BDCREE

Complaints Board of the European Schools

Decision Number: 08/51bis


Decision Date: 20.12.2011


Keywords

  • seconded staff
  • remuneration
  • jurisdiction of the Complaints Board (ratione materiae)
  • admissibility
  • equal treatment
  • interlocutory question

Full Text

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Abstract

La présente décision clôture les dossiers joints 08/51 et 09/01, dans lesquels la Chambre de recours avait décidé de surseoir à statuer (décision du 25 mai 2009) en vue d’un renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l’Union européenne.

Sur la recevabilité des recours et l’étendue du litige
10. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, d’une part, que les recours formés devant la Chambre de recours par les membres du personnel détaché ne peuvent, en principe, porter que sur la légalité d’un acte faisant grief préalablement contestée par un recours administratif introduit dans le délai d’un mois suivant la notification ou la connaissance de cet acte et, d’autre part, que lorsque le litige a un caractère pécuniaire, la compétence de la Chambre de recours n’est pas limitée à l’annulation éventuelle de l’acte attaqué mais lui permet d’ordonner toutes mesures utiles arrêtées en prenant en compte les règles en vigueur à la date de sa décision.

11. En l’espèce, le litige porte sur le montant de la rémunération des requérants, qui sont tous des professeurs détachés, et il n’est pas contesté que leurs recours administratifs ont été introduits, selon les cas, soit en avril 2008 soit en mai 2008. Faute de demande personnelle des intéressés au sens de l’article 78, paragraphe 2, du statut du personnel détaché, susceptible de faire naître un décision spécifique concernant chacun d’entre eux, ces recours doivent être regardés comme dirigés contre les éléments de leur rémunération figurant sur leur fiche de traitement et ils sont recevables à partir de la fiche dont ils ont eu connaissance dans le mois précédant leur recours.

12. En effet, ainsi que l’a relevé la Chambre de recours dans ses décisions du 14 décembre 2005, rendue sur le recours 05/06, et du 28 novembre 2006, rendue sur le recours 05/17, les fiches de rémunération sont l’expression, pour chaque période de temps à laquelle elles se réfèrent, de l’application individuelle des dispositions générales sur les rétributions et peuvent, dès lors, faire l’objet de contestations successives, la forclusion affectant seulement la période antérieure au délai d’un mois prévu par le statut.

13. En revanche, cette recevabilité n’est pas limitée à la période se terminant le 1er juillet 2008, date d’entrée en vigueur de la modification des dispositions du statut. Dès lors que, comme cela a déjà été relevé au point 20 de l’arrêt du 25 mai 2009 08/51, les requérants sont recevables à exciper de l’illégalité de ces dispositions et que, s’agissant d’un litige de pleine juridiction, la Chambre de recours ne doit pas limiter son examen aux règles en vigueur à la date des décisions attaquées mais aussi à celles en vigueur à la date de sa propre décision, il y aura lieu de procéder au contrôle de la légalité de ces dernières.

Sur les conséquences à tirer de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne
15. L’arrêt du 14 juin 2011 de la Cour de justice (C-196/09), qui se déclare, contrairement aux conclusions de son avocat général et à l’avis de la Commission européenne, incompétente pour statuer sur une demande de décision préjudicielle émanant de la Chambre de recours, constitue une réponse négative à la première des trois questions préjudicielles, laquelle constituait elle-même une question préalable aux questions de fond.

16. Au soutien de cette réponse, la Cour de justice a notamment relevé que « si la Chambre de recours a été créée par l’ensemble des États membres ainsi que par l’Union, il n’en demeure pas moins qu’elle constitue un organe d’une organisation internationale qui, malgré les liens fonctionnels qu’elle entretient avec l’Union, reste formellement distincte de celle-ci et de ces États membres » (point 42). Elle a ensuite précisé que « le seul fait que la Chambre de recours soit tenue d’appliquer les principes généraux du droit de l’Union dans le cas où elle est saisie d’un litige ne suffit pas pour faire relever ladite Chambre de la notion de « juridiction d’un des États membres » et donc du champ d’application de l’article 267 TFUE » (point 43). Enfin, elle a observé que « si une évolution (…) du système de protection juridictionnelle établi par la convention des Ecoles européennes est certes envisageable, il appartient aux États membres de réformer le système actuellement en vigueur » (point 45).

