BDCREE

Complaints Board of the European Schools

Decision Number: 22/37


Decision Date: 03.01.2023


Keywords

  • Discipline Council
  • rights of defence
  • principle of proportionality

Full Text

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Abstract

Appréciation de la Chambre de recours
Sur la recevabilité du recours
,
10. La recevabilité, tant ratione temporis que ratione materiae, du recours n’est pas discutée.

Sur le fond,
11.
Premier moyen
Le régime disciplinaire est fixé au Chapitre VI du Règlement général des Ecoles européennes (ci-après le RGEE), en ses articles 40 à 44.
L’article 42 b) indique les mesures disciplinaires applicables dans le cycle secondaire. La mesure la plus sévère est l’exclusion définitive d’un élève par le Directeur, sur proposition du Conseil de discipline.
L’article 43 indique que les mesures disciplinaires se prennent à trois niveaux, l’article 43.4 disposant :
« Règlement par le directeur après consultation du Conseil de discipline qui peut se prononcer pour toutes les sanctions, y compris l’exclusion temporaire de plus de trois jours jusqu’à̀ l’exclusion définitive. Si le directeur décide de porter l'affaire devant le Conseil de discipline, il désigne un rapporteur parmi le personnel d’enseignement ou de surveillance - à l’exclusion des membres du Conseil de discipline - chargé d’instruire le dossier. ».
L’article 44 concerne le Conseil de discipline. Il dispose notamment que :
« 5. Convocation
(…)
b) L'élève mis en cause et ses représentants légaux sont convoqués par le directeur par lettre recommandée au moins sept jours - sauf en cas d'urgence - avant la date de la séance.
c) La convocation
- indique le nom et la classe de l’élève
- indique la date, l'heure et le lieu de la réunion
- énonce les faits reprochés
- informe l'élève et ses représentants légaux qu'ils peuvent :
- consulter le dossier des faits qui lui sont reprochés auprès du directeur et selon les modalités que ce dernier indiquera,
- formuler des observations écrites,
- se faire assister par un représentant de l'Association des parents d'élèves ou par un enseignant de l'école,
- demander qu'un délégué des élèves assiste aux débats en qualité d'observateur. Dans ce cas, c'est aux représentants légaux de l’élève d'inviter ces personnes en en informant le directeur.
(…)
».
L’article 44 du RGEE fixe également les conditions de fonctionnement des Conseils de discipline afin d’assurer le respect des principes généraux de droit et des garanties requises dans les procédures disciplinaires ; comme la Chambre de recours l’a déjà souligné, « Le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne du 11 septembre 2008, Bui Van / Commission, F-51/07, point 72 ; arrêt du 13 février 1979, affaire 85/76, Hoffmann Laroche/Commission) » (voir sa décision 13/42 du 11 février 2014).
Il résulte des pièces du dossier que les convocations envoyées par l’Ecole à la mère du requérant (mail du 23 mars 2022 et lettre du 7 avril 2022 en vue d’assister au Conseil de discipline, reporté à plusieurs reprises (1er avril, 2 mai et finalement 19 mai 2022) mentionnaient deux faits concrets (possession de substances illicites et implication dans un vol) et non pas le Plan d’action du 2 septembre 2021 ni la lettre d’engagement du 30 août 2021, qui n’ont évoqués pour la première fois qu’à la lecture du rapport d’enquête, en début de séance du Conseil de discipline ; or le non-respect du Plan d’action et de la lettre d’engagement, et eux seuls, sont les fondements de la décision d’exclusion. Cela ressort clairement de la lettre de la Directrice du 2 juin 2022 adressée à la mère de l’élève, étant la communication formelle de sa décision d’exclusion définitive suite à la recommandation du Conseil de discipline.
Ce fait n’est pas contesté par les Ecoles européennes (point 16 de leur Mémoire en réponse).

