BDCREE

Beschwerdekammer der Europäischen Schulen

Entscheidungsnummer: 25/06


Entscheidungsdatum: 18.07.2025


Stichwörter

  • Ortslehrkraft
  • Verteidigungsrechte
  • allgemeine rechtsgrundsätze
  • Kosten des Verfahrens

Volltext

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Abstract

Appréciation de la Chambre de recours
Sur le fond,

Sur le premier moyen tiré d’une violation des droits de la défense et, plus particulièrement, du droit d’être entendu,
14. Il convient d’examiner, en premier lieu, l’argument du requérant selon lequel l’École était tenue d’organiser une procédure disciplinaire avant de résilier son contrat pour incompétence et manquement à ses obligations statutaires.
En vertu de l’article 16, paragraphe 2 du Statut, « lorsqu’un chargé de cours est recruté à durée indéterminée (...), chacune des parties est en droit de résilier le contrat ».
En vertu de l’article 44, paragraphe 1 du Statut, « le Directeur est seul compétent pour lancer la procédure disciplinaire et prononcer la sanction correspondante vis-à-vis d’un membre du personnel chargé de cours ».
Au titre des sanctions disciplinaires prévues a? l’article 45 du Statut, le Directeur - a? qui il appartient de déterminer la gravité de la faute commise - peut décider de « la résiliation du contrat, conformément à l’article 18 du Statut, dans le cas d’une faute très grave” – l’article 18 visant expressément une résiliation extraordinaire, sanctionnée en vertu de l’article 15 par une fin automatique du contrat sans préavis ou droit a? indemnité.
Ainsi que la Chambre de recours a jugé dans sa décision 23/02 du 9 novembre 2023, il résulte des termes de ces dispositions, et notamment du large pouvoir d’appréciation qu’elles confèrent aux Écoles dans les domaines contractuel et disciplinaire, que même en cas de faute éventuellement susceptible de justifier le licenciement pour motif disciplinaire d’un chargé de cours, rien n’oblige une École a? engager une procédure disciplinaire a? l’encontre de l’intéressé pluto?t que de recourir a? la faculté de résiliation unilatérale du contrat prévue a? l’article 16, paragraphe 2 du Statut. Ce n’est que dans l’hypothèse ou? l’École entend licencier sans préavis le Chargé de cours qui a commis une faute très grave, sur base de l’article 18 du Statut, qu’il convient d’engager la procédure disciplinaire prévue au chapitre VIII du Statut (point 17). Si l’École pouvait, certes, résilier le contrat du requérant directement sur base de l’article 16, paragraphe 2 du Statut sans organiser une procédure disciplinaire, elle était néanmoins tenue de garantir les droits de la défense du requérant, et notamment le droit d’être entendu, consacré a? l’article 41, paragraphe 2, premier tiret, de la Charte.
Conformément a? une jurisprudence constante de la Chambre de recours, conforme a? celle de la Cour de justice de l’Union européenne, le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir a? un acte faisant grief a? une personne constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être garanti même en l’absence d’une réglementation spécifique concernant la procédure en cause (voir notamment les décisions de la Chambre du 30 novembre 2021, recours 21/44 (point 10), du 19 décembre 2019, recours 19/16 (point 9), du 28 août 2016, recours 16/26 (point 19), du 2 février 2016, recours 15/42 (point 13), du 29 septembre 2015, recours 15/12 (point 20) et du 11 février 2013, recours 13/42 (point 10)).
Il est également pertinent de rappeler qu’une jurisprudence abondante du juge de l’Union souligne l’importance qu’il attache au droit d’être entendu. À titre d’exemple, dans son arrêt du 8 octobre 2015, dans les affaires F-106/13 et F- 25/14, DD /FRA, le Tribunal de la Fonction publique a rappelé qu’« il découle du principe général du droit de l’Union du respect des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, que l’intéressé doit être mis en mesure, préalablement à l’édiction de la décision qui l’affecte négativement, de faire connai?tre utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances sur la base desquels cette décision a été adoptée. En outre, le respect du droit d’être entendu s’impose même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (point 89).».

