BDCREE

Complaints Board of the European Schools

Decision Number: 14/37R


Decision Date: 06.08.2014


Keywords

  • summary proceedings (suspension of enforcement and other interim measures)
  • Baccalaureate
  • right to effective legal redress
  • equal treatment
  • scope and execution of the decisions of the Complaints Board

Full Text

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Abstract

Sur la recevabilité du recours en référé,
10. Or, les Ecoles européennes font valoir que ce recours est précisément irrecevable pour avoir été introduit prématurément, avant même la réponse apportée au recours administratif de Mme [...] et M. [...] par le président du jury du baccalauréat.

11. Cependant, l'objet même de la procédure de référé organisée par les dispositions susmentionnées du règlement de procédure est de permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décision administrative contestée par le demandeur ou toute autre mesure provisoire justifiée par les circonstances ; une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où le texte pertinent impose, comme en l'espèce, l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir la Chambre de recours, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire ; dans une telle hypothèse, la suspension ou toute autre mesure provisoire peut être demandée au juge des référés sans attendre qu'il ait été statué sur le recours préalable, dès lors que l'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès de l'autorité compétente pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée.

12. En l’espèce, il est constant que Mme [...] et M. [...] ont formé un tel recours administratif avant l'introduction de leur recours en référé et il peut d'ailleurs être relevé que la décision rendue par le président du jury du baccalauréat sur ce recours administratif préalable est intervenue le lendemain même de l'introduction des recours contentieux. Les requérants ayant expressément, dans leur mémoire en réplique, dirigé leurs conclusions contre cette dernière décision, la fin de non-recevoir opposée à ce sujet au recours en référé par les Ecoles européennes doit, en tout état de cause, être écartée.

13. En outre, contrairement, à ce que soutiennent lesdites Ecoles, la demande de majoration de la note de l'élève qui fait l'objet du recours en référé ne peut pas être regardée comme une demande de mesure dépassant la nature provisoire et touchant au fond du litige puisqu'elle figure expressément au nombre des "mesures urgentes et provisoires" sollicitées par les requérants.

14. Enfin, ce recours ne peut être considéré comme étant devenu sans objet pour la seule raison que le président du jury du baccalauréat a autorisé l'intéressé à se présenter à un nouvel examen, seule mesure prévue par l'article 12 du règlement d'application du règlement du baccalauréat européen.

15. En effet, sans préjudice de l'appréciation qui sera portée par la Chambre de recours, lorsqu'elle examinera le recours principal, sur le moyen tiré par voie d'exception de d'illégalité de cet article, le juge des référés peut être amené, lorsque les conditions d'octroi du sursis à exécution ou d'autres mesures provisoires sont réunies, à ordonner une mesure impliquant la rectification provisoire d'une note et de la moyenne générale d'un candidat (voir, par exemple, dans le cas d'une erreur matérielle non corrigée, l'ordonnance du 26 août 2010 rendue sur le recours 10/65 R).

16. Au surplus, il peut être relevé que le président du jury du baccalauréat dispose, indépendamment des conditions fixées par l'article 12 précité, d'un pouvoir d'harmonisation de l'évaluation qui lui est reconnu par l'article 6.5.9.5. du même règlement et dont il a d'ailleurs fait usage en décidant la majoration d'un demi-point de l'ensemble des notes obtenues à l'examen écrit de chimie.

17. Il s'ensuit que le présent recours en référé doit être regardé comme recevable.

Sur le fond
, 19. Il résulte de ces dispositions qu’une demande de sursis à exécution ou d’autres mesures provisoires présentée par recours en référé, accessoire mais distinct du recours principal, n’est susceptible d’être accueillie que lorsque l’urgence le justifie, qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée et qu’il existe, dans les circonstances de l’espèce, un risque réel d’absence d’effectivité du droit au recours.

20. Ces trois conditions sont, conformément à leur énoncé, cumulatives et non alternatives. En outre, si elles sont réunies, la prise en considération des intérêts en cause ne doit pas s'opposer à la mesure demandée.

En ce qui concerne l'urgence
21. L'urgence, qui n'est d'ailleurs que partiellement discutée, est avérée en l'espèce puisque le délai ultime de communication des résultats du baccalauréat à l'université à laquelle postule [...] expire le 31 août 2014, date limite après laquelle il ne pourra plus y être admis, alors que le nouvel examen de chimie auquel il a été invité à se présenter n'aura lieu que le 2 septembre 2014.

En ce qui concerne le doute quant à la légalité de la décision attaquée
22. Il ressort des pièces du dossier que l'examen écrit de chimie du baccalauréat européen 2014 a été entaché de plusieurs irrégularités. D'une part, il a été admis, suite aux remarques de nombreux professeurs, que plusieurs anomalies affectaient l'examen dans son ensemble : une longueur anormale, certaines questions étrangères à la matière étudiée au cours, une distribution des notes révélant un taux anormalement élevé de notes basses. D'autre part, il a été reconnu que la version portugaise de l'énoncé de l'examen était entachée d'une omission particulière constitutive d'un vice de forme spécifique.

23. Compte tenu des anomalies ayant affecté l'ensemble de l'examen, le président du jury du baccalauréat, sur la proposition du Secrétaire général des écoles européennes et en se fondant sur l'article 12 du règlement d'application du règlement du baccalauréat européen, a décidé, le 29 juin 2014, d'ouvrir à tous les candidats le souhaitant, en dehors même de toute procédure de recours, la possibilité de se présenter à un nouvel examen écrit de chimie au début du mois de septembre 2014.

