BDCREE

Beschwerdekammer der Europäischen Schulen

Entscheidungsnummer: 20/03


Entscheidungsdatum: 28.05.2020


Stichwörter

  • Ortslehrkraft
  • Formfehler / Verfahrensfehler
  • Verteidigungsrechte
  • Kosten des Verfahrens

Volltext

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Abstract

Sur le fond,
Sur la légalité des décisions attaquées,
(...)
21. Vu la conclusion des deux contrats à durée déterminée en 2013 et 2014 et celle du contrat à durée indéterminée en 2015, et vu les éléments du dossier, il faut nécessairement considérer que le requérant avait soumis les titres et qualifications en sa possession et que ces titres ont été validés conformément aux dispositions du Statut des chargés de cours : à défaut, les contrats n’auraient pas pu être conclus et le requérant n’aurait pas pu enseigner pendant cinq années, de 2013 à 2019, à l’Ecole européenne de Luxembourg II en exécution de ces contrats.
(...)

22. Les Ecoles européennes soutiennent toutefois que les titres du requérant, aussi bien ceux soumis initialement en vue de son recrutement que ceux transmis ultérieurement suite aux demandes de la direction de l’Ecole, ne correspondraient pas aux qualifications exigées pour enseigner en cycle secondaire les matières qui lui avaient été confiées.
En admettant même que cette affirmation des Ecoles soit justifiée - à défaut pourtant d’explications plus précises quant aux critères qu’elles appliquent pour l’évaluation des qualifications des enseignants -, la direction de l’Ecole européenne de Luxembourg II est la seule responsable de la situation - qu’elle a pourtant reprochée au requérant et utilisée pour le licencier -, et ce, quelle que soit l’hypothèse factuelle retenue.
En effet, soit l’Ecole a effectivement procédé à une évaluation des titres du requérant avant son recrutement - hypothèse en faveur de laquelle plaident la conclusion de trois contrats successifs, l’invitation par le secrétariat de l’Ecole à venir signer le premier contrat (voir e-mail du 30 septembre 2013 repris au point 1 supra) et l’évaluation, nécessairement positive, à l’issue de la période probatoire du premier contrat (article 14 du Statut). Dans ce cas, on ne comprend pas le reproche formulé en 2019.
Soit l’Ecole a conclu les contrats successifs avec le requérant sans avoir évalué ses qualifications et titres - hypothèse ouverte par la réponse donnée par les Ecoles aux questions du Juge rapporteur lorsqu’elles font valoir que « L’évaluation des titres du requérant à laquelle il est fait allusion dans le mail de Madame [...] du 30 septembre 2013 procédait manifestement d’une erreur en ce qui concerne ses aptitudes pédagogiques en mathématiques. Aucune vérification n’a été réalisée concernant les qualifications du requérant dans les autres matières enseignées (sciences, ICT et biologie). L’urgence face à la pénurie de candidats à la rentrée 2013 explique sans doute ceci ». Dans ce cas, l’Ecole ne peut faire porter au requérant la responsabilité de la situation qu’elle a elle-même créée.
(...)

23. L’Ecole européenne de Luxembourg II est la seule responsable de la situation : elle a fait preuve d’une gestion désordonnée, sommaire et laconique du dossier personnel du requérant, doublée d’un retard inconsidéré puisqu’il lui a fallu 5 ans après le recrutement du requérant pour soulever, à l’occasion de l’évaluation en août 2018, une absence des qualifications et titres requis.
Or, si depuis la mise en œuvre du nouveau Statut des chargés de cours (entré en vigueur le 1er septembre 2016, et notamment ses articles 22 et 23 et son annexe IV), le suivi formel des qualifications des enseignants fait aussi partie du processus d’évaluation du chargé de cours depuis l’année scolaire 2017-2018, cela ne signifie pas que l’Ecole est dégagée de sa responsabilité quant à la tenue et la mise à jour régulière et constante du dossier personnel, et ce conformément à l’annexe IV du Statut ; autrement dit, il ne faut attendre le moment de l’évaluation (tous les 4 ans) pour vérifier que le dossier personnel du chargé de cours est à jour.

