’indemnité de dépaysement depuis le mois de septembre 2012.