BDCREE

Beschwerdekammer der Europäischen Schulen

Entscheidungsnummer: 23/03


Entscheidungsdatum: 22.09.2023


Stichwörter

  • Elternvereinigung
  • Oberster Rat
  • Zuständigkeit der Beschwerdekammer (ratione materiae)
  • Überprüfung der Rechtmässigkeit von allgemeinen oder gesetzgeberischen Akten

Volltext


Abstract

Faits du litige et arguments des parties
1. Les requérantes ont formé un recours sur base de l'article 27 (2) de la Convention portant statut des Ecoles européennes (ci-après « la Convention ») et de l'article 14 du Règlement de procédure de la Chambre de recours contre :
a) la décision du Conseil supérieur des Ecoles européennes des 6-8 décembre 2022 approuvée par procédure écrite No 2022/64 le 10 janvier 2023 avec entrée en vigueur rétroactive au 1er janvier 2023 et publiée aux fins de notification le 18 janvier 2023 (ci-après la « Décision CS ») ;
b) la décision du Secrétaire général des Ecoles européennes datée du 22 février 2023, en ce qu'elle rejette le recours administratif introduit par les requérantes contre la Décision CS des 6-8 décembre 2022.
La Décision CS porte sur la modification des articles 5, 14, 15, 35 et 38 du Règlement général des Ecoles européennes (ci-après le « RGEE » ou le « Règlement général »), et elle intervient pour donner suite à un audit interne.
(...)

3. Dans leur requête introductive d’instance, les requérantes invoquent à titre principal deux moyens contre la Décision du Secrétaire général rejetant le recours administratif et à titre subsidiaire, huit moyens contre la Décision CS.
Dans leur mémoire en réponse, les Ecoles européennes
- soulèvent une exception d’incompétence de la Chambre de recours ;
- ne discutent pas la recevabilité, tant ratione temporis que ratione materiae ;
- demandent le rejet des moyens comme non fondés.
À l’issue de l'échange des mémoires en réponse et en réplique, les parties conviennent que, pour l'essentiel, les moyens à l’appui du recours sont les suivants : - incompétence du Conseil supérieur des Ecoles européennes, violation du droit national et excès - voire détournement - de pouvoir ; - violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime et erreur manifeste d’appréciation ; - violation des principes de bonne administration et de proportionnalité ;

4. Il ressort des écrits de procédure que la position des parties peut être résumée comme suit :
(...)

Appréciation de la Chambre de recours
Sur la compétence de la Chambre de recours,

10.
(...)
Il résulte de cette jurisprudence qu'un recours peut être introduit contre une décision à caractère général ou réglementaire, à deux conditions :
En premier lieu, la décision doit affecter directement un droit, ou une prérogative, accordé sur base de la Convention à une personne ou à une catégorie de personnes clairement identifiée et distinguée de toutes les autres personnes concernées.
En second lieu, il ne doit pas être certain qu'un recours puisse être introduit contre une décision individuelle prise sur la base de la décision réglementaire ou générale.
Dans le cas présent, les deux conditions sont remplies.
En ce qui concerne la première condition, la Décision CS attaquée, de nature réglementaire, est susceptible d'affecter directement la situation juridique des associations de parents, c'est-à-dire des sujets de droit auxquels l'article 23 de la Convention confie la tâche d'assurer les relations entre les parents d'élèves et les autorités de l'Ecole. A cet égard, ce sont les Ecoles elles-mêmes qui, dans leur défense, admettent que la décision attaquée sert à "compléter" le cadre réglementaire afin de mieux préciser la répartition des risques, et des responsabilités, entre les associations de parents et les Ecoles.
En ce qui concerne la deuxième condition, il suffit de relever que la Décision CS attaquée n’appelle pas de mesures d'exécution et qu’elle est directement applicable. Il n'y aura donc pas de décisions individuelles, prises sur base cette Décision CS, susceptibles de faire l'objet d'un recours.
Au vu de ces considérations, il y a lieu de conclure que la Chambre de recours est compétente pour statuer sur le présent recours.

Sur le fond, 11. À l’issue de l'échange des mémoires en réponse et en réplique, les parties ont convenu que, pour l'essentiel, les moyens à l’appui du recours pouvaient être regroupés en trois moyens.