24. Par ailleurs, le retard pris par l’Ecole pour vérifier – ou revérifier - les qualifications et titres du requérant, et le licencier ensuite, 6 ans après sa première embauche pour le motif qu’il n’aurait pas les titres requis, pose la question de la violation de ses attentes légitimes quant à la poursuite de sa collaboration avec l’Ecole.
En effet, si le requérant ne pouvait pas s’attendre à ce qu’il ne soit jamais licencié (sur base de l’article 16.2 du Statut, la résiliation avec préavis est possible à tout moment), il pouvait par contre s’attendre à ce qu’il ne soit pas licencié pour le motif qu’il ne possédait pas les titres nécessaires, après avoir enseigné pendant cinq années dans cette Ecole, dans le cadre de trois contrats successifs de chargé de cours.
Les Ecoles considèrent que le requérant ne pouvait pas avoir nourri de telles attentes « du fait qu’il n’avait pas respecté son obligation de remettre ses titres et qualifications au moyen de documents officiels conformément à l’article 8 de son contrat à durée indéterminée du 20 juillet 2015 et de l’article 8 du Statut des chargés de cours ».
Or, à supposer même que le requérant n’ait pas satisfait à ses obligations, les cinq années écoulées depuis son recrutement lui permettaient justement de croire, en toute bonne foi, qu’une résiliation de son contrat ne pourrait pas ou plus intervenir pour ce motif.

25. En conclusion, il convient de considérer que le premier motif du licenciement donné par l’Ecole, soit la « non présentation des diplômes requis malgré plusieurs rappels », ne peut justifier le licenciement.

26. Quant au deuxième motif du licenciement, soit « les difficultés » du requérant « à accepter les modifications du nombre d’heures susceptibles de lui être attribuées d’année en année », il faut relever que l’article 30.2 du Statut sanctionne par un licenciement un désaccord du chargé de cours ; ce désaccord doit être certain, formel et définitif pour qu’il puisse justifier la résiliation du contrat. Or la décision de licenciement du 3 juillet 2019 fait état de « difficultés » et non pas d’un désaccord du requérant, ce que le Secrétaire général confirme d’ailleurs lui-même dans sa décision du 2 décembre 2019. Cette absence de désaccord formel et définitif du requérant est d’ailleurs confirmée également par le fait que même s’il a demandé des explications sur la diminution de ses heures d’enseignement pour l’année 2018-2019, il a quand même et finalement exécuté normalement les 12 heures de cours qui lui avaient été attribuées pour cette année scolaire.
Dès lors, ce second motif ne peut justifier le licenciement.

27. Il reste alors à examiner si la procédure suivie par l’Ecole pour procéder au licenciement du requérant était la procédure adéquate.
Les Ecoles font valoir qu’il n’y avait aucune intention d’infliger une sanction disciplinaire au requérant, raison pour laquelle la direction de l’Ecole n’a pas suivi la procédure prévue à l’article 44 du Statut des chargés de cours (procédure disciplinaire) et pour laquelle le licenciement est intervenu sur la base de l’article 16.2 du Statut (lettre de licenciement du 3 juillet 2019) et de l’article L-124-2 du Code du Travail luxembourgeois (lettre de convocation du 24 juin 2019).
Or l’article 43 du Statut dispose que « Tout manquement aux obligations auxquelles le chargé de cours est tenu au titre du présent Statut, commis volontairement ou par négligence, l’expose à une sanction disciplinaire ».
Aux termes de la décision du 3 juillet 2019, le licenciement du requérant est justifié par la « non présentation de ses diplômes » et « les difficultés à accepter les modifications du nombre d’heures de l’enseignement qui lui avaient été attribuées », soit pour des manquements ou des comportements qui constituent des violations des obligations statutaires prévues aux articles 8 et 30 du Statut.
Par conséquent, le licenciement du requérant doit nécessairement être appréhendé comme étant une mesure disciplinaire venant sanctionner les manquements, allégués dans la décision de licenciement, à ses obligations statutaires.
En effet, indépendamment de l’intention subjective de l’auteur d’une décision, constitue une sanction de nature disciplinaire toute décision adoptée en raison d’un fait ou d’un comportement de son destinataire et, portant atteinte à ses intérêts, à ses droits et ou à sa situation juridique.
Les Ecoles ne peuvent à la fois adopter une décision portant licenciement en raison de manquements aux obligations imposées par le Statut en son article 43 et qualifiés, formellement, de fautes exposant à une sanction disciplinaire, et dans le même temps prétendre suivre une procédure autre (la résiliation prévue à l’article 16.2) qui n’offre pas les mêmes garanties procédurales que celles prévues à l’article 44 du Statut.