12. Il est ainsi établi que la convocation au Conseil de discipline n’indiquait pas le non-respect du Plan d’action du 2 septembre 2021 ni le non-respect de la lettre d’engagement et de motivation du 30 août 2021 comme étant les faits reprochés à l’élève.
Face à cette constatation, la Chambre de recours ne peut que conclure à une violation des dispositions de l’article 44 du RGEE, en ce que les faits reprochés n’ont pas été énoncés dans la convocation.
Cette violation des règles de la procédure disciplinaire constitue un vice substantiel, et non une simple irrégularité sans incidence sur les droits de la défense comme le prétendent les Ecoles : en effet, l'organe auquel le RGEE attribue le pouvoir de prendre la sanction disciplinaire la plus grave (une exclusion définitive) doit respecter les règles établies par ce Règlement, lesquelles sont le reflet des principes essentiels pour ce type de procédure ; leur violation ne peut qu’aboutir à l’annulation de la décision disciplinaire prise par la Directrice et de la décision du Secrétaire général qui la confirme, ces deux décisions étant basées sur la proposition du Conseil de discipline entachée d’un vice substantiel.

13. Deuxième moyen
Le requérant conteste le grief de « possession » de cannabis dès lors que le matériel et le cannabis ne lui appartenaient pas. Les Ecoles font valoir que le fait que le matériel et le cannabis aient appartenus à autrui est sans aucune pertinence dans la mesure où c’est bien l’élève [...] qui les a introduites dans l’Ecole.
La Chambre de recours prend acte qu’il n’est pas contesté que c’est bien l’élève [...] qui les a introduits dans l'enceinte de l'établissement, mais il est également avéré, sans que ce soit contesté par les Ecoles, que la quantité de marijuana en question était totalement infime (résidus), qu’ [...] ne consomme pas de stupéfiant (test d’urines négatif) et que la propriété du matériel trouvé dans son sac n’a pas été établie.
Sans occulter le fait que le requérant a bien introduit du cannabis dans l’enceinte de l’école, la Chambre de recours estime que les circonstances étaient suffisamment pertinentes pour être prises en considération afin de déterminer la mesure disciplinaire applicable, dans le respect du principe de proportionnalité et de l’article 40 du RGEE.

14. Troisième moyen
En ce qui concerne les faits de vol, il est constant que ce grief n’a pas été, dans les décisions attaquées, considéré comme établi.
Or, une simple suspicion ne peut représenter un manquement de la part d’un élève au Règlement de l'école ou aux règles générales de vie en commun au sein d’une école, et ne peut en aucun cas faire l'objet d'une mesure disciplinaire puisqu’une suspicion n’est, à l’évidence, pas un fait établi.
(...)

15. Quatrième moyen
Selon l’article 40 du RGEE, « Les mesures disciplinaires auront un caractère éducatif et formateur. Le directeur veille à la coordination et à l'harmonisation des mesures disciplinaires. ».
Le requérant fait valoir à juste titre que l’exclusion définitive est disproportionnée au regard des manquements relevés dans la décision de la Directrice du 2 juin 2022, et les conséquences de l’exclusion définitive sont hors de proportion avec les faits reprochés dans le cadre de cette procédure. La décision d’exclusion ne comprend aucun examen de proportionnalité, ce qui suffit à déclarer ce moyen fondé. Selon lui, l’exclusion définitive est disproportionnée au regard des manquements relevés dans la décision du 2 juin 2022, à savoir :
(...)

16. Les faits reprochés au requérant sont sans doute graves mais, en considération du fait que le plus sérieux d’entre eux (vol) n’a pas été́ prouvé à suffisance de droit, la Chambre de recours considère que l’exclusion définitive de l'école – c'est-à-dire la sanction la plus lourde prévue par le Règlement général – n’est pas proportionnée aux manquements du requérant effectivement établis.
De plus, selon l’article 40 du Règlement général, les mesures disciplinaires doivent avoir un caractère « éducatif et formateur » ; or une sanction disproportionnée est dépourvue d’un tel caractère.

17. Il ressort de ce qui précède que la décision du 2 juin 2022 de la Directrice de l’Ecole européenne de Bruxelles II d’exclure définitivement l’élève [...] et la décision de rejet du recours administratif par le Secrétaire général des Ecoles européennes en date du 1er juillet 2022, doivent être annulées.