BDCREE

Beschwerdekammer der Europäischen Schulen

Entscheidungsnummer: 23/11


Entscheidungsdatum: 31.08.2023


Stichwörter

  • Zentrale Zulassungsstelle
  • Zusammenführung von Geschwistern
  • Grundsatz der Verhältnismäßigkeit
  • Reichweite und Umsetzung der Entscheidungen der Beschwerdekammer

Volltext

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Abstract

Appréciation de la Chambre de recours
(...)
Sur la légalité de la décision attaquée
8. S’agissant du moyen tiré de l’atteinte au principe de regroupement de fratrie,
Tout d’abord, il convient de rappeler que, lorsque le Conseil supérieur a décidé en octobre 2006 de créer l’ACI, il a chargé cette autorité d’élaborer une Politique d’inscription transparente et cohérente devant atteindre plusieurs objectifs, parmi lesquels, entre autres, la garantie d’une place dans une Ecole européenne de Bruxelles pour tous les élèves de catégorie I, l’équilibre de la répartition globale de la population scolaire et la garantie d’une scolarisation groupée des frères et sœurs d’une même famille (voir à ce sujet le document 2006-D-165-fr-7, partie 1).
Le principe selon lequel les fratries doivent avoir la possibilité d’être scolarisées dans le même établissement scolaire a donc été consacré de longue date dans la PI des Ecoles européennes de Bruxelles.
Ainsi que la Chambre de recours l’a déjà souligné dans sa jurisprudence, ce principe a été reconnu, dès l’origine, comme un engagement fondamental des Écoles, qui doivent garantir une telle possibilité, en traitant les cas individuels dans un esprit d’équité et de justice. Il doit être regardé comme visant essentiellement à éviter pour les familles ayant plusieurs enfants scolarisés que soient aggravées les contraintes résultant de l’application des Politiques d’inscription et notamment celles découlant de l’absence de prise en compte, sauf exception, du critère de la localisation géographique (voir les décisions de la Chambre de recours n° 07/06 du 1er août 2007, point 10 ; n° 15/23 du 24 août 2015, point 13 et n°16/25 du 20 juillet 2016, point 20).
Par ailleurs, même si certaines modifications ont pu, au cours des années et selon les différentes Politiques d’inscription, affecter à plusieurs égards son application, le principe fondamental du regroupement de fratries constitue depuis l’origine un critère particulier de priorité pour le traitement d’une demande d’inscription.

9. Ensuite, force est de constater que pendant la dernière décennie, à plusieurs reprises, des modifications ont été apportées aux dispositions de la PI, soumettant le principe du regroupement de fratries à un certain nombre de conditions ou même en limitant son application en tant que critère de priorité. Ainsi qu’il ressortait des lignes directrices pertinentes, arrêtées annuellement par le Conseil supérieur, ces modifications ont à chaque fois été jugées nécessaires en raison de la surpopulation croissante des Ecoles européennes à Bruxelles.
A ce sujet, la Chambre de recours a néanmoins souligné par le passé que, “s’il est loisible à l’autorité concernée, s’agissant d’un principe qu’elle a elle-même introduit dans les règles de droit relevant de sa compétence, d’en modifier la portée ou même de l’abandonner, encore faut-il qu’une telle mesure n’apparaisse pas disproportionnée au regard de l’équilibre recherché entre, d’une part, l’intérêt des élèves et de leur famille et, d’autre part, celui de l’organisation et de la gestion des écoles européennes” (cf. décision de la Chambre de recours n° 15/23 du 24 août 2015, point 16).