28. Les Ecoles ne peuvent pas non plus être suivies dans leur argumentation selon laquelle la résiliation du contrat n’est en l’espèce pas une sanction disciplinaire puisque n’a pas été retenue contre le requérant « une faute très grave » telle que celle prévue aux articles 45 et 18 du Statut.
En effet, l’article 18 du Statut prévoit la résiliation du contrat « notamment » pour les fautes qu’il énumère, à titre d’exemples, ce qui n’exclut pas une résiliation dans d’autres cas, en présence d’une situation « rendant impossible la poursuite de l’exécution du contrat », ce qui était le cas pour l’Ecole, à suivre la logique de l’ensemble de l’argumentation de la partie défenderesse.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la décision du Secrétaire général du 2 décembre 2019 ayant rejeté le recours administratif du requérant ainsi que la décision du directeur de l’Ecole européenne de Luxembourg II de 3 juillet 2019 portant résiliation de son contrat de chargé de cours doivent être annulées.

Sur les conséquences de l’annulation et les demandes de dommages et intérêts,
30. En conséquence de ces annulations, et compte tenu des motifs et de l’ensemble des circonstances dans lesquelles ce licenciement est intervenu, la Chambre de recours estime que le requérant a droit à une indemnisation pour le dommage moral subi en raison du traitement désordonné et défaillant de son dossier personnel et de sa situation administrative et professionnelle, et des affirmations vexatoires qui sous-tendent les motifs de la résiliation de son contrat.
L’Ecole ne peut en effet être suivie dans sa défense selon laquelle elle a appliqué l’article 16.2 du Statut (résiliation d’un contrat moyennant préavis et sans motif précis) puisqu’elle a formulé à l’adresse du requérant des reproches justifiant, selon elle, la résiliation de son contrat alors que ces reproches mettent en cause de façon vexatoire ses qualifications et compétences professionnelles, et alors que l’Ecole porte l’entière responsabilité de la situation et qu’elle n’y a pas été attentive pendant cinq ans.
Dès lors, il convient d’accorder au requérant une indemnisation pour dommage moral, que la Chambre de recours estime fondée à hauteur de 3.000 euros.

31. Par contre, la demande du requérant visant à obtenir sa réintégration et la réparation du dommage matériel subi en raison de son licenciement (perte de ses salaires mensuels depuis le 14 décembre 2019) doit être rejetée.
Il est vrai que le requérant a été privé de ses émoluments à partir du 14 décembre 2019, mais cette perte est la conséquence de la résiliation de son contrat.
L’annulation de la décision de licenciement est fondée non pas sur le fait que l’Ecole ne pouvait pas mettre un terme à son contrat de chargé de cours (selon les procédures et modalités fixées aux articles 16 ou 43 et suivants du Statut), mais en raison du fait que cette résiliation est intervenue dans des conditions procédurales confuses et irrégulières, et pour des motifs tenant à la situation administrative du requérant, créée et non réglée par l’Ecole pendant des années, et dont l’Ecole porte la seule et entière responsabilité.
En adoptant la décision litigieuse, l’Ecole a toutefois, et en tout état de cause, manifesté sa volonté de rompre le lien contractuel avec le requérant.
Par conséquent, il serait contradictoire de reconnaître aux Ecoles leur droit de résiliation d’un contrat selon les modalités et conditions prévues par le Statut (les articles 16 ou 43 et suivants) d’une part, et de leur refuser un tel droit d’autre part - ce qui serait le cas si l’on devait considérer, comme le demande le requérant, que le contrat quoique résilié, même irrégulièrement, devrait encore produire des effets.
Il convient également de rappeler que la Chambre de recours ne dispose d’aucun pouvoir d’injonction à l’égard des organes décisionnels des Ecoles européennes : elle ne peut donc pas adresser à l’Ecole européenne de Luxembourg II l’injonction de réintégrer le requérant en conséquence de l’annulation de la décision de le licencier.
A ces considérations, il faut encore ajouter, comme les Ecoles européennes le signalent, que le requérant a été remplacé dans ses fonctions de sorte que l’annulation de son licenciement ne pourrait pas emporter automatiquement sa réintégration.

32. De même, la demande du requérant visant à obtenir la condamnation des Ecoles européennes au paiement d’un montant de 5.000 euros pour ses d’honoraires d’avocat doit être rejetée.
Ces honoraires font en effet partie des frais et dépens de l’instance, dont chaque partie a la charge, de sorte que la Chambre de recours ne peut pas se prononcer sur ces frais séparément de la question des frais et dépens dont le sort est réglé ci-dessous.