17. Contrairement à ce que semble impliquer l’argumentation développée à ce sujet par les requérants dans leurs observations complémentaires, il n’appartient pas à la Chambre de recours de porter une quelconque appréciation sur le raisonnement suivi dans cet arrêt ni sur ses conséquences en ce qui concerne la qualité de la protection juridictionnelle prévue pour les justiciables du système des Ecoles européennes.

18. A cet égard, pour regrettable que puisse apparaître l’absence de possibilité de renvoi préjudiciel à la Cour de justice, il est vain de reprocher au Conseil supérieur de n’avoir pas prévu un système juridictionnel plus protecteur que celui institué par la convention portant statut des Ecoles européennes. Cet organe a, en effet, été institué par ladite convention au même titre que les autres organes communs à l’ensemble des écoles, dont la Chambre de recours, ainsi que cela ressort de son article 7. Il ne saurait donc, en aucune manière, être confondu avec les « hautes parties contractantes » signataires de la convention, c’est-à-dire les Etats membres et les Communautés européennes, devenues depuis l’Union européenne, et ce alors même qu’il est composé principalement de membres représentant les Etats membres ainsi que la Commission européenne. Les conclusions tendant à la condamnation du Conseil supérieur ne peuvent, dès lors et en tout état de cause, qu’être rejetées.

19. Il découle seulement de l’arrêt de la Cour de justice que les questions de fond soulevées dans le présent litige qui relèvent du droit de l’Union européenne doivent intégralement être jugées par la Chambre de recours à partir de l’ensemble des pièces en sa possession, en ce compris les écrits de la procédure préjudicielle à laquelle les parties ont eu accès, tels que l’avis de la Commission européenne et les conclusions de l’avocat général, qui contiennent une prise de position sur lesdites questions de fond.

Sur le fond
20. Aux termes de l’article 49 du statut du personnel détaché auprès des Ecoles européennes : « 1. Dans les conditions fixées au présent chapitre, et sauf dispositions contraires expresses, le membre du personnel a droit au traitement afférent à sa fonction et à son échelon dans le barème de cette fonction, tel que fixé à l’annexe IV du présent Statut.- 2. - a) Les autorités nationales compétentes versent les émoluments nationaux au membre du personnel et communiquent au Directeur de l’École les montants versés, en précisant tous les éléments pris en compte pour le calcul, y compris les retenues sociales obligatoires et les impôts. - b) L’Ecole européenne verse la différence entre, d’une part, la rémunération prévue dans le présent Statut, et, d’autre part, la contre-valeur de l’ensemble des émoluments nationaux diminué des retenues sociales obligatoires (…).

21. Ainsi que l’a relevé la Chambre de recours dans ses décisions du 6 novembre 2007, rendue sur le recours 07/17 (point 8), et du 21 juin 2011, rendue sur le recours 10/75 (point 24), il ressort de ces dispositions que les enseignants détachés par les Etats membres auprès des Ecoles européennes ont tous également droit au traitement prévu par le statut, quelle que soit la rémunération qui leur est allouée par leur administration nationale.

22. La suite desdites dispositions, dans leur version antérieure au 1er juillet 2008, était ainsi rédigée : « L’école européenne verse la différence entre, d’une part, la rémunération prévue dans le présent statut et, d’autre part, la contre-valeur de l’ensemble des émoluments nationaux diminué des retenues sociales obligatoires. Cette contre-valeur est calculée dans la monnaie du pays où le membre du personnel exerce ses fonctions, et sur la base du cours du change appliqué pour les traitements des fonctionnaires des Communautés européennes ».