10. A cette lumière, il importe de souligner que la Chambre de recours a été amenée à annuler certaines décisions de l’ACI qui étaient fondées sur des dispositions de la PI estimées par la Chambre comme entachées d’illégalité au motif qu’elles avaient soumis, de manière générale, le principe du regroupement de fratrie à des conditions jugées disproportionnées.
C’est ainsi que la Chambre a considéré en 2015, à l’occasion de plusieurs litiges qui lui étaient soumis, que la disposition V.5.2.1.c) de la PI pour l’année scolaire 2015-2016, consistant à limiter en termes absolus l’application du principe de regroupement des fratries aux seuls élèves relevant du même cycle scolaire, portait atteinte à la consistance même de la garantie de la scolarisation de la fratrie dans une même école, puisque celle-ci n’existait plus pour les frères et sœurs relevant de deux cycles scolaires différents. La Chambre a tiré la conclusion dans ces cas d’espèce, que “les conséquences de la nouvelle règle en cause (…) sont disproportionnées au regard des objectifs poursuivis par les lignes directrices et la politique d’inscription dans les écoles européennes pour l’année 2015-2016” et que dès lors les requérants concernés par ces litiges étaient fondés à invoquer l’illégalité de ladite règle (cf. à nouveau la décision de la Chambre de recours n° 15/23 du 24 août 2015, points 15 et 24, ainsi que l’ordonnance en référé n° 15/48R du 25 août 2015, points 13 à 15).
Plus récemment, en 2022, la Chambre de recours a également considéré comme étant contraire au principe de regroupement de fratries, la disposition V.9.7.b) de la PI pour l’année scolaire 2022-2023, prévoyant que, pour autant que certaines conditions soient remplies, les demandes de transfert visant une réunion de la fratrie sont autorisées sans justification particulière mais doivent se faire de manière à ce que les enfants soient effectivement scolarisés dans la même école mais pas nécessairement sur le même site. Tout en admettant, comme les EE l’ont rappelé dans le cadre du présent recours, “que les exigences liées à l’administration rationnelle des Écoles peuvent, dans certains cas, conduire à la nécessité de fixer certaines limites à ce principe”, la Chambre a néanmoins souligné que “ces limites doivent être établies de manière proportionnée et sous des conditions précises, afin qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est indispensable pour atteindre les objectifs d’intérêt général”.
Dans le litige qui lui était alors soumis, la Chambre a décidé que la disposition susmentionnée de la PI 2022-2023 “qui prévoit, sans conditions précises, que la réunion de la fratrie peut avoir lieu dans deux lieux géographiques différents contredit l’esprit et la logique du principe du regroupement et supprime la contrepartie qu’elle est censée représenter à l’absence de prise en compte du critère de la localisation géographique”. Par conséquent, la Chambre a conclu que la disposition concernée de la PI 2022-2023 devait être considérée comme illégale “dans la mesure où [elle] permet la réunion de fratries dans la même école mais sur des sites différents” (cf. décision de la Chambre de recours n° 22/27 du 4 août 2022, points 14 et 15).

11. Le présent recours concerne le refus par l’ACI de donner suite à la demande des requérants d’inscrire leur fille [...], pour la rentrée scolaire 2023-2024, en 1ère année du cycle primaire de la section linguistique FR à l’EEB 2 - site de Woluwe, alors que ces derniers ont demandé le bénéfice du principe du regroupement de la fratrie sur le site de Woluwe, où la sœur de [...], scolarisée depuis deux ans à l’EEB 2, commencera son cycle secondaire à partir du 1er septembre 2023.
Le refus d’inscrire [...] sur le site de Woluwe, tout en lui offrant une place sur le site d’Evere de l’EEB 2, est basée principalement sur l’article 8.2.3. de la PI 2023-2024, qui prévoit que dans certaines sections linguistiques de l’EEB 2, dont la section FR, l’attribution d’une place dans le cadre d’un regroupement de fratrie se fait, dans les cas où “au moins un seul des membres concerne un élève au cycle secondaire et au moins un des membres concerne un élève au cycle maternel ou primaire”, de la manière suivante: “le nouvel inscrit est dirigé vers l’EEB 2 - site WOL s’il doit être scolarisé au cycle secondaire et vers l’EEB 2 - site EVE s’il doit être scolarisé au cycle maternel ou primaire” (pour autant que le niveau y soit ouvert et qu’il existe une place à pourvoir).
Il est utile de rappeler que l’article 8.2.2 de la PI 2023-2024 contient une règle semblable pour l’EEB 1, alors que l’article 8.2.4., pour sa part, prévoit que “dans des hypothèses autres que celles visées aux articles 8.2.2. et 8.2.3., la fratrie est scolarisée sur le même site.”.

