BDCREE

Beschwerdekammer der Europäischen Schulen

Entscheidungsnummer: 20/05


Entscheidungsdatum: 15.06.2020


Stichwörter

  • Disziplinarausschuss
  • Grundsatz der Verhältnismäßigkeit
  • allgemeine rechtsgrundsätze

Volltext

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Abstract

Sur le fond
16. Le présent recours est fondé. La mesure disciplinaire prise à l’encontre du fils des requérants est disproportionnée : il y a lieu de l’annuler.

17. Le Chapitre VI du RGEE contient les règles qui concernent la discipline scolaire.
(...)

18. Il ressort tant de la jurisprudence de la Chambre de recours (voir notamment les arrêts rendus sur les recours 07/14 du 31 juillet 2007, 08/06 du 5 août 2008, 08/51 du 25 mai 2009 et 09/01 du 20 décembre 2011), que de celle de la Cour de justice de l'Union européenne (voir les arrêts dans l’affaire C-196/09 (Miles) du 14 juin 2011 et dans les affaires jointes C-464/13 et C-465/13 (Europäische Schule München) du 11 mars 2015) que le système juridique des Ecoles européennes étant un système sui generis qui se distingue à la fois de celui de l’Union européenne et de celui des Etats membres, tout en réalisant une forme de coopération entre eux, les principes fondamentaux communément admis tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans celui des Etats membres doivent servir au moins de référence pour l’action de leurs organes et que les justiciables sont donc recevables à invoquer l'illégalité d'actes pris par les autorités relevant du système des Ecoles européennes non seulement au regard de la convention portant statut desdites Ecoles et des textes applicables en vertu de celle-ci, mais également au regard des principes généraux du droit de l'Union européenne.
Au nombre de ces principes généraux de droit figure notamment le principe de proportionnalité.

19. Comme la Chambre de recours l’a déjà souligné dans sa jurisprudence antérieure, le principe de proportionnalité exige que l’intensité des peines ne soit pas disproportionnée par rapport à la gravité de l’infraction. Ainsi, les mesures appliquées par les autorités compétentes, en particulier l’exclusion définitive des Ecoles européennes, doivent être proportionnées à la gravité de l’infraction. En l’espèce, l’examen d’un manquement aux règles de l’école en liaison avec une infraction commise et en fonction de la gravité de l’infraction commise, et son effet sur la communauté scolaire permet une différenciation (voir à ce sujet les arrêts rendus par la Chambre sur les recours 15/12 du 29 septembre 2015, point 27, 17/05 du 7 juillet 2017, point 10 et 19/15 du 26 août 2019, point 16).
Selon ce même principe de proportionnalité, les actes pris par les organes compétents ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir l’arrêt précité sur le recours 08/06, point 13, qui reprend lui-même des références à la jurisprudence pertinente de la Cour de Justice de l’Union européenne).

20. Il résulte de l’article 42 précité (voir le point 17 ci-dessus) que, quand un élève commet un manquement grave mettant en cause la sécurité ou la santé desmembres de la communauté scolaire, les Ecoles européennes peuvent sanctionner l’élève si nécessaire par son exclusion définitive. Toutefois, la liste des mesures disciplinaires possibles, telle qu’établie par l’article 42 b), est le reflet du principe de proportionnalité des sanctions : la liste commence en effet par un simple rappel à l’ordre, continue avec des mesures de plus en plus lourdes, et se termine avec la sanction la plus sévère, l’exclusion définitive de l’élève de l’école (voir l’arrêt précité sur le recours 17/05, point 9).
Comme la Chambre de recours l’a également déjà exposé dans sa jurisprudence antérieure, elle ne peut contrôler que de manière limitative les éléments ayant permis à la Directrice de l’école et au Conseil de discipline d’apprécier le concept juridique imprécis de « manquement grave ». Ainsi, pour déterminer si le comportement de l’élève doit être apprécié comme un manquement aux règles de l’école à ce point grave qu’il conduit à l’exclure du système des Ecoles européennes, elle doit se baser sur les constatations de fait du litige ayant conduit à la décision litigieuse. Il y a lieu de procéder, avec soin et sans préjuger d’une conclusion, à une constatation des faits et indices déterminants ainsi que de procéder à l’établissement nécessaire des preuves ; les faits à décharge doivent aussi être recherchés et établis. À cet effet, la Directrice de l’école et le Conseil de discipline se doivent de respecter les principes généraux de procédure, d’une part, et les conditions de l’article 40 et suivants du RGEE, d’autre part (voir à ce sujet l’arrêt précité rendu sur le recours 15/12, point 20).