Dans ce même arrêt, le Tribunal de la Fonction publique a souligné l’importance particulière qu’il attache au droit d’être entendu avant la prise d’une décision de résiliation de contrat :
« De surcroi?t, une décision de résiliation constitue un acte d’une extrême gravité pour l’agent concerné, qui perd ainsi son emploi et dont la carrière pourrait être affectée négativement pendant de nombreuses années. Outre le fait que le droit d’être entendu avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard est un droit fondamental dudit agent, l’exercice par ce dernier du droit de s’exprimer utilement sur la décision de résiliation envisagée relève de la responsabilité de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement, responsabilité qu’elle doit assurer de manière scrupuleuse » (point 95).
Les principes généraux du droit de l’Union ainsi rappelés par le juge de l’Union dans le contexte du droit de la fonction publique de l’Union doivent guider également les Écoles lorsqu’elles envisagent le licenciement d’un Chargé de cours pour manquement a? ses obligations.

15. Ainsi que la Chambre de recours a jugé dans sa décision 23/02 du 9 novembre 2023, le respect du droit d’être d’entendu implique concrètement que, lorsqu’une Ecole envisage une possible résiliation de contrat pour manquement aux obligations, elle doit procéder en deux étapes : dans un premier temps, elle informe l’intéressé des faits et circonstances sur la base desquels elle envisage un possible licenciement et lui accorde un délai pour faire valoir ses observations. Et ensuite, elle apprécie les observations de l’intéressé et décide s’il y a lieu ou non de procéder au licenciement (point 18).
Enfin, la Chambre de recours rappelle, d’une part, que l’objet même de l’adoption du Statut des chargés de cours est, ainsi qu’il ressort de son considérant unique, de « garantir que les règles applicables aux chargés de cours (soient) conformes aux droits fondamentaux reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » et, d’autre part, que cette Charte relève du droit primaire de l’Union. Il ensuit que les Écoles sont tenues d’interpréter et d’appliquer le Statut, de même que les dispositions nationales éventuellement applicables en vertu de son article 3, paragraphe 2, d’une manière qui assure leur conformité avec la Charte.