23. Cette rédaction, qui se réfère seulement au cours du change appliqué pour le traitement des fonctionnaires de l’Union européenne, lequel correspond chaque année à celui en vigueur au 1er juillet précédent, ne prend pas en compte une éventuelle dépréciation de la monnaie d’un Etat d’origine hors zone euro postérieure à la date de référence. Ainsi, le dernier cours du change retenu étant, à l’époque des faits du litige, celui du 1er juillet 2007, elle n’a pas permis de tenir compte de la forte dépréciation de la livre sterling survenue en octobre 2007.

24. C’est la raison pour laquelle le Conseil supérieur des Ecoles européennes a été amené à compléter ces dispositions, qui ne prévoyaient pas expressément de modalités d’adaptation. Dans leur version en vigueur depuis le 1er juillet 2008, elles sont ainsi rédigées : « L’école européenne verse la différence entre, d’une part, la rémunération prévue dans le présent statut, et, d’autre part, la contre-valeur de l’ensemble des émoluments nationaux, abstraction faite des retenues sociales obligatoires. - Cette contre-valeur est calculée dans la monnaie du pays où le membre du personnel exerce ses fonctions, sur la base des cours du change utilisés pour l’adaptation des traitements des fonctionnaires des Communautés européennes. - Ces cours du change sont comparés aux cours du change mensuels appliqués pour l’exécution du budget. En cas d’écart égal ou supérieur à 5 % enregistré pour une ou plusieurs devises par rapport aux cours du change suivis jusque là, l’on procède à une adaptation à partir de ce mois. Si le seuil de déclenchement n’est pas atteint, les cours du change sont actualisés au plus tard après 6 mois ».

25. Au vu de l’ensemble de ces dispositions, les requérants sont fondés à soutenir que l’absence de prise en compte, avant le 1er juillet 2008, de la dépréciation de la livre sterling pour le calcul de la rémunération des professeurs britanniques a manifestement conduit à désavantager ces derniers par rapport à l’ensemble des professeurs détachés, lesquels ont tous également droit, ainsi que cela a été rappelé au point 21 du présent arrêt, au traitement prévu par leur statut.

26. Comme l’a estimé l’avocat général de la Cour de justice, ces professeurs ont ainsi été victimes d’une discrimination indirecte fondée sur la nationalité et il y a lieu de considérer, sans qu’il soit besoin à cet égard d’examiner les autres moyens soulevés dans les recours, que le respect du principe d’égalité de traitement et d’interdiction de discrimination en raison de la nationalité, contenu à l’article 12 du traité instituant la Communauté européenne (TCE), devenu l’article 18 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), fait obstacle à l’application d’un système de rémunération tel que celui alors en vigueur, dans la mesure où ce système ne prévoyait aucune possibilité d’adaptation en cas de dépréciation d’une monnaie nationale.

27. En revanche, en prévoyant dans les nouvelles dispositions applicables à compter du 1er juillet 2008, d’une part, une référence aux cours du change utilisés pour l’adaptation des traitements des fonctionnaires de l’Union européenne, d’autre part, une adaptation en cas d’écart égal ou supérieur à 5% par rapport aux cours du change mensuels et, enfin, à défaut d’un tel écart, une actualisation au plus tard après six mois, le Conseil supérieur ne peut être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’exercice de ses pouvoirs au regard de l’objet du statut du personnel détaché visant à assurer une égalité de traitement entre les professeurs des différents Etats membres.

