Abstract
Appréciation de la Chambre de recours
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Sur le fond,
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9. Concernant ces dispositions et l’organisation des inscriptions en deux phases, la Chambre de recours a estimé que le droit d'accès aux Ecoles européennes ne saurait dispenser les intéressés du respect des délais précisément fixés pour introduire les demandes d'inscription, lesquels sont d'autant plus impératifs à Bruxelles vu l'existence de plusieurs Ecoles européennes, comprenant de nombreuses sections linguistiques et un très grand nombre d'élèves. L’organisation des inscriptions en deux phases, ainsi que l’imposition de délais stricts pour l’introduction des demandes, constituent des mesures indispensables au bon fonctionnement des Ecoles européennes de Bruxelles et à l’optimisation des places disponibles ; elles sont nécessaires, raisonnables et proportionnées à l’objectif de leur mission.
Comme l’a précisé la Chambre de recours à de nombreuses reprises, « Il appartient donc aux parents concernés par cette disposition d’agir en bon père de famille, en prenant toutes leurs précautions nécessaires pour assurer le dépôt du dossier dans les délais impartis » (voir notamment décisions 19/32 (point 13), confirmé par 20/58 et 20/64).
10. Par ailleurs, il appartient aux demandeurs qui se prévalent d’un cas de force majeure pour justifier l’introduction de leur dossier en deuxième phase, d’apporter la preuve, dès cette introduction, de la réalité d’évènements purement objectifs et indépendants de leur volonté, de nature à faire indiscutablement obstacle, contrairement à ce qu’était la volonté des intéressés dès ce moment-là, au dépôt de cette demande en première phase.
11. La force majeure n’est généralement admise que si une situation objective, indépendante de la volonté des demandeurs les a empêché d’introduire la demande d’inscription en première phase ; selon une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union Européenne, cette situation est caractérisée par l’apparition de circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pas pu être évitées, malgré toutes les diligences déployées (voir par exemple, arrêt CJUE du 5 février 1987, 145/85, Denkavit/Belgique).
12. Il est communément admis que la force majeure est un événement imprévisible, irrésistible, insurmontable et indépendant de la volonté du débiteur, l’ayant empêché d’exécuter son obligation.
Echappe ainsi à un cas de force majeure, un évènement ou une situation qui serait le résultat d’une action ou d’une inaction volontaire des personnes qui entendent s’en prévaloir.
13. C’est dans le cadre réglementaire ainsi défini qu’il convient d’examiner les éléments présentés par les requérants comme constitutifs de force majeure.
14. En l'espèce, il apparaît que - à la différence des circonstances qui font l'objet de l'Ordonnance du Président de la Chambre du 20 août 2020 (20/64) - les requérants n'ont pas pu présenter leur demande de réinscription de [...] dans les délais fixés pour la première phase (du 11 au 29 janvier 2021) car l'abandon des Ecoles européennes de [...] est intervenu après l'expiration de ce délai (soit le 10 mars 2021). Ces circonstances temporelles rendaient objectivement impossible le respect des délais imposés par l'article 2.8 de la Politique d'inscription.
Il est certes vrai, comme le relève la défense des Ecoles européennes, que la décision de quitter l’école de Bruxelles II était l'expression de la volonté de [...]. Toutefois, ce serait faire preuve d'un formalisme déraisonnable de ne pas tenir compte du fait que cette volonté a été fortement influencée par des circonstances exceptionnelles indépendantes de [...], telles que la crise familiale, le confinement et l'enseignement en ligne imposés par la pandémie de Covid. Comme le relève également l'Ordonnance du Président de la Chambre du 20 août 2020 (20/64), la pandémie de Covid et le confinement qui s'en est suivi peuvent être vus comme un cas de force majeure (point 8).
15. Lors de leur demande de réinscription, les requérants ont joint d'une part, une déclaration intitulée "circonstances particulières liées au Covid", dans laquelle ils ont clairement indiqué que le souhait de [...] de quitter l'Ecole de Bruxelles II était dû à ses difficultés psychologiques pour faire face à la crise familiale, difficultés accrues par l'enseignement en ligne. D’autre part, ils ont joint les preuves d'au moins deux rencontres avec une psychologue (le 15 décembre 2020 et le 16 janvier 2021). Cette dernière, notamment par lettre du 8 juillet 2021 adressée à l'ACI, a confirmé la prise en charge thérapeutique de [...] et a recommandé sa réintégration dans le système scolaire des Ecoles européennes en vue, notamment, de "retrouver un équilibre émotionnel" lui permettant de reprendre ses études de manière sereine.
16. Ainsi en considération de l’article 24, § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, selon lequel « Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu'ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale», la Chambre de recours estime que l’ACI aurait dû admettre que l'ensemble des circonstances décrites constituait une situation de force majeure au sens de l'article 2.11 de la Politique d'inscription.
D'autant plus que les requérants ont apporté des preuves suffisantes quant à l'importance cruciale, d'un point de vue psychologique, de la réintégration de [...] dans le système scolaire européen.
17. Au vu de ce qui précède, le recours doit être considéré comme fondé et il n'est donc pas nécessaire d'examiner le moyen, soulevé par les requérants dans leur réplique, concernant l'exception d'illégalité de l'article 2.11 de la Politique d'inscription pour violation du principe d'égalité de traitement.