12. L’article 8.2.3 (tout comme l’article 8.2.2) contient, dans une certaine mesure, des éléments qu’on retrouve dans des dispositions de Politiques d’inscriptions antérieures citées au point 10 ci-dessus, à savoir que dans certains cas, le principe de groupement de fratries au même endroit n’est plus possible pour les frères et sœurs relevant de deux cycles scolaires différents.
Alors que dans le contexte d’autres recours, lesdites dispositions antérieures ont été, dans leur formulation absolue, considérées comme entachées d’une illégalité, la même conclusion ne peut être tirée en l’espèce pour les articles 8.2.2 et 8.2.3 de l’actuelle PI 2023-2024.

13. En effet, comme l’ont à juste titre rappelé les EE, la jurisprudence récente de la Chambre de recours a admis la possibilité de regrouper dans certains cas une fratrie sur des sites différents d’une même école, à condition que cette limite apportée au principe fondamental du regroupement soit établie en vertu de règles bien définies, spécifiant dans quelles circonstances précises et sous quelles conditions précises cette exception peut s’effectuer, tout en veillant à sa proportionnalité au regard de l’objectif d’intérêt général recherché (voir aussi point 10 ci-dessus).
A ce sujet, les EE ont démontré aussi bien dans leur mémoire que par un document (avec chiffres et statistiques) soumis à l’audience, que les règles précises contenues dans les articles 8.2.2 et 8.2.3 de la PI 2023-2024, lesquels se limitent par ailleurs à deux écoles (EEB 1 et EEB 2), trouvent leur motivation circonstanciée dans les lignes directrices pour ladite PI adoptées par le Conseil supérieur. Ces dernières sont elles-mêmes motivées par la nécessité de trouver une solution pour la situation de surpopulation aggravée depuis 2015 et pouvant devenir dramatique dans les années à venir. Cette surpopulation étant davantage constatée au cycle secondaire, et de manière particulièrement marquée sur le site de Woluwe de l’EEB 2, elle risque même d’affecter la sécurité des élèves sur ce site. Pour cette raison, l’objectif poursuivi en particulier pour l’EEB 2 est la mise en place d’une migration progressive des cycles maternel et primaire des sections linguistiques les plus peuplées du site de Woluwe vers le site d’Evere. Par voie de conséquence, c’est à bon droit que le Conseil supérieur a prévu dans ses lignes directrices qu’à partir de l’année scolaire 2023-2024, aucune nouvelle demande d’inscription sera acceptée sur le site de Woluwe dans les cycles et sections linguistiques précités, sauf circonstances particulières ou regroupement de fratrie au sein même desdits cycles.
La Chambre admet dès lors, à la lumière des critères qu’elle a fixés dans sa jurisprudence, que la dérogation, modulée et bien délimitée, au principe du regroupement de fratries, telle que formulée notamment à l’article 8.2.3 de la PI actuelle, est suffisamment précise et conditionnée et ne va pas au-delà de ce qui est indispensable pour atteindre l’objectif d’intérêt général. La règle sur laquelle est fondée la décision de l’ACI du 5 mai 2023 ne doit donc pas être considérée comme entachée d’une illégalité.