28. En effet, compte tenu de la complexité d’un système de rémunération devant prendre en compte à la fois les traitements des professeurs détachés d’Etats membres de la zone euro et ceux des professeurs détachés d’Etats membres non situés dans cette zone et donc rémunérés par ces derniers dans d’autres monnaies, ce qui implique la nécessité d’une comparaison multiple et à différentes périodes entre la valeur de l’euro et celle des nombreuses autres monnaies nationales, il est difficile de parvenir dans tous les cas à des résultats traduisant la plus stricte égalité de traitement. Même si elles ne peuvent prétendre à un tel résultat, les mesures d’adaptation en vigueur à compter du 1er juillet 2008 paraissent raisonnables, tant en ce qui concerne le pourcentage retenu pour la prise en compte des fluctuations monétaires observées mensuellement que le délai maximum de six mois fixé pour l’actualisation des cours du change lorsque ce pourcentage n’est pas atteint.

29. Il convient, d’ailleurs, d’observer que le nouveau système ainsi mis en place peut être comparé à celui qui concerne les fonctionnaires et agents de l’Union européenne.

30. A cet égard, s’il est vrai que les professeurs détachés auprès des Ecoles européennes se trouvent dans une situation différente de celle de ces fonctionnaires et agents en ce que la rémunération de ces derniers est intégralement à la charge des institutions de l’Union et nullement à celle des Etats membres, les dispositions de leur statut visent manifestement à un rapprochement. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter aux différents articles se référant expressément au statut desdits fonctionnaires ainsi qu’à la disposition générale de l’article 86 selon laquelle l’interprétation des articles analogues doit se faire selon les critères appliqués par la Commission européenne.

31. Or, il y a lieu de constater que, selon les articles 63 à 65 bis du statut de ces fonctionnaires, le niveau de leurs rémunérations et la prise en compte de leurs conditions de vie aux différents lieux d’affectation, laquelle justifie l’application de coefficients correcteurs, font l’objet d’un examen annuel permettant de procéder, le cas échéant, à une adaptation des traitements et qu’en dehors de celle-ci, d’autres mesures d’adaptation ne sont prévues, dans un délai maximum de deux mois, qu’en cas de variation sensible du coût de la vie. Cette dernière notion est précisée par la détermination d’un seuil de sensibilité pour l’évolution du coût de la vie, qui a été défini, par l’article 6 de l’annexe XI du statut, comme le pourcentage de 7% pour une période de douze mois.

32. Les mesures d’adaptation prévues pour les professeurs détachés en cas d’écart égal ou supérieur à 5% par rapport aux cours du change mensuels et, à défaut d’un tel écart, au plus tard après six mois ne peuvent, dès lors, être regardées comme étant défavorables aux enseignants concernés.

33. Il résulte de tout ce qui précède que les décisions de rejet des recours administratifs des intéressés doivent seulement être annulées en tant qu’elles ont refusé l’adaptation de leurs rémunérations pour la période comprise entre le 1er mars et le 30 juin 2008.

34. Pour cette période, dans la mesure où l’existence même des nouvelles dispositions du statut démontre qu’une telle adaptation s’imposait, les Ecoles européennes auraient dû en faire une application rétroactive. Il peut d’ailleurs être observé qu’une proposition de rétroactivité beaucoup plus générale figurait expressément dans le document 2008-D-244-fr-2 soumis au comité administratif et financier lors de sa réunion des 24 et 25 septembre 2008 et il convient de considérer que, si celle-ci n’a finalement été retenue ni par ce comité ni ensuite par le Conseil supérieur, il appartenait au Secrétaire général, dès lors qu’il était régulièrement saisi de recours administratifs à ce sujet, de mettre fin à la discrimination spécifique dont étaient victimes les professeurs intéressés.

35. En conséquence, il y a lieu d’ordonner aux Ecoles européennes de procéder à l’adaptation des rémunérations des requérants conformément aux nouvelles dispositions du statut, en versant les rappels de traitement correspondants, majorés des intérêts de retard, pour les mois de mars à juin 2008 en ce qui concerne ceux ayant introduit leur recours administratif en avril 2008 et pour les mois d’avril à juin 2008 en ce qui concerne ceux l’ayant introduit en mai 2008.