16. Dans la présente affaire, la Chambre de recours constate que ce n’est qu’à la lecture de la lettre du 20 juin 2024, informant le requérant de la résiliation de son contrat, que ce dernier a été informé pour la première fois de l’ensemble des faits que l’École invoque contre lui pour justifier son licenciement. Force est d’en conclure qu’il a été privé de la possibilité de faire valoir ses observations sur ces motifs avant l’adoption de la décision litigieuse.
La Chambre de recours considère que l’École, en estimant qu’elle était en droit de licencier le requérant sans l’informer préalablement de ces motifs, et en offrant seulement une prorogation d’un jour de la date de l’audition préalable lorsqu’il est tombé brièvement malade, n’a pas appliqué les dispositions statutaires et nationales régissant la résiliation des contrats des Chargés de cours de manière à assurer leur conformité avec le droit d’être entendu, consacré a? l’article 41, paragraphe 2, premier tiret, de la Charte.
Si l’École pouvait, certes, considérer que le requérant ne bénéficiait pas de la protection spécifique conférée par article L-121-6, paragraphe 3 du Code du travail [X] en cas d’incapacité de travail (interdiction de notifier un licenciement ou de convoquer à un entretien préalable pour une période de vingt-six semaines), du fait qu’il avait fait part de cette incapacité après réception de la convocation a? l’audition préalable, elle n’était pas pour autant libérée de l’obligation de déployer un effort raisonnable pour assurer le respect du droit d’être entendu.
Compte tenu de l’importance de ce droit et de la gravité de la situation du requérant, et de la responsabilité conséquente qui pesait sur l’École de veiller de « manière scrupuleuse » à ce qu’il puisse s’exprimer « utilement » sur la décision de résiliation envisagée (voir point 14 ci-dessus), l’École aurait dû examiner avec le requérant, dont la durée de l’incapacité était limitée à quelques jours, d’autres possibilités de solution, telles que, par exemple, une seconde prorogation pour la semaine suivante, une procédure écrite, ou la possibilité de participation a? l’audition en ligne et/ou par l’intermédiaire d’un avocat. Le simple refus d’offrir une deuxième prorogation « pour des raisons organisationnelles » ne constituait pas une réaction suffisante dans ce contexte.
D’ailleurs, il aurait été de meilleure administration de l’informer par écrit, au moment de la convocation a? l’audition préalable, de l’ensemble des griefs retenus contre lui, qui dépassaient le seul cadre des rapports d’évaluation et remontait, dans un cas, à 2020. La conclusion que le requérant a été privé de son droit d’être entendu n’est pas remise en cause par le fait qu’il avait pu faire valoir ses observations sur les rapports d’évaluation établis par l’inspecteur et le Directeur en mars et avril 2024, d’une part, ni par le fait, a? le supposer établi, qu’il avait eu connaissance des différentes autres plaintes adressées contre lui, d’autre part.
S’agissant du premier aspect, le requérant était en droit de prendre position sur la question spécifique de savoir si les critiques émises par les évaluateurs justifiaient ou non son licenciement, la prise de position sur les seules critiques, sans référence aux conséquences que l’Ecole entendait tirer de celles-ci, n’étant pas suffisante.
S’agissant du second, il suffit de constater que, privé de l’information que ces éléments étaient invoqués contre lui comme motifs de licenciement, il n’a pas pu les commenter en temps utile et de la manière appropriée, à savoir en contestant concrètement que lesdits éléments puissent fonder une décision de licenciement.
En outre, la Chambre de recours considère que si le droit du requérant d’être entendu par le Directeur avait été respecté, il n’est pas totalement exclu que l’issue aurait pu être différente, ne serait-ce que du fait que lors de cette audition le requérant serait accompagné et assisté par un représentant du personnel.

17. Il s’ensuit que la décision litigieuse a été prise en violation du droit du requérant d’être entendu, consacré a? l’article 41, paragraphe 2, premier tiret de la Charte, et doit donc être annulée sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et, notamment, l’argument (soulevé dans la réplique) tiré du non-respect des normes pédagogiques applicables aux évaluations des enseignants, telles que reprises dans le document approuvé par le Conseil supérieur des Écoles européennes des 12, 13 et 14 avril 2023 à Dublin, cet argument étant par ailleurs irrecevable en vertu de l\'article 18, paragraphe 2, du règlement de procédure, qui interdit la production de moyens nouveaux en cours d’instance.

Sur les frais et dépens,
18. Aux termes de l’article 27 du Règlement de procédure : « Toute partie qui succombe est condamnée aux frais et dépens s’il est conclu en ce sens par l’autre partie. Cependant, si les circonstances particulières de l’affaire le justifient, la Chambre de recours peut mettre les frais et dépens à la charge de cette dernière ou les partager entre les parties (...) A défaut de conclusions sur les dépens, chaque partie supporte ses propres dépens. ».
Il ressort de ces dispositions, lesquelles sont d’ailleurs tout a? fait comparables a? celles en vigueur devant la plupart des juridictions, nationales ou internationales, que la partie qui succombe doit, en principe, supporter les frais et dépens de l’instance. Pour autant, lesdites dispositions permettent à la Chambre de recours d’apprécier au cas par cas les conditions dans lesquelles il doit en être fait application.
En application de ces dispositions et au vu des conclusions du requérant, il y a lieu de condamner les Écoles européennes aux frais et dépens.
La Chambre considère qu’il sera fait une juste appréciation du montant de ces frais et dépens en les fixant ex aequo et bono à la somme de € 1.500.