21. La question qui se pose en l’espèce est de savoir si, à la lumière des faits tels qu’ils ressortent du dossier devant la Chambre de recours, la sanction disciplinaire infligée à [...] respecte le principe de proportionnalité, tant par rapport à la gravité de l’infraction, que par rapport aux limites de ce qui est nécessaire et appropriée d’un point de vue “éducatif et formateur” (cf. la première phrase de l’article 40 du RGEE).

24. En procédant avec soin à l’examen de ces faits et constatations, la Chambre derecours ne peut que conclure que le dossier sur la base duquel le Conseil de discipline s’est appuyé pour infliger la sanction la plus sévère est constitué d’éléments qui n’ont pas toujours été la suite d’une instruction suffisamment précise, exposant aussi bien les faits à décharge que ceux à charge et permettant ainsi de dûment apprécier la gravité de l’acte reproché à la lumière des circonstances propres de l’affaire et de tenir compte, dans ce contexte, de la proportionnalité.

25. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’acte d’agression sanctionné a été le point culminant d’une querelle prolongée entre deux adolescents, ayant commencé par une mauvaise plaisanterie de la part du fils des requérants, mais qui a assez vite tourné en une bagarre physique, avec une réédition le lendemain et pour laquelle la responsabilité semble au moins devoir être partagée. En effet, les témoignages écrits font apparaître qu’aussi bien lors de l’incident du 11 décembre que pendant celui du 12 décembre, l’élève [...] , qui a finalement été la victime du coup de poing, a contribué lui-même au déroulement des événements par son attitude, laquelle peut, certainement pour ce qui concerne le deuxième incident, être regardée comme provocatrice.
L’objectif des Ecoles visant à réprimer toute forme de violence à l’école est certainement louable et l’agression physique d’un élève par un autre mérite indiscutablement d’être sanctionnée. Mais les pièces du dossier ne permettent pas de comprendre avec une clarté suffisante pourquoi le fils des requérants reçoit la sanction la plus sévère pour l’acte qu’il a posé et que cet acte est qualifié de manquement tellement grave que sa présence à l’école ne peut plus être tolérée, alors que le comportement de l’autre élève, impliqué dans les deux incidents et qui s’est également battu - les deux élèves devant être séparés à chaque fois par des tiers - est laissé entièrement sans suite disciplinaire. Or, cet autre élève a montré par geste et par paroles une attitude menaçante à l’occasion du premier incident - fait corroboré par des témoignages écrits - et a reconnu lui-même avoir recherché délibérément la confrontation, laquelle a mené au fâcheux coup de poing.

26. Si le comportement du fils des requérants est considéré, à juste titre, comme une infraction sérieuse au Règlement de l’École ainsi qu’au code de conduite, il n’en reste pas moins difficile de comprendre pourquoi ce règlement et ce code de conduite ne semblent pas s’appliquer au comportement de l’autre protagoniste des bagarres. En effet, l’article dudit règlement cité par le SGEE dans la décision de rejet du recours administratif précise notamment : “Chacun est tenu d’avoir une attitude correcte envers tous les membres de la communauté scolaire, aussi bien dans les locaux scolaires qu’à l’extérieur (…) La politesse, le savoir-vivre, le respect d’autrui, le sens de la responsabilité, la tolérance sont les fondements de la vie en commune. Cela implique l’exclusion de toute forme d’agressivité (attitude, tenue ou objet pouvant blesser quelqu’un) et la recherche de solutions par le dialogue.” (c’est la chambre qui souligne).

29. Pour toutes ces raisons, la Chambre de recours considère qu’imposer à [...] la sanction disciplinaire la plus lourde prévue par le RGEE, à savoir l’exclusion définitive de l’école, est disproportionnée par rapport à la gravité des manquements établis, tels que replacés dans leur contexte et par rapport aux limites de ce qui est nécessaire et approprié d’un point de vue éducatif et formateur.
Il s’ensuit que, sans qu’il y ait encore besoin d’examiner les autres moyens des requérants, la décision de la Directrice de l’EEB 2, notifiée le 14 janvier 2020, d’exclure définitivement leur fils de l’école, et la décision de rejet du recours administratif par le SGEE, en date du 4 février 2020 et notifiée le 6 février 2020, doivent être annulées.