14. Force est néanmoins de constater que, pour les Ecoles visées, l’article 8.2.3. précité prive une catégorie de personnes ayant des enfants dans des cycles scolaires différents du bénéfice du regroupement de fratries au même endroit, alors que, dans ces mêmes écoles, d’autres continuent à bénéficier sans restriction de ce principe fondamental, lequel - il importe de le rappeler - a été reconnu dès l’origine comme un engagement des Ecoles visant essentiellement à éviter pour les familles ayant plusieurs enfants scolarisés que soient aggravées les contraintes résultant de l’application des Politiques d’inscription.
La Chambre a considéré au passé qu’une règle qui limite dans l’absolu l’application du principe de regroupement de fratries aux seuls élèves relevant d’un même cycle scolaire, porte atteinte à la consistance même dudit principe. A cette lumière, alors que la Chambre de recours admet dans le cadre de la PI actuelle qu’une règle semblable (in casu l’article 8.2.3.), qui ne vise que certaines Ecoles et sous des conditions très précises, peut être considérée acceptable, il est tout aussi important qu’elle soit appliquée dans les cas individuels dans un esprit d’équité et de justice. En effet, comme déjà souligné dans la jurisprudence de la Chambre, “une règle aussi restrictive (…) ne peut être admise au regard des exigences du principe de proportionnalité, que si son application permet d’obtenir des avantages dépassant manifestement les inconvénients qu’elle procure” (cf. à nouveau la décision précitée n° 15/23, point 16).
Dès lors, il y a lieu de prendre en compte les circonstances concrètes qui se présentent ensemble dans chaque cas pour adopter la solution qui soit la plus adéquate, en se devant de procéder à une évaluation pondérée des intérêts en conflit, celui de la famille, d’une part et la gestion des écoles, d’autre part. En l’espèce, il faudra donc mettre en balance les avantages de l’article 8.2.3 de l’actuelle PI avec les désavantages significatifs qu’il entraîne pour les requérants.

17. Il peut être conclu de toutes ces constatations que, dans le présent cas d’espèce, la stricte application de l’article 8.2.3 de la PI 2023-2024 entraîne pour les requérants, non seulement des problèmes d’ordre pratique dont plusieurs ne dépendent par ailleurs pas de leur choix ou de leur volonté, mais également des conséquences lourdes et préjudiciables, alors qu’ils se trouvent dans les faits dans une situation particulière et inusuelle, caractérisée par des circonstances précises qui la différencient d’autres cas. Dans ce contexte, au regard de l’objectif recherché par l’article concerné de la PI, à savoir la gestion de la surpopulation du site de Woluwe de l’EEB 2, mais sachant néanmoins que les cycles maternel et primaire sur ce site continueront pendant plusieurs années à exister et à être peuplés, et cela apparemment sans constituer un danger imminent pour la sécurité du site, les inconvénients pour la famille des requérants, résultant de la décision attaquée, doivent dans ce cas particulier être regardés comme disproportionnés.
Le principe de proportionnalité, communément admis tant dans l’ordre juridique communautaire que dans celui des Etats membres, doit en effet servir de référence en particulier lorsqu’il s’agit d’une décision prise dans un cadre d’application modifié d’un principe aussi fondamental que celui du regroupement des fratries.

18. Il s’ensuit de tout ce qui précède et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que la décision attaquée doit être annulée.

Sur les conséquences de l'annulation de la décision attaquée,
19. Si la Chambre de recours ne dispose pas, en l’espèce, d’une compétence de pleine juridiction lui permettant de se substituer à l’autorité concernée ou de prononcer des injonctions à son égard (voir le point 7 ci-dessus), cette autorité doit néanmoins en vertu de l’article 27, paragraphe 6 de la Convention portant statut des Ecoles européennes, selon lequel « les arrêts de la Chambre de recours sont obligatoires pour les parties », se conformer à la décision qui lui est notifiée.
Il appartient dès lors à l’ACI, compte tenu des motifs ayant conduit à l'annulation prononcée, de réexaminer la demande des requérants faisant l’objet du présent recours et de tirer, au vu de tous les éléments d’appréciation dont elle disposera alors, toutes les conséquences nécessaires du présent arrêt.