24. Ensuite, par décision du 3 juillet 2014, le même président du jury a pris, dans le cadre de son pouvoir d'harmonisation de l'évaluation mentionné à l'article 6.5.9.5. du même règlement, une nouvelle mesure consistant à majorer d'un demi-point l'ensemble des notes obtenues à cet examen par tous les candidats.

25. Enfin, dans sa décision attaquée du 25 juillet 2014 rendue sur le recours administratif de Mme [...] et M. [...], le président du jury du baccalauréat a estimé ce recours "recevable et partiellement fondé", en soulignant que "l'omission des unités de mesure dans la question A1 de l'énoncé de la version portugaise de l'examen de chimie constitue un vice de forme en ce qu'il porte atteinte à l'uniformité des épreuves des différentes sections linguistiques garantie par l'article 3.3.1. du règlement". Cependant, il n'a tiré aucune conséquence de cette irrégularité spécifique puisqu'il s'est borné à rappeler l'application des deux mesures déjà prises pour l'ensemble des candidats quelle que soit leur section linguistique : possibilité de repasser l'examen en septembre et majoration générale d'un demi-point.

26. Cette seule constatation suffit à considérer que le moyen tiré de la discrimination faite aux élèves de la section de langue portugaise, qui n'ont pu bénéficier d'une mesure propre de compensation alors qu'il a été officiellement reconnu qu'ils ont subi un désavantage supplémentaire par rapport à l'ensemble des candidats, paraît propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

27. En effet, alors que l'harmonisation de l'évaluation ayant permis de majorer d'un demi-point l'ensemble des notes a été fondée sur l'ensemble des résultats obtenus au cours des dix dernières années, il n'a manifestement pas été recherché, malgré l'anomalie constatée dans la section linguistique portugaise, si les résultats enregistrés dans cette section non seulement par rapport aux années précédentes mais aussi par rapport aux autres sections linguistiques présentaient des particularités susceptibles de justifier une majoration supplémentaire.

28. S'y ajoutent les doutes découlant du fait qu'il n'a pas été possible de présenter aux requérants l'épreuve originale de leur fils, laquelle doit être conservée dans l'école en vertu de l'article 6.5.9.11. du règlement d'application du règlement du baccalauréat européen, et que, contrairement aux prescriptions de l'article 6.5.10., le directeur de l'école n'a pas répondu à leur demande de définition des conditions d'accès des candidats à leurs copies d'examen. Il est difficilement admissible, à cet égard, que l'on se borne à opposer aux intéressés la fermeture de l'école pendant la période des congés annuels, alors que l'existence même des procédures de recours et notamment des procédures d'urgence justifie en une telle période une possibilité minimale de contacts avec les Ecoles européennes.

29. Si de tels défauts de communication n'ont pas nécessairement en eux-mêmes d'incidence sur la légalité de la décision attaquée, ils n'ont pas permis aux intéressés de vérifier si les conditions d'harmonisation de l'évaluation prévue à l'article 6.5.9.5. ont été correctement réunies. Les requérants semblent d'autant plus fondés à faire valoir cet argument qu'ils ont pu relever, en dehors même des excellents résultats régulièrement obtenus par leur fils, qu'il aurait suffi que la note attribuée par le premier correcteur de l'examen de chimie, majorée d'un demi-point, soit retenue pour que soit non seulement atteinte mais dépassée la moyenne générale requise pour être admis dans l'université demandée.

En ce qui concerne le risque d'absence d'effectivité du droit au recours
30. Eu égard à l’ensemble des éléments du dossier, il peut être admis qu’il existe un risque réel d’absence d’effectivité du droit au recours dans la mesure où l’annulation partielle de la décision attaquée ne pourra être finalement prononcée, le cas échéant, qu’à une période trop tardive pour permettre l’inscription effective de [...] dans cette université.

En ce qui concerne la prise en considération des intérêts en cause
31. Alors qu'il est de l'intérêt évident des requérants, qui ont réuni les trois conditions cumulatives d'octroi du sursis à exécution, d'obtenir celui-ci avec les conséquences qu'il implique, une telle mesure ne peut être regardée comme susceptible de porter une grave atteinte à celui des Ecoles européennes. En effet, le caractère provisoire de cette mesure ne les empêchera nullement de maintenir leur position, si elles s'y croient fondées, en poursuivant la défense de la décision attaquée au fond devant la Chambre de recours.

32. Au vu de l'ensemble de ces considérations, il y a lieu d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision du président du jury du baccalauréat européen en date du 25 juillet 2014 en tant qu'elle a rejeté la demande de majoration supplémentaire de la note obtenue par [...] à l'épreuve écrite de chimie. Compte tenu des motifs retenus, un tel sursis, qui ne préjudicie ni à la possibilité restant offerte à l'intéressé de repasser l'épreuve en septembre ni à l'appréciation de la Chambre de recours lors de l'examen du recours principal, implique que cette note soit provisoirement majorée afin que la moyenne générale de l'élève atteigne le niveau susceptible de permettre son admission provisoire et conditionnelle dans l'université demandée.

Sur les frais et dépens,
33. Aux termes de l’article 27 du règlement de procédure : « Toute partie qui succombe est condamnée aux frais et dépens s’il est conclu en ce sens par l’autre partie. Cependant, si les circonstances particulières de l’affaire le justifient, la Chambre de recours peut mettre les frais et dépens à la charge de cette dernière ou les partager entre les parties (…) A défaut de conclusions sur les dépens, chaque partie supporte ses propres dépens. ».

34. Si les requérants, qui ne succombent pas dans la présente instance de référé, ont demandé la condamnation des Ecoles européennes aux dépens, ils n'ont pas présenté de conclusions chiffrées spécifiques à leur recours en référé, tandis que lesdites Ecoles ont simplement demandé que les dépens soient réservés. Dans ces conditions, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres frais et dépens.