12. Aux termes du premier moyen, les requérantes font valoir, pour l’essentiel, que les modifications apportées aux articles 5, 14, 15, 35 et 38 du RGEE sont prises ultra vires et seraient constitutives d’un excès - voire d’un détournement - de pouvoir, en ce que le Conseil supérieur ne serait pas compétent pour édicter des normes touchant à des questions de responsabilité – lesquelles sont soumises au droit interne du pays siège de l’Ecole. En outre, les requérantes affirment que le Conseil supérieur ne serait pas compétent pour faire naître des obligations dans leur chef, dans la mesure où elles sont des tiers à la Convention portant statut des Ecoles européennes.
En ce qui concerne ce premier moyen du recours, il convient de noter que la plupart des modifications apportées au RGEE par la Décision CS attaquée se bornent, pour l’essentiel, à préciser que les activités extrascolaires autorisées par les Ecoles dans leurs locaux, ou à l'extérieur de ceux-ci, doivent se dérouler sous la responsabilité des organisations qui les organisent. C'est le cas des articles 14, 15, 35 et 38. En ce qui concerne l'article 5, les amendements se limitent à préciser que le Directeur de l'école collabore à la mise en oeuvre des activités périscolaires, "dans le cadre légal existant".
Ensuite, il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 10 de la Convention portant statut des Ecoles européennes, le Conseil supérieur dispose « des pouvoirs de décision nécessaires en matière pédagogique, budgétaire et administrative, ainsi que pour la négociation des accords mentionnés aux articles 28 à 30. Il peut créer des comités chargés de préparer ses décisions (paragraphe 1). Le Conseil supérieur établit le règlement général des écoles (paragraphe 2) ».
Or, le pouvoir d'administration d'une entité inclut également sa compétence organisationnelle à l'égard des activités qui se déroulent à l'intérieur des sites occupés par cette entité, ou à l'extérieur de ces sites lorsque ces activités doivent être autorisées par l'entité elle-même. Par conséquent, les modifications contestées du RGEE relèvent indubitablement de la compétence organisationnelle conférée au Conseil supérieur par l'article 10, paragraphe 1, de la Convention.
Ceci est d'autant plus vrai que les modifications en question, en définissant simplement la répartition des responsabilités, relèvent du domaine traditionnel du pouvoir administratif.
En ce qui concerne l'argument selon lequel le Conseil supérieur ne serait pas compétent pour adopter des règles applicables aux associations de parents au motif que celles-ci seraient des tiers à la Convention, il convient de noter que cet argument repose sur un mélange erroné de droit national et de droit international.
Le fait que les associations de parents ne soient pas parties à la Convention n'en fait pas des tiers au sens du droit international, auxquels les règles édictées par le Conseil supérieur ne s'appliqueraient pas. En effet, au sens du droit international, seuls les Etats et les organisations internationales qui ne sont pas parties à la Convention sont des "tiers" à celle-ci. Seules ces entités ont une personnalité juridique internationale dont les droits et obligations sont régis par le droit international. Les associations de parents, en revanche, sont des organismes de droit interne, prévus par la Convention et auxquels s'appliquent les décisions prises par le Conseil supérieur, à condition que ces décisions soient prises conformément aux pouvoirs dévolus à ce dernier, ce qui est le cas en l'espèce.
Compte tenu de ce qui précède, le premier moyen du recours n'est pas fondé et doit être écarté.

13. Le deuxième moyen est tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime et d’une erreur manifeste d'appréciation.
Par ce second moyen, les requérantes font grief aux versions modifiées des articles du RGEE d’être libellées en des termes vagues et contradictoires, manquant de clarté et de prévisibilité. Le moyen vise en particulier l’utilisation des termes de « cadre légal existant » à l’article 5 et d’ « organisations externes » utilisés dans la version modifiée des articles 14, 15 et 35.
C'est donc, pour l’essentiel, le principe de sécurité juridique qui, selon les requérantes, serait violé.
Tout d'abord, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique est un principe général du droit de l'Union européenne que la Chambre de recours reconnaît et garantit. La jurisprudence européenne a précisé que ce principe « exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union ».
Toutefois, la jurisprudence européenne a également précisé que « La portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. De plus, le principe de sécurité juridique ne s’oppose pas à ce que le droit de l’Union attribue un pouvoir d’appréciation à l’administration compétente ou à ce qu’il utilise des notions juridiques indéterminées qui doivent être interprétées et appliquées au cas d’espèce par ladite administration, sans préjudice du contrôle du juge de l’Union. Par ailleurs, les exigences dudit principe ne sauraient être comprises comme imposant qu’une norme utilisant une notion juridique indéterminée mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle est susceptible de s’appliquer, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance par le législateur ». (Arrêt du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés / Parlement (T-829/16) (cf. points 68-71).
En ce qui concerne la référence au "cadre juridique existant" utilisée au nouvel article 5 du RGEE, il convient de relever qu'il s'agit d'une technique législative couramment utilisée dans les États membres de l'UE, dont la fonction est de prendre en compte automatiquement et de manière générale les changements réglementaires pertinents. A la lumière de la jurisprudence européenne citée, la Chambre de recours estime que l'utilisation de cette technique législative, loin de porter atteinte au principe de sécurité juridique, la renforce. En effet, par rapport à l’ancienne version de l’article 5, la référence au « cadre juridique existant » précise que les activités périscolaires doivent être exercées en conformité avec la réglementation applicable, qui comprend à la fois les règles nationales et internationales. De toutes façons, suivant la jurisprudence citée, le cadre juridique peut éventuellement être précisé par le recours à des avis juridiques qualifiés.
De même, la référence dans le texte modifié des articles 14, 15 et 35 aux « organisations extérieures » ne viole pas le principe de sécurité juridique. Bien qu'il s'agisse d'un concept juridique indéterminé, cette référence, compte tenu du contexte, s'applique manifestement aussi aux associations de parents. Par ailleurs, les requérantes ne peuvent affirmer que le Conseil supérieur fait une référence spécifique et exclusive à leur rôle dans le Règlement général. Cette prétention ne repose sur aucune base juridique. En effet, l'article 23 de la Convention stipule que les associations de parents assurent la relation entre les parents et les autorités scolaires, mais pas qu'elles doivent être les seules à pouvoir organiser les activités périscolaires prévues dans les règles du Règlement général, tel qu'amendé par le Conseil supérieur.
Compte tenu de ce qui précède, le second moyen du recours est non fondé, et doit être écarté.

14. Le troisième moyen est pris de la violation des principes de bonne administration et de proportionnalité.
Selon les requérantes, le Conseil supérieur n’aurait pas tenu compte de leur avis pendant le processus décisionnel ayant abouti à la modification des articles 5, 14, 15, 35 et 38 du Règlement général.
Concernant ce moyen, la Chambre de recours relève qu'en vertu de l'article 10 de la Convention, le Conseil supérieur a compétence exclusive pour adopter le Règlement général. Il a donc également le pouvoir de modifier celui-ci, sans l'intervention nécessaire d’autres personnes ou entités.
Par ailleurs, les requérantes elles-mêmes admettent le caractère unilatéral du pouvoir règlementaire du Conseil supérieur. Cette observation suffirait en elle-même pour écarter l’exception d'illégalité de la Décision CS attaquée ainsi soulevée.
En tout état de cause, la Chambre de recours relève également que les Ecoles ont souligné, sans être contredites par les requérantes, que les associations de parents dialoguaient depuis longtemps avec le Conseil supérieur sur l'objet des modifications apportées par la décision attaquée. Il n’est pas contesté qu’InterParents a participé au Comité pédagogique mixte des 13 et 14 octobre 2022, au Comité budgétaire des 8 et 9 novembre 2022 et à la réunion élargie du Conseil supérieur des 6-8 décembre 2022. InterParents a émis, à ces occasions, un avis défavorable concernant les modifications du Règlement général proposées.
On peut en conclure que le Conseil supérieur a estimé opportun d'impliquer les associations de parents, même si cette implication n'était pas strictement nécessaire d'un point de vue juridique. Cette approche du Conseil supérieur n'est certainement pas contraire aux principes de bonne administration et de proportionnalité, et y est même conforme. Le fait que l'avis défavorable de l’association InterParents n'ait pas été pris en compte dans la décision n'invalide nullement cette conclusion.
Ce troisième et dernier moyen est donc également dépourvu de tout fondement, et doit être écarté.

15. Il ressort de tout ce qui précède que le présent recours, dans son ensemble, ne peut qu’être rejeté